Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Supersonic films a saisi le Tribunal administratif de Paris de six demandes : une première demande sous le n° 1819135 tendant à l'annulation de la décision du
30 août 2018 par laquelle le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a retiré la décision du 27 juillet 2017 lui accordant une autorisation préalable ainsi que l'aide à la production versée pour l'adaptation audiovisuelle du spectacle vivant " Out of the cage ", outre des conclusions à fin d'injonction ; une deuxième demande sous le n° 1819136 tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 0018323 du 31 août 2018 ; une troisième demande sous le n° 1819458 tendant à l'annulation de la décision du 30 août 2018 par laquelle le CNC a retiré la décision du 27 juillet 2017 lui accordant une autorisation préalable ainsi que l'aide à la production versée pour l'adaptation audiovisuelle du spectacle vivant " Very Aombi ", outre des conclusions à fin d'injonction ; une quatrième demande sous le n° 1819459 tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 0018324 du 31 août 2018 ; une cinquième demande sous le n°1819460 tendant à l'annulation de la décision du 30 août 2018 par laquelle le CNC a retiré la décision du 27 juillet 2017 lui accordant une autorisation préalable ainsi que l'aide à la production versée pour l'adaptation audiovisuelle du spectacle vivant " Lindigo VS Skip et Die ", outre des conclusions à fin d'injonction ; une sixième demande sous le n°1819461 tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 0018322 du 31 août 2018.
Par un jugement n° nos 1819135, 1819136, 1819458, 1819459, 1819460, 1819461 du 28 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2021, la société Supersonic films, représentée par Me Tendeiro, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions et titres exécutoires mentionnés ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au CNC de lui attribuer l'autorisation définitive pour l'œuvre "out of the cage", et d'en tirer l'ensemble des conséquences de droit, dont le versement du solde de l'aide à la production, soit 6.250 euros et ce sous 3 mois à compter de la décision à intervenir, l'ensemble assorti d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au CNC d'inscrire, de façon rétroactive, "Out of the cage" sur la liste des œuvres de référence 2018, de procéder à l'inscription, de façon rétroactive au 1er janvier 2018, de l'aide automatique dont elle aurait dû bénéficier pour la captation du concert de "Out of the cage", et ce sous 3 mois à compter de la décision à intervenir, l'ensemble assorti d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au CNC de lui accorder un délai d'un an et neuf mois à compter de l'arrêt à intervenir pour obtenir l'autorisation définitive pour le tournage de "Very Aombi" et de "Lindigo VS Skip § Die";
6°) de mettre à la charge du CNC la somme de 8 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant des décisions de retrait :
- c'est à tort que l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration lui a été appliqué car il s'agit là d'une règle générale alors qu'il convient d'appliquer la règle spéciale prévue à l'article L. 422-1 du code du cinéma et de l'image animée ;
- la procédure prévue par le code du cinéma et de l'image animée en cas de sanction administrative n'a pas été respectée ;
- les décisions litigieuses ont été prises en méconnaissance de l'article R. 411-2 du code du cinéma et de l'image animée en ce que l'une des enquêtrices a auparavant travaillé étroitement avec elle ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'erreur de droit car elle disposait d'un délai de trois ans pour obtenir l'autorisation définitive ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'erreur d'appréciation ;
- le CNC a déjà accordé des autorisations définitives dans des circonstances similaires ; en prenant une position différente le CNC a manqué à son devoir de loyauté ;
- les décisions litigieuses sont disproportionnées.
S'agissant des titres de perception :
- les titres de perception sont illégaux car ils sont fondés sur les décisions de retrait qui sont illégales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2021, le Centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par Me Frolich, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la société Supersonic films au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Supersonic films sont infondés.
Par une ordonnance du 11 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
11 avril 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Frolich pour le Centre national du cinéma et de l'image animée.
