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31/05/2023 | FRANCE | N°21PA03333

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 31 mai 2023, 21PA03333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée Dômes Pharma a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 août 2012, ainsi que des majorations correspondantes, assorties du versement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1817388/1-3 du 21 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juin 2021 et 25...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée Dômes Pharma a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 août 2012, ainsi que des majorations correspondantes, assorties du versement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1817388/1-3 du 21 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juin 2021 et 25 janvier 2023, la société Dômes Pharma, représentée par Me Pierre-Albin Boyer, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal, et d'assortir leur restitution du versement des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas répondu à son argument tiré de ce que l'administration avait implicitement renoncé à la qualification d'acte anormal de gestion ;

- l'indemnité a été versée dans son intérêt propre.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Dômes Pharma ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, à supposer que la charge ait été déductible du bénéfice imposable, elle aurait dû l'être au titre de l'exercice clos en 2010.

Par une ordonnance du 27 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boyer, représentant la société Dômes Pharma.

Considérant ce qui suit :

1. La société Dômes Finance, devenue Dômes Pharma, est la société mère d'un groupe fiscal intégré comprenant la société Veto Centre, devenue la société Laboratoires Auvex. La société Veto Centre a confié, par un contrat de commission conclu le 31 août 2002, la commercialisation de ses produits de marque Biocanina à la société Noreva Pharma, laquelle a attribué l'exécution de ce contrat à sa filiale, la société Noreva Distribution. Par un protocole du 18 février 2010, la société Veto Centre a mis un terme au contrat de commission à compter du 31 mars 2010 en s'engageant à verser à la société Noreva Pharma la somme totale de 2 millions d'euros. Les sommes de 392 000 euros, 345 000 euros et 828 000 euros ainsi acquittées ont été enregistrées en charges respectivement au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011 et d'une vérification sur pièces portant sur l'exercice clos en 2012, l'administration a remis en cause la déductibilité de ces charges du bénéfice imposable, puis par sa réponse aux observations du contribuable en date du 24 octobre 2013, a admis " par souci de conciliation " que l'indemnité versée compensait pour la période du 1er avril 2010 au 31 août 2011 la perte de recettes de la société Noreva Pharma. La rectification du bénéfice au titre de l'exercice clos le 31 août 2012 a été maintenue à hauteur de 794 244 euros et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale additionnelle à cet impôt au titre de cet exercice, assorties de pénalités, ont été mises en recouvrement au nom de la société tête de groupe. Par un jugement du 21 avril 2021, dont la société Dômes Pharma relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge desdites impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort du jugement attaqué, et notamment de ses points 7. et 8., que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par la société Dômes Pharma, a répondu avec de suffisantes précisions au moyen tiré de ce que la charge en litige ne constituait pas un acte anormal de gestion, le bien-fondé de la réponse des premiers juges étant, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé et par suite irrégulier.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration a estimé que l'indemnisation en litige, qui portait sur la période postérieure au 31 août 2011, était constitutive d'un acte anormal de gestion dès lors que la société Veto Centre n'était pas tenue par les termes du contrat du 31 août 2002 de verser une telle compensation et n'en n'a tiré aucune contrepartie.

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration ne peut être regardée comme ayant renoncé à considérer que cette charge déduite du bénéfice de l'exercice clos en 2012 était constitutive d'un acte anormal de gestion par le seul fait qu'elle a abandonné les rectifications envisagées au titre des exercices 2010 et 2011 au motif que les indemnités versées lors de ces exercices pouvaient être regardées, " par souci de conciliation " comme destinées à compenser la perte de recettes de la société Noreva Pharma du 1er avril 2010 au 31 août 2011.

7. En deuxième lieu, il est constant que l'indemnité litigieuse ne résultait d'aucune obligation de la société Veto Centre résultant du contrat du 31 août 2002. Si la société requérante soutient toutefois que le contrat du 31 août 2002 courait jusqu'au 31 août 2012, cela ne ressort pas des termes de cet accord, alors que l'article 8.2. de ce contrat prévoyait en effet la possibilité pour chacune des parties de mettre un terme, sans indemnité, à la reconduction tacite annuelle du contrat en le dénonçant sous réserve du respect d'un préavis de six mois.

8. En troisième lieu, la société Dômes Pharma soutient que l'indemnisation en litige a été versée pour prémunir la société Veto Centre d'une éventuelle requalification par le juge judiciaire du contrat de commission du 31 août 2002, en un contrat d'agent commercial, susceptible de donner lieu au versement d'une indemnisation de cinq millions d'euros à titre d'indemnités de rupture, majorée de 1,4 millions correspondant aux commissions dues au nouveau distributeur. Toutefois, il résulte de la lettre du 19 octobre 2009 du conseil de la société Dômes Finance que si le projet d'évolution du contrat qui avait été proposé par la société Noreva Pharma à la suite de la mise en demeure de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments de se conformer aux règles du code de la santé publique comportait un tel risque, tel n'était pas le cas de la situation sous l'emprise du contrat du 31 août 2002. Or, il est constant que ce projet d'évolution du contrat a été refusé par la société Veto Centre. Par ailleurs, si la société Noreva Pharma a, malgré ce refus, émis en 2009 des bons de commandes et non plus des factures répondant aux critères du contrat signé en 2002, il résulte de l'instruction que la société Veto Centre n'a pas implicitement admis cette modification dès lors que, par courrier du 22 octobre 2009, elle a mis en demeure son distributeur, de respecter l'ensemble des dispositions du contrat du 31 août 2002 afin d'éviter toute ambiguïté contractuelle. Au demeurant, il ressort d'un courrier du 19 octobre 2009 adressé à la société Veto Centre par son conseil que celui-ci lui conseillait de procéder à la résiliation du contrat sans indemnité, comme l'y autorisaient les clauses du contrat signé le 31 août 2002, au motif que la société Noreva Pharma n'avait pas effectué les diligences nécessaires pour se conformer à ses engagements contractuels, ce qu'elle n'a pas fait. Dans ces conditions, la société requérante ne justifie en aucun cas de l'intérêt que la société Veto Centre avait à verser une indemnité à laquelle elle n'était pas tenue, les courrier et courriel des 4 novembre 2009 et 11 février 2010 par lesquels la société Noreva Pharma reproche à la société Veto Centre de ne pas avoir validé la modification du contrat qu'elle proposait étant à cet égard sans incidence. Par suite, l'administration a établi que le versement de l'indemnité en litige, qui résultait d'un acte délibéré de la société Veto Centre caractérisé par la conclusion du protocole du 18 février 2010, était constitutive d'un acte anormal de gestion.

9. En dernier lieu, et en tout état de cause, il est constant que la charge afférente à cette indemnité était certaine tant dans son principe que dans son montant dès la signature du protocole du 18 février 2010, et n'était dès lors pas déductible des résultats de l'exercice 2012. Pour ce seul motif, l'administration était fondée à la réintégrer dans les résultats de la société Veto Centre.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Dômes Pharma n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Dômes Pharma est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dômes Pharma et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

La présidente-rapporteure,

E. TOPINL'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA03333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03333
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : JURICITE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-31;21pa03333 ?
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