Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus mises à sa charge au titre de l'année 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1821710 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des pénalités mises à la charge de M. A..., à hauteur de 53 631 euros, et a rejeté, en son article 2, le surplus des conclusions de la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2020 et le 8 janvier 2021, M. A..., représenté par la SCP Pommier, Cohen et associés, agissant par Me Frèche, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1821710 du 9 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que l'administration fiscale a pris en compte les revenus soumis au prélèvement libératoire pour l'appréciation de la limite prévue au 1° du I de l'article 156 du code général des impôts ;
- il est exploitant agricole depuis plus de douze ans et cette activité ne saurait être regardée comme ayant été exercée dans un objectif de diminuer l'impôt exigible en générant des déficits imputables ;
- il peut se prévaloir de la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-30-10-20-20 ;
- l'administration fiscale a méconnu la réponse ministérielle n° 9591 à M. de Courson, député, publiée au Journal officiel le 11 mai 1998, la réponse ministérielle n° 97683 à M. E..., député, publiée au Journal officiel le 8 août 2006 et la réponse ministérielle n° 55881 à M. B..., député, publiée au Journal officiel le 23 avril 2001 ;
- les mentions de ses avis d'imposition ainsi que les résultats issus de l'application de déclaration de l'administration fiscale constituent une prise de position formelle de l'administration fiscale, sur laquelle elle est revenue, méconnaissant ce faisant les principes de sécurité juridique, de confiance légitime et d'espérance légitime.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 décembre 2020 et le 29 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- et le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, à l'issue duquel l'administration fiscale a mis à sa charge, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus au titre de l'année 2015, à raison notamment de la remise en cause de l'imputation de déficits agricoles sur le revenu global déclaré par l'intéressé au titre des années 2011 et 2012, et par voie de conséquence, du report des déficits globaux résultant de cette imputation sur le revenu imposable de l'intéressé au titre de l'année 2015. M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités correspondantes. Par une décision du 12 février 2020, l'administration a déchargé M. A... des pénalités assortissant les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus mis à sa charge. Par un jugement du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de ce dégrèvement partiel et a rejeté, en son article 2, le surplus des conclusions de la demande de M. A.... M. A... relève appel de l'article 2 de ce jugement.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. D'une part, aux termes de l'article 1A du code général des impôts : " Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable déterminé conformément aux dispositions des articles 156 à 168. / Ce revenu net global est constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes : / - Revenus fonciers ; / - Bénéfices industriels et commerciaux ; / - Rémunérations, d'une part, des gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié et des gérants des sociétés en commandite par actions et, d'autre part, des associés en nom des sociétés de personnes et des membres des sociétés en participation lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ; / - Bénéfices de l'exploitation agricole ; / - Traitements, salaires, indemnités, émoluments, pensions et rentes viagères ; / -Bénéfices des professions non commerciales et revenus y assimilés ; / - Revenus de capitaux mobiliers ; / - Plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, déterminés conformément aux dispositions des articles 14 à 155, total dont sont retranchées les charges énumérées à l'article 156 ". Aux termes de l'article 13 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis et au 1 du VII ter de la 1re sous-section de la présente section ainsi que les plus-values et créances mentionnées à l'article 167 bis, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis. / 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles. / Le résultat d'ensemble de chaque catégorie de revenus est obtenu en totalisant, s'il y a lieu, le bénéfice ou revenu afférent à chacune des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie et déterminé dans les conditions prévues pour cette dernière [...] ". Aux termes du premier alinéa du 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2009 à 2012, n'est pas autorisée l'imputation sur le revenu global " des déficits provenant d'exploitations agricoles lorsque le total des revenus nets d'autres sources excède 106 225 euros ; ces déficits peuvent cependant être admis en déduction des bénéfices de même nature des années suivantes jusqu'à la sixième inclusivement ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 117 quater du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I.-1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement [...] qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu [...] ". Le taux de ce prélèvement s'élevait à 19 % au titre de l'année 2011 et à 21 % au titre de l'année 2012.
4. Il ressort des travaux préparatoires à la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964 de finances pour 1965 dont les dispositions du I de l'article 156 du code général des impôts sont issues, qu'en édictant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que les contribuables disposant de ressources importantes ne réduisent abusivement le montant de leur revenu imposable par l'exercice d'une activité agricole structurellement déficitaire.
5. L'administration fiscale a relevé que les déficits globaux antérieurs déclarés par M. A... au titre des années 2011 et 2012, et reportés sur son revenu net de l'année 2015 en litige, comprenaient notamment les résultats agricoles déficitaires résultant de l'exploitation du haras d'Yck, dont le requérant et son ex-épouse étaient associés, à hauteur, respectivement de 420 593 euros et de 456 106 euros. Elle a estimé que ces sommes ne pouvaient être valablement imputées sur le revenu global de M. A... dès lors que le total des revenus nets d'autres sources, déclarés par M. A... au titre des années 2011 et 2012, s'élevait respectivement à 956 796 euros et à 237 745 euros, soit des montants excédant la limite, fixée par le par le 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, au-delà de laquelle les déficits agricoles ne peuvent être imputés sur le revenu global.
