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14/06/2023 | FRANCE | N°22PA03300

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 juin 2023, 22PA03300


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 août 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201519 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, Mme A..., représentée par M

e Vi Van, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 août 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201519 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Vi Van, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de fait révélant un défaut d'examen de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- et les observations de Me Vi Van, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante russe d'origine tchétchène née le 26 octobre 1963, est entrée en France le 8 juin 2009, selon ses déclarations. Le 9 octobre 2019, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 août 2021, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si Mme A... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen de sa situation personnelle et de l'erreur de fait, elle ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

4. Mme A... se prévaut de la durée de son séjour en France de plus de dix années à la date de la décision contestée, de ses attaches familiales en France et de son intégration. Toutefois, la durée de son séjour ne constitue pas, à elle seule, un motif d'admission exceptionnelle au séjour et il ressort des pièces du dossier qu'elle est veuve et que seul l'un de ses trois enfants majeurs présents sur le territoire français est en situation régulière. Si ce dernier atteste la prendre en charge financièrement et de ce qu'elle l'aide à son domicile en raison du handicap dont souffre son fils, il est constant qu'elle réside à Paris et que son fils et son petit-fils résident à Tours. De plus, la circonstance que son ancien époux ait été reconnu réfugié et qu'il ait vécu en France jusqu'à son décès le 22 avril 2021 ne saurait être regardée comme un motif exceptionnel dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'elle aurait vécu avec lui en France et qu'il ne l'a d'ailleurs jamais déclarée comme son épouse auprès des autorités françaises. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui n'a exercé aucune activité professionnelle depuis son entrée en France en 2009, qui est hébergée par le SAMU social depuis au moins l'année 2016 et qui n'est pas en mesure de s'exprimer même de manière simple en langue française, ne justifie d'aucune intégration. Elle n'est, par ailleurs, pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa fratrie et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans. Enfin, si la requérante soutient craindre pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, ce risque n'est en tout état de cause pas établi, comme cela est exposé au point 12. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision contestée doit être écarté.

5. En dernier lieu, Mme A... ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision de refus de séjour la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle ne s'est pas prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour et sur lesquelles le préfet ne s'est pas prononcé d'office.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire français qui accompagne un refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de

celui-ci. La décision de refus de séjour étant suffisamment motivée, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut de motivation doit être écarté.

8. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que Mme A... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

12. Si Mme A... soutient qu'en cas de retour en Tchétchénie, elle serait exposée à un risque réel et sérieux de subir des traitements inhumains et dégradants, d'une part, par les autorités russes, en raison de sa qualité d'épouse d'un ancien combattant tchétchène, et, d'autre part, par les autorités tchétchènes, du fait de sa condition de femme isolée, célibataire et " occidentalisée ", elle ne présente aucun développement substantiel, cohérent et vraisemblable, ni aucun élément probant sur les motifs et les circonstances de son départ de son pays en 2007, sur les liens qu'elle aurait entretenus, avant et après ce départ, avec M. B... A..., qu'elle présente comme son époux, ou sur le caractère personnel et actuel de ses craintes en cas de retour en Fédération de Russie à raison de ce lien conjugal dont elle se prévaut. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 4, Mme A... ne se retrouverait pas isolée en Tchétchénie, où réside une partie de sa famille. Par ailleurs, elle n'apporte aucune précision, ni aucun élément sur le profil " occidentalisé " dont elle fait état. Enfin, la seule référence à un rapport de 2014 d'un membre de l'organisation non gouvernementale " Mémorial ", intitulé " Les Tchétchènes en Russie ", et à un rapport d'avril 2019, intitulé " Les ressortissants Tchétchènes à l'épreuve du régime d'asile européen ", réalisé dans le cadre du partenariat entre la Clinique de l'Ecole de Droit de Sciences Po Paris et l'association Habitat-Cité, ne saurait suffire pour établir le caractère personnel, réel et actuel des craintes énoncées par l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine, en l'absence d'explications substantielles et crédibles de la requérante sur les risques allégués. Au surplus, elle produit un passeport russe qui lui a été délivré le 17 septembre 2018, sans préciser les circonstances dans lesquelles elle s'est ainsi réclamée de la protection des autorités de son pays. Ainsi, la requérante n'apporte aucun élément sérieux ou convaincant permettant de considérer qu'elle encourrait dans le cas d'un retour en Fédération de Russie, de manière suffisamment personnelle et certaine, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sa demande d'asile et ses demandes de réexamen ont été, au demeurant, rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, en décidant que l'intéressée pourrait être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARYLe président,

R. d'HAËM

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03300
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: M. MANTZ
Avocat(s) : VI VAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;22pa03300 ?
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