Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2107388 du 4 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme C... épouse D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mars 2022, Mme C... épouse D..., représentée par Me Wak-Hanna, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107388 du 4 février 2022 du tribunal administratif de Montreuil.
2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai de trois mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et a été rendu au terme d'une instruction incomplète ;
- il est entaché de contradiction de motifs, d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 6-5° de l'accord franco algérien et de l'article R. 312-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits des enfants ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-la convention internationale relative aux droits des enfants ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les observations de Me Wak-Hanna, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse D..., ressortissante algérienne, née en 1980, a sollicité le 2 décembre 2020 le renouvellement du certificat de résidence algérien qui lui avait été délivré en qualité d'accompagnant d'un enfant malade sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco algérien modifié. Par un arrêté du 30 avril 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler le certificat demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... demande à la Cour régulièrement l'annulation du jugement du 4 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision préfectorale du 30 avril 2021, ainsi que l'annulation de ladite décision.
2. Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit / (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la jeune E... D..., née en 2012, souffre d'une maladie neurodégénérative grave avec des complications liées à son polyhandicap mettant en jeu son pronostic vital en l'absence de soins spécialisés adaptés. Son état nécessite, outre des soins en neuropédiatrie, kinésithérapie, ergothérapie, orthoptie et psychologie motrice, actuellement assurés à domicile, une prise en charge nutritionnelle complémentaire par gastrotomie et une prise en charge orthopédique également compte tenu de sa luxation des deux hanches, laquelle a donné lieu à une opération correctrice le 6 octobre 2021 devant être suivie d'une opération aux pieds. Elle bénéficie également d'une prise en charge dite intensive dans un centre de rééducation pluridisciplinaire. Ainsi, son état de santé nécessite des soins coordonnés, prodigués notamment à domicile, dont le défaut l'exposerait, comme l'admet le préfet, à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Compte tenu du caractère multidisciplinaire de cette prise en charge assurée en large partie à domicile et coordonnée dans un service pédiatrique spécialisé, et des certificats établis par un médecin du centre hospitalier de Sétif (Algérie), cette prise en charge ne peut pas être assurée de manière adaptée en Algérie, l'enfant E... ne pouvant par ailleurs recevoir ces soins sans le concours de sa mère. C'est donc en entachant sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation particulière de l'enfant E... et de sa mère que le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de titre de séjour de Mme C... épouse D.... Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, dans les circonstances particulières de l'espèce, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 4 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son titre de séjour, et, par suite, à demander l'annulation du jugement attaqué et de la décision de refus de titre de séjour en litige, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions dont celles-ci constitue le fondement légal.
4. L'exécution du présent arrêt implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre un titre de séjour temporaire à Mme C... épouse D.... Il y a lieu de lui enjoindre de le faire dans le délai de deux mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil en date du 4 février 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis, en date du 30 avril 2021 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, dans un délai de deux mois, de délivrer un titre de séjour temporaire à Mme C... épouse D....
Article 4 : L'Etat versera à Mme C... épouse D... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la requête de Mme C... épouse D... sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 mai 2023.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
S. CARRERE La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01031