6. En premier lieu, M. A..., qui se prévaut notamment des travaux préparatoires à l'adoption de la loi de finances pour 2008, soutient que le service ne pouvait tenir compte, pour calculer le montant des " revenus nets issus d'autres sources ", au sens des dispositions du 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, de dividendes s'élevant à 946 143 euros au titre de l'année 2011 et à 229 007 euros au titre de l'année 2012, soumis au prélèvement prévu par l'article 117 quater du code général des impôts. Toutefois, à défaut de mention contraire dans les dispositions de l'article 156 du code général des impôts, les " revenus nets d'autres sources ", au sens de ces dispositions, c'est-à-dire les revenus autres qu'agricoles perçus par le contribuable, dont le total ne doit pas dépasser un plafond, fixé par ces dispositions, pour que les déficits provenant d'exploitations agricoles puissent être déduits du revenu d'un contribuable, ne se limitent pas aux seuls éléments du revenu global soumis à l'impôt sur le revenu selon un barème progressif, mais doivent inclure notamment les revenus soumis, en application de l'article 117 quater du code général des impôts, au prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu. Ainsi, c'est à bon droit, et sans méconnaître les dispositions du 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, que l'administration fiscale a pris en compte les dividendes perçus par le requérant, soumis au prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu prévu par l'article 117 quater du code général des impôts, pour l'appréciation de la condition de revenus fixée par les dispositions du 1° du I de l'article 156 du code général des impôts et a estimé, eu égard au total des " revenus nets d'autres sources " ainsi calculé, que le plafond prévu par ces dispositions avait en l'espèce été dépassé. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En second lieu, M. A... soutient, en se prévalant notamment des travaux préparatoires à la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964 de finances pour 1965 mentionnés au point 4, qu'il est exploitant agricole depuis plus de douze ans et que cette activité, exercée à titre exclusif, ne saurait être regardée comme ayant été exercée dans un objectif de diminuer l'impôt exigible en générant des déficits imputables. Toutefois, cette circonstance est en l'espèce sans incidence, dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, c'est à bon droit, et sans méconnaître les dispositions du 1° du I de l'article 156 du code général des impôts, que l'administration fiscale a pris en compte les dividendes perçus au titre des années 2011 et 2012, soumis au prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu prévu par l'article 117 quater du code général des impôts, pour déterminer le total des " revenus nets d'autres sources ". Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur l'interprétation de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même code : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi ".
9. En premier lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-30-10-20-20, laquelle ne comporte pas, en son paragraphe 212 dont il se prévaut, d'interprétation de la loi fiscale différente de celle il a été fait application.
10. En deuxième lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu les termes de la réponse ministérielle n° 9591 à M. de Courson, député, publiée au Journal officiel le 11 mai 1998, selon lesquels " ce dispositif propre à l'agriculture a été institué en 1964 à la suite d'une enquête qui avait fait apparaître l'existence d'importants abus, certains investisseurs ne s'intéressant à une activité agricole que pour réduire l'imposition de leur revenu principal ", lesquels ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation fiscale de celle dont il a été fait application.
11. En troisième lieu, aux termes de la réponse ministérielle n° 97683 à M. E..., député, publiée au Journal officiel le 8 août 2006 : " Conformément aux dispositions de l'article 156-I-1 du code général des impôts, les déficits provenant d'exploitations agricoles ne peuvent donner lieu à imputation sur le revenu global que si le total des revenus nets provenant d'autres sources dont dispose le foyer fiscal n'excède pas 61 080 euros (revenus de 2005). La limite de 61 080 euros précitée doit être appréciée au regard de l'ensemble des revenus nets du foyer fiscal qui sont taxés sous une cote unique. Il s'agit de tous les revenus - autres qu'agricoles - tels qu'ils ont été déterminés pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, y compris les plus-values (autres que les plus-values à long terme), et profits immobiliers de toute nature. À cet égard, il est rappelé que sont considérés comme bénéfices agricoles pour l'application de l'impôt sur le revenu les revenus que l'exploitation des biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, colons paritaires, soit aux propriétaires exploitants eux-mêmes. Par suite, les sommes perçues, au titre de salaires, par un dirigeant d'une société anonyme qui commercialise la production d'une société agricole ne sauraient être qualifiées de revenus agricoles. Il en résulte que, pour l'appréciation de la limite prévue par les dispositions de l'article 156-1-10 précité, ces revenus doivent être compris dans le revenu global ". Cette réponse fait suite à une question portant, d'une part, sur la définition du revenu global, et d'autre part, sur l'inclusion des salaires des dirigeants de sociétés anonymes qui commercialisent les productions de sociétés agricoles dans le total des revenus nets d'autres sources. Or, l'administration ne s'est pas prononcée, par la réponse qu'elle a fait à cette question, sur l'inclusion des revenus soumis au prélèvement libératoire prévu par l'article 117 quater du code général des impôts, dont les dispositions, issues de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, n'étaient pas encore en vigueur. Pour le même motif, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir des termes de la réponse ministérielle n° 55881 à M. B..., député, publiée au Journal officiel le 23 avril 2001. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces réponses ministérielles doit être écarté.
12. Enfin, M. A... soutient que l'administration fiscale se serait engagée, par les mentions des avis d'imposition qui lui ont été adressés au titre des années 2011 et 2012, sur la nature et le montant des déficits reportables. Toutefois ni ces mentions, ni les résultats issus de l'exploitation faite, au moyen d'une application informatique, des déclarations du contribuable au titre des années 2011, 2012 ou 2016, ne peuvent être regardés comme constituant des prises de position formelles de l'administration fiscale, au sens des dispositions citées au point 8 du présent arrêt. Dès lors que ces avis d'impositions ne contenaient pas de prise de position formelle de l'administration fiscale, le requérant - qui ne saurait par ailleurs se prévaloir d'un guide relatif à la déclaration des revenus publié par un éditeur juridique - n'est pas fondé à soutenir qu'en procédant aux rehaussements en litige, l'administration fiscale aurait méconnu les principes de sécurité juridique, de confiance légitime et d'espérance légitime.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.
Le rapporteur,
K. D...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01900