Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 22 mai 2021 par lequel le préfet de l'Ardèche l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 214945 du 31 mai 2021 la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun a fait droit à sa requête, en annulant l'arrêté du 22 mai 2021 du préfet de l'Ardèche et en enjoignant à ce dernier de réexaminer la situation de l'intéressée en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2022, le préfet de l'Ardèche, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B... A....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif que Mme A... avait été privée de son droit d'être entendue en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- Mme A... est entrée irrégulièrement en France, a toute sa famille en Albanie et est défavorablement connue des services de police ;
- sa décision est suffisamment motivée ;
- il reprend ses écritures de première instance concernant les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision.
La requête a été communiquée à Mme B... A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Renaudin a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante albanaise, née en 1978, entrée en France en 2019 selon ses déclarations, a été interpellée le 22 mai 2021 lors d'un contrôle de police. Par arrêté du 22 mai 2021, le préfet de l'Ardèche a obligé l'intéressée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pour une durée d'un an. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 31 mai 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté. Le préfet de l'Ardèche fait appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Melun :
2. Les premiers juges ont annulé la décision contestée aux motifs, d'une part, que Mme A... avait été privée du droit d'être entendue au sens du principe général du droit de l'Union européenne énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, selon lequel toute personne a le droit d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre et, d'autre part, que le principe du contradictoire avait été méconnu.
3. Cependant, il ressort des pièces du dossier, produites par le préfet de l'Ardèche, que Mme A..., a pu présenter ses observations lors de son interpellation par les services de police, comme en témoigne le procès-verbal du 22 mai 2021, et notamment préciser les conditions de son séjour en France et sa situation familiale, ayant été informée d'une éventuelle décision d'éloignement à son encontre. Ainsi, la procédure suivie par le préfet de l'Ardèche n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni n'a méconnu le principe du contradictoire.
4. Le préfet de l'Ardèche est par conséquent fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté du 22 mai 2021 pour ces motifs.
5. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Melun.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient Mme A..., elle a bien reçu notification d'une décision d'obligation de quitter le territoire français, sans délai, qu'elle a d'ailleurs signée. Le moyen tiré du défaut de notification de la décision relative à l'absence de délai de départ volontaire, doit donc, en tout état de cause, être écarté.
7. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme Isabelle Arrighi, secrétaire générale de la préfecture, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Ardèche, selon un arrêté n° 07-2021-04-01-00001 en date du 1er avril 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de l'Ardèche le même jour, à l'effet de signer notamment les arrêtés et décisions relevant de la compétence de l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté attaqué n'aurait pas été compétent, manque en fait.
8. En troisième lieu, l'arrêté attaqué comporte dans ses visas et ses motifs les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de Mme A... au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du procès-verbal du 22 mai 2021 déjà mentionné, que Mme A... a déclaré être entrée en France un an avant son interpellation et s'y être maintenue, et qu'elle était dépourvue de passeport, ne pouvant donc justifier d'une entrée régulière en France, et n'étant en outre pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Le moyen tiré d'une erreur de droit, au demeurant dénué de toute précision, doit donc être écarté. A supposer que Mme A... ait entendu soulever ce même moyen à l'encontre des décisions distinctes portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée.
11. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... vit seule, et a toute sa famille en Albanie, notamment sa fille, qu'elle n'a pas de situation professionnelle ni de revenus, qu'elle n'allègue pas être exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine, la décision attaquée n'est donc pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 22 mai 2021 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Ses conclusions tendant à l'annulation de son inscription dans le système d'information Schengen ne peuvent, en tout état de cause, qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 mai 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00323