Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 novembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer lui a refusé l'entrée en France au titre de l'asile, d'enjoindre au ministre de mettre fin à la mesure de privation de liberté dont elle fait l'objet et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2223728 du 21 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Meyer, demande à la Cour :
1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa demande d'asile ne peut être regardée comme étant manifestement infondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, représenté par la SCP Saidji et Moreau, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par Mme A... n'est pas fondé.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 22 mai 2023 à 12h00.
Par une décision du 16 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une décision en date du 1er septembre 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a désigné M. d'Haëm, président assesseur à la 4ème chambre, pour statuer, en application des dispositions de l'article L. 352-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les requêtes d'appel relatives au contentieux des refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile et des décisions de transfert.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, rapporteur,
- et les observations de Me Ben Hamouda, avocate du ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., se déclarant ressortissante éthiopienne, née le 11 décembre 1998, s'est présentée, le 11 novembre 2022, à la frontière des arrivées du terminal 2E de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, dépourvue de document de voyage et de billetterie, et a demandé, le 12 novembre 2022, le bénéfice de l'asile. Par une décision du 16 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, au vu d'un avis du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du même jour, refusé son entrée en France au titre de l'asile et a ordonné son réacheminement vers tout pays où elle sera légalement admissible. Mme A... fait appel du jugement du 21 novembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision susvisée du 16 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : / (...) 3° La demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ". Aux termes de l'article L. 352-2 du même code : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. / L'avocat ou le représentant d'une des associations mentionnées à l'article L. 531-15, désigné par l'étranger, est autorisé à pénétrer dans la zone d'attente pour l'accompagner à son entretien dans les conditions prévues au même article. / Sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant à la frontière du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, sont sans pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou, du fait notamment de leur caractère inconsistant ou trop général, incohérent ou très peu plausible, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les craintes de persécutions ou d'atteintes graves alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er, A, 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la protection subsidiaire.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'asile, Mme A... a fait valoir qu'elle est originaire d'une localité près de Nekemte (région de l'Oromia, ancienne province de Wellega), d'ethnie amhara et de religion orthodoxe et qu'en juillet 2012, des rebelles d'ethnie oromo, appartenant au groupe Shéné, ont attaqué sa localité peuplée majoritairement de membres de l'ethnie amhara, ses parents ont été tués et elle-même a été enlevée par les rebelles et contrainte de vivre à leurs côtés dans un campement durant quinze à vingt jours, période au cours de laquelle elle a été astreinte à des tâches ménagères et a subi de graves sévices, avant d'être libérée ou de s'échapper. Elle a fait valoir également qu'après sa libération ou sa fuite, elle a rejoint son oncle, à Gonder, qui a organisé son départ du pays qu'elle a quitté en juillet 2022 pour gagner le Soudan, puis la Turquie et la France.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du compte-rendu de l'entretien du 16 novembre 2022 ainsi que de ses écritures en première instance et en appel que Mme A... a tenu des propos particulièrement sommaires ou évasifs sur sa provenance géographique, sur son environnement familial et sur les circonstances de l'attaque de son village, en juillet 2022, par des rebelles d'ethnie oromo. En outre, l'intéressée n'a livré que des indications élusives ou inconsistantes, voire contradictoires et très peu plausibles tant sur ses conditions de vie auprès de ces rebelles durant quinze ou vingt jours que sur les circonstances de sa libération ou de sa fuite, ses déclarations sur ce point ayant varié sans qu'elle ne fournisse la moindre explication. Par ailleurs, elle n'a livré aucun commencement d'explication sérieuse sur la manière dont elle aurait rejoint, dès sa libération ou sa fuite, son oncle à Gonder, ville située à plus de 570 km de sa localité d'origine alléguée. Enfin et en tout état de cause, elle n'a présenté aucun développement un tant soit peu précis et crédible sur les raisons pour lesquelles, alors qu'elle se considérait en sécurité auprès de son oncle, celui-ci aurait financé et organisé son départ, ni sur l'organisation et les modalités de ce départ, ni sur ses craintes actuelles et personnelles en cas de retour.
7. Il suit de là qu'en estimant, par sa décision du 16 novembre 2022, que la demande d'asile de Mme A... était manifestement infondée et en refusant en conséquence son entrée sur le territoire français au titre de l'asile, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 352-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.
Le magistrat désigné,
R. d'HAËMLa greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05350 2