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30/05/2023 | FRANCE | N°22PA05435

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge unique, 30 mai 2023, 22PA05435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 novembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer lui a refusé l'entrée en France au titre de l'asile, d'enjoindre au ministre de mettre fin à la mesure de privation de liberté dont elle fait l'objet et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 novembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer lui a refusé l'entrée en France au titre de l'asile, d'enjoindre au ministre de mettre fin à la mesure de privation de liberté dont elle fait l'objet et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2224854 du 5 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, Mme D..., représentée par Me Gueye, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de réacheminement méconnaît le principe de non refoulement et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, représenté par la SCP Saidji et Moreau, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 22 mai 2023 à 12h00.

Par une décision en date du 1er septembre 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a désigné M. d'Haëm, président assesseur à la 4ème chambre, pour statuer, en application des dispositions de l'article L. 352-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les requêtes d'appel relatives au contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et des décisions de transfert.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, rapporteur,

- et les observations de Me Ben Hamouda, avocate du ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante haïtienne, née le 12 novembre 1998 et arrivée, le 27 novembre 2022, à l'aéroport d'Orly par un vol en provenance de Punta Cana (République dominicaine), munie d'un passeport haïtien usurpé et falsifié, au nom de Mme C... B... épouse A..., et d'un titre de séjour français usurpé, a demandé, le même jour, le bénéfice de l'asile. Par une décision du 29 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, au vu d'un avis du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du même jour, refusé son entrée en France au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers la République dominicaine ou vers tout pays où elle sera légalement admissible. Mme D... fait appel du jugement du 5 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : / (...) 3° La demande d'asile est manifestement infondée (...) ". Aux termes de l'article L. 352-3 du même code : " La décision de refus d'entrée mentionnée à l'article L. 352-1 est écrite et motivée (...) ".

3. La décision attaquée du 29 novembre 2022, qui vise, notamment les articles L. 333-3 et L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la demande d'entrée en France au titre de l'asile présentée par Mme D..., le procès-verbal établi par les services de la police aux frontières le 27 novembre 2022 et l'avis du directeur général de l'OFPRA du 29 novembre 2022, indique que l'intéressée a déclaré que, de nationalité haïtienne, de confession chrétienne et originaire de Pétion-Ville, elle a été, en novembre et décembre 2019, agressée par des bandits dans les transports en commun, que par la suite, elle n'a plus osé quitter son domicile et a craint pour sa sécurité et qu'elle a quitté son pays d'origine en février 2020, a transité par la République dominicaine et est arrivée en France le 27 novembre 2022. Cette décision mentionne également que les déclarations de l'intéressée ont été dénuées de tout élément circonstancié, que, bien que la situation sécuritaire en Haïti est instable, elle n'a fait état d'aucune crainte basée sur un ciblage personnel dont elle ferait l'objet, qu'elle n'a fourni aucune information probante quant aux différents groupes de bandits opérant dans sa ville, ne serait-ce que les noms de leurs chefs de file, et qu'elle n'a pas été en mesure d'identifier clairement ses assaillants ou la bande armée à laquelle ils appartiendraient. Elle relève que, compte tenu de ce qui précède, il ne saurait être considéré comme plausible que l'intéressée soit victime de mauvais traitements en cas de retour dans son pays et que sa demande est donc manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves exprimé en cas de retour, de sorte que sa demande d'asile doit être regardée comme manifestement infondée. Enfin, la décision en litige mentionne que l'intéressée provient de la République dominicaine et qu'il y a lieu, en application de l'article L. 333-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de prescrire son réacheminement vers le territoire de cet Etat ou, le cas échéant, vers tout pays où elle sera légalement admissible. Par suite, cette décision, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée, alors même que la requérante soutient désormais qu'elle n'aurait jamais vécu en République dominicaine, contrairement à ses déclarations sur ce point lors de l'entretien dont elle a bénéficié devant l'OFPRA le 27 novembre 2022.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire (...) ". Aux termes de l'article L. 352-2 du même code : " (...) la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V (...) ". Aux termes de R. 351-1 de ce code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande (...) ". Aux termes de l'article R. 351-3 du même code : " (...) l'étranger est entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon les modalités prévues par les articles R. 531-11 à R. 531-16 (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 531-12 de ce code : " Lorsque l'entretien personnel mené avec le demandeur d'asile nécessite l'assistance d'un interprète, sa rétribution est prise en charge par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ".

5. Si Mme D... soutient que l'ensemble de la procédure a été réalisée en langue française alors qu'elle n'en maîtrise que les rudiments, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du compte-rendu de l'entretien dont elle a bénéficié devant l'OFPRA, le 29 novembre 2022, que l'intéressée, qui a expressément déclaré maîtriser la langue française, a été en mesure de comprendre, lors de cet entretien, les questions posées et d'y répondre ainsi que d'exposer les motifs de sa demande d'asile et, en particulier, d'indiquer les circonstances de son départ de son pays et ses craintes en cas de retour. Par suite, Mme D... ne saurait être fondée à soutenir que la décision attaquée serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de l'assistance d'un interprète, notamment lors de l'entretien du 29 novembre 2022.

6. En troisième lieu, si Mme D... soutient qu'afin d'éviter d'être réacheminée en Haïti, elle a volontairement déclaré, lors de cet entretien, qu'elle a vécu et travaillé en République dominicaine du mois de février 2020 au mois de novembre 2022, alors qu'elle n'y a jamais vécu, elle ne fournit aucune précision, ni aucun élément sur ses conditions d'existence au cours de cette période qu'elle aurait passée, en réalité, en Haïti, ni sur les motifs de son départ de ce pays en novembre 2022 ou sur ses craintes personnelles et actuelles en cas de retour. Par suite, eu égard au caractère très peu circonstancié, inconsistant ou trop général de ses déclarations lors de l'entretien du 29 novembre 2022 et alors que la requérante ne livre aucun éclaircissement sur ses conditions d'existence entre 2020 et 2022, les motifs de son départ d'Haïti et ses craintes en cas de retour, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, en regardant la demande d'asile de Mme D... comme étant manifestement infondée et en refusant en conséquence son entrée sur le territoire français au titre de l'asile, ne saurait être regardé comme ayant fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 352-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Enfin, Mme D... n'apportant aucun élément sérieux ou document probant de nature à établir la réalité, l'intensité et le caractère personnel des persécutions ou des atteintes graves dont elle allègue avoir fait l'objet dans son pays d'origine, ou à justifier des risques qu'elle prétend encourir en cas de retour dans ce pays ou en République dominicaine, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, en ce qu'elle prescrit son réacheminement vers la République dominicaine ou vers tout pays où elle sera légalement admissible, méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, celles de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

Le magistrat désigné,

R. d'HAËMLa greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05435 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge unique
Numéro d'arrêt : 22PA05435
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : GUEYE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-30;22pa05435 ?
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