Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2107022 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a, en ses articles 1er à 3, annulé l'arrêté du préfet de police en date du 31 juillet 2020, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107022 du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son arrêté du 31 juillet 2020 méconnaissait les dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- aucun des autres moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2022, M. A..., représenté par Me Mileo, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier ;
- aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 14 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 15 septembre 1980, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 juillet 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de police relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police en date du 31 juillet 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...] La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat [...] ".
3. Pour refuser à M. A..., qui soutient souffrir d'une pathologie orbitaire grave, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police a relevé que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et a estimé en conséquence que son admission au séjour n'avait pas lieu d'être prononcée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour établir l'indisponibilité des soins nécessaires au Sénégal, M. A... s'est borné à produire des certificats médicaux ne mentionnant pas une telle indisponibilité, ainsi que des ordonnances médicales. Si M. A... soutient que le collyre qui lui est administré quotidiennement, contenant du latanoprost, ne figure pas sur la " liste des médicaments et produits essentiels du Sénégal ", publiée par le ministère de la santé et de l'action sociale sénégalais, cette seule circonstance ne permet pas d'établir que cette substance active, ou, à tout le moins, des molécules présentant une indication équivalente, ne serait pas effectivement commercialisée dans ce pays. Dès lors, les éléments produits par M. A... ne permettent pas d'établir qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 31 juillet 2020 méconnaissait les dispositions alors codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés en première instance et devant la Cour par M. A... :
6. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration [...] ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016, visé ci-dessus : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport [...] ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté [...] ".
7. Le préfet de police a produit, en annexe de ses écritures de première instance, une version illisible d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dépourvu de la signature de deux des trois médecins mentionnés, et visant les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 16 décembre 2020. Or, la version qu'il produit désormais en appel, qui fait apparaître l'ensemble des signatures et mentions prévues par les dispositions applicables, vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 16 décembre 2020. Le bordereau de transmission accompagnant l'avis produit en appel est lui aussi différent du bordereau produit en première instance, en ce qu'il mentionne également les dispositions applicables après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 16 décembre 2020, alors que le bordereau produit en première instance vise les dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de cette ordonnance. Eu égard à ces différences entre les avis produits en première instance et en appel, il n'est pas possible de s'assurer que la version produite en appel serait celle de l'avis effectivement émis préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté, et donc que l'avis du collège des médecins de l'OFII aurait été, en l'espèce, rendu dans des conditions régulières.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 juillet 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard à l'illégalité entachant l'arrêté du préfet de police en date du 31 juillet 2020, qui n'implique pas nécessairement qu'il délivre un titre de séjour à M. A..., le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressé. En l'espèce, l'illégalité entachant cet arrêté implique seulement que le préfet de police réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police d'y procéder, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Par suite, le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure.
Sur les frais liés aux instances :
10. D'une part, c'est à bon droit, eu égard aux circonstances de l'espèce, que les premiers juges ont mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
11. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée, au titre de l'instance d'appel, par M. A..., au profit de son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2107022 du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris auquel ce jugement a fait droit à l'article 2 de son jugement et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de police et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de la formation de jugement,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.
Le rapporteur,
K. B...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04646 2