Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2106238 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2022, M. D..., représenté par Me Konaté, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête de M. D... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant malien, né le 16 juillet 1993, entré en France, selon ses déclarations, le 12 mai 2016 et qui s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français valable jusqu'au 2 février 2021, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. D... fait appel du jugement du 12 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. "
3. D'une part, il est constant qu'à la date de la décision attaquée portant refus de renouvellement de titre de séjour, soit le 13 avril 2021, M. D... était père d'une enfant de nationalité française, A... D..., née le 10 avril 2019 et qu'il a reconnue par anticipation le 14 décembre 2018. Toutefois, il ne justifie pas, à cette date, qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de cette enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. A cet égard, ni l'attestation du 24 avril 2021 de la mère de l'enfant, Mme E... C..., indiquant que M. D..., " n'ayant auparavant pas de compte courant ", lui donne de l'argent en espèces pour subvenir aux besoins de l'enfant, qu'il effectue lui-même des achats et qu'il voit régulièrement sa fille, l'attestation du 1er février 2021 du maire de La Celle Saint-Cloud, mentionnant que l'intéressé amène et vient chercher quotidiennement sa fille à la crèche, ou l'attestation du 20 avril 2021 d'un médecin généraliste, indiquant qu'il vient régulièrement au cabinet accompagner sa fille pour son suivi médical, ni les neuf factures d'achat de produits pour enfant des mois de septembre 2019 à avril 2021, ne sauraient suffire, compte tenu des termes très peu circonstanciés dans lesquels sont rédigées ces attestations ou eu égard aux montants très modestes de ces factures, pour démontrer qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille, notamment à proportion de ses ressources, alors qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, du contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de nettoyage signé le 1er octobre 2019 que M. D..., qui résidait à Bondy (Seine-Saint-Denis), devait percevoir une rémunération mensuelle brute de 1 521,25 euros. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il réside désormais avec sa compagne, à La Celle Saint-Cloud, depuis la naissance de son second enfant, F... D..., née le 23 mars 2022, sans fournir pour autant d'éléments de justification sur cette vie commune, et produit trois autres attestations des 14 mars 2022, 25 mars 2022 et 19 avril 2022 de médecins, indiquant qu'il a accompagné l'une ou l'autre de ses enfants pour une consultation, ainsi que six factures d'achat entre les mois de juillet 2021 et avril 2022, pour des montants modestes, ces différents éléments, postérieurs à la date de la décision attaquée du 13 avril 2021, sont sans incidence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date de son édiction, et, en tout état de cause, insuffisants pour démontrer que M. D... contribuait, à cette date, à l'entretien de sa fille et participait à son éducation. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en estimant qu'il ne rapportait pas la preuve de cette contribution, le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 précité.
4. D'autre part, pour soutenir que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées, M. D... fait valoir qu'il a désormais fixé le centre de ses attaches en France et qu'il y vit en concubinage avec Mme C... et leurs deux enfants, A... D... née le 10 avril 2019 et F... D... née le 23 mars 2022. Toutefois, à supposer établie la durée de séjour en France de M. D... depuis le 12 mai 2016, celui-ci ne justifie pas, à la date de la décision attaquée, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son aînée, de nationalité française, ni d'une insertion sociale ou professionnelle stable et ancienne en France, ni, enfin, d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine, le Mali, où il n'allègue pas être démuni de toute attache et où lui-même a résidé jusque l'âge de vingt-deux ans. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il réside désormais avec sa compagne, à La Celle Saint-Cloud, depuis la naissance de son second enfant, F... D..., née le 23 mars 2022, il ne fournit pas, ainsi qu'il a été dit au point 3, d'éléments de justification sur cette vie commune, qui est, de surcroît, postérieure à la date de la décision attaquée du 13 avril 2021 et donc sans incidence sur sa légalité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée portant refus de renouvellement de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ou comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de son enfant née le 10 avril 2019. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle doit être également écarté.
5. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, et celui tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ne peuvent qu'être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
L. d'ARGENLIEULa greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA02112 2