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31/05/2023 | FRANCE | N°22PA05441

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 31 mai 2023, 22PA05441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 15 septembre 2022, par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de trente-six mois.

Par un jugement n° 2214168 du 18 novembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 15 septembre 2022 d'interdiction de retour sur le territoire françai

s et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 15 septembre 2022, par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de trente-six mois.

Par un jugement n° 2214168 du 18 novembre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 15 septembre 2022 d'interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du 18 novembre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2023, M. A..., représenté par Me Isabelle Calvo Pardo conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 29 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Topin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant burkinabé né le 19 juin 1979, est entré en France en 2013 selon ses déclarations. A la suite de son interpellation par les forces de l'ordre dans les transports publics, il a fait l'objet d'un arrêté du 15 septembre 2022, par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. Par un jugement du 18 novembre 2022, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 15 septembre 2022 d'interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de la requête. Le préfet de police relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet, sous son identité ou sous une identité d'emprunt, de quatre obligations de quitter le territoire français les 21 juin 2013, 12 juillet 2016, 18 mars 2018 et 28 janvier 2020. Le relevé dactyloscopique du 15 mars 2018 met également en évidence qu'il était connu des services de police sous une autre identité d'emprunt pour vols avec violences sans armes au préjudice d'autres victimes le 25 février 2013, des vols avec violences sans armes au préjudice d'autres victimes le 25 mai 2013, un vol en réunion dans un moyen de transport collectif et recel le 30 août 2014, des tentatives de vols à la tire le 18 mars 2014 ainsi que, sous son identité, pour des vols à la tire le 12 mai 2014, des faits d'escroqueries et abus de confiance le 26 juillet 2017 ainsi que pour vol aggravé par deux circonstances sans violence le 3 janvier 2018. M. A... ne conteste pas avoir fait l'objet d'une condamnation le 27 mai 2013 par le Tribunal correctionnel de Paris à 2 mois d'emprisonnement pour vol aggravé par deux circonstances (récidive) ainsi que le mentionne l'arrêté du préfet de l'Essonne du 21 juin 2013. Il a fait l'objet d'une seconde condamnation le 16 août 2018 par le Tribunal correctionnel de Paris à 3 mois d'emprisonnement pour vol aggravé par deux circonstances (récidive de tentative), pour des faits commis le 13 août 2018 et il a de nouveau été interpellé le 14 septembre 2022 pour un vol en réunion et rébellion. Ces infractions continues relevées à son encontre caractérisent une menace à l'ordre public. Alors même que sa compagne béninoise, avec laquelle il partage sa vie, dispose d'un certificat de résidence de dix ans, et qu'il participe à l'éducation des trois enfants nés de cette union, le préfet n'a, dans ces conditions, pas entaché sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois d'une erreur d'appréciation. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé sa décision du 15 septembre 2022 et lui a enjoint d'effacer la mention de l'intéressé au fichier du système d'information Schengen.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil contre cette décision.

Sur les autres moyens d'annulation invoqué par M. A... :

5. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. En outre, ainsi que la Cour de justice l'a jugé dans ses arrêts

C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision en litige que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal d'audition du 14 septembre 2022 par les services de police que M. A... été interrogé sur son identité, son pays d'origine, les conditions de son entrée et de son séjour en France, sa situation professionnelle et familiale ainsi que la perspective d'un éloignement vers son pays d'origine. Ainsi, M. A... a été mis à même de présenter son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs susceptibles de justifier que l'autorité préfectorale s'abstienne de prendre à son égard une interdiction de retour sur le territoire. Au surplus, M. A... ne justifie, en appel pas plus qu'en première instance, d'aucun élément propre à sa situation qu'il aurait été privé de faire valoir lors de son audition et qui, s'il avait été en mesure de l'invoquer préalablement, aurait été de nature à influer sur le sens des décisions prises par le préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, doit être écarté.

7. En second lieu, si M. A... fait valoir être en couple depuis sept ans avec une ressortissante béninoise titulaire d'une carte de résident et vivre avec sa compagne, ses trois enfants issus de leur union et deux autres enfants de sa compagne, il ressort des pièces du dossier qu'il ne justifie d'aucune insertion professionnelle dans la société française et, ainsi qu'il a été dit au point 3., le préfet de police a justifié de la menace à l'ordre public qu'il représentait compte tenu de la multiplicité des infractions dont il a été soupçonné depuis 2013 jusqu'à sa nouvelle interpellation par la police le 14 septembre 2022 et des deux condamnations pénales prononcées à son encontre. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et enjoint au préfet de supprimer sans délai la mention faite au fichier du système d'information Schengen, et que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 15 septembre 2022 par laquelle le préfet de police lui a interdit le retour sur le territoire français pour trente-six mois. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 18 novembre 2022 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

La présidente rapporteure,

E. TOPINL'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05441
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-31;22pa05441 ?
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