Considérant ce qui suit :
1. La société Supersonic films a sollicité du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) une aide sélective à la production pour des œuvres intitulées " Out of the cage ", " Very Aombi " et " Lindigo VS Skip et Die " consistant en l'adaptation audiovisuelle de trois concerts des groupes respectifs The Dizzy Brains, Damily et des groupes Lindigo et Skip et Die. Une autorisation préalable lui a été délivrée pour la première œuvre le 27 juillet 2017 et la somme de 18 750 euros lui a été versée. Le CNC a également délivré deux autorisations préalables le même jour pour les autres œuvres et a versé deux fois la somme de 22 500 euros, correspondant à 75 % des aides accordées, à la société Supersonic films. Informé de ce que la société n'avait pas eu l'autorisation de tourner, comme cela était prévu, lors du festival Rio Loco les 15, 16 juin et 18 juin 2017, le CNC a ouvert une enquête en octobre 2017. Par trois décisions du 30 août 2018, le CNC a retiré les autorisations préalables et demandé le remboursement des aides versées, sur le fondement des articles
L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration et 121-5 du règlement général des aides financières du CNC. Il a, par conséquent, émis trois titres de perception le 31 août 2018. La société Supersonic films a saisi le tribunal administratif de Paris de six demandes tendant à l'annulation des décisions du 30 août 2018 et des titres de perception du 31 août 2018. Par un jugement du 28 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a joint ces demandes et les a rejetées. La société Supersonic films relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'annulation des décisions du 30 août 2018 :
2. Aux termes de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : (...) 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées. ". Aux termes de l'article 121-5 du règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l'image animée : " Le versement des aides financières attribuées par le Centre national du cinéma et de l'image animée est strictement conditionné au respect des conditions auxquelles est subordonnée leur attribution et au respect des conditions mises à la réalisation du projet ou de la dépense faisant l'objet des aides./ Le non-respect de ces conditions, notamment l'absence de transmission de documents exigés ou le non-respect des délais impartis, ainsi que la péremption et le retrait, entraînent l'obligation, pour le bénéficiaire, de reverser au Centre national du cinéma et de l'image animée les sommes reçues au titre de l'aide en cause. ".
3. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration précité que dans le cas où le bénéficiaire de la subvention ne respecte pas les conditions de son octroi celle-ci peut être retirée sans condition de délai.
4. En premier lieu, la société Supersonic films soutient que c'est à tort que l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration lui a été appliqué car il s'agit là d'une règle générale alors qu'il convient d'appliquer la règle spéciale prévue à l'article
L. 422-1 du code du cinéma et de l'image animée. Toutefois, ce dernier article prévoit un régime de sanctions administratives alors que la demande de remboursement d'aides financières lorsque les conditions mises à leur octroi n'ont pas été respectées, qui a pour seul objectif de rapporter cet acte, ne constitue pas une sanction administrative. L'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration étant bien applicable, ce moyen ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, la société requérante se prévaut de la méconnaissance de la procédure prévue par le code du cinéma et de l'image animée en cas de sanction administrative. Comme il vient d'être dit, les décisions litigieuses ne constituent pas des sanctions mais des décisions retirant des aides financières. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 411-2 du code du cinéma et de l'image animée : " (...) Nul agent commissionné ne peut être désigné pour contrôler une personne auprès de laquelle il a exercé une activité professionnelle au cours des trois années précédentes. ". Il ressort des pièces du dossier que si l'une des deux enquêtrices signataires du procès-verbal du 23 mars 2018 a auparavant travaillé au service des films documentaires du CNC et a, à l'occasion de ses précédentes fonctions, entretenu des rapports professionnels avec la société Supersonic films, il est constant qu'elle n'a jamais exercé d'activité professionnelle auprès de cette société. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 411-2 du code du cinéma et de l'image animée doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 311-101 du code du cinéma et de l'image animée : " L'entreprise de production dispose d'un délai de trois ans à compter de la date de délivrance de l'autorisation préalable pour obtenir l'autorisation définitive. / En cas de non-respect de ce délai, l'entreprise de production est tenue de rembourser au Centre national du cinéma et de l'image animée l'aide dont elle a bénéficié. Toutefois, sur demande motivée de l'entreprise de production, le président du Centre national du cinéma et de l'image animée peut décider, compte tenu de la spécificité de l'œuvre audiovisuelle considérée ainsi que de la gravité et de la nature des difficultés rencontrées par l'entreprise de production, d'accorder un nouveau délai ou, à titre exceptionnel, de renoncer au reversement de tout ou partie de l'aide déjà versée. ".
8. La société Supersonic films soutient qu'en vertu de l'article 311-101 du code du cinéma et de l'image animée, elle disposait d'un délai de trois ans pour obtenir l'autorisation définitive. Toutefois, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet d'empêcher le CNC de retirer avant l'expiration de ce délai de trois ans les aides allouées au titre d'une autorisation préalable en faisant application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 121-5 du règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l'image animée. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. En cinquième lieu, pour retirer les autorisations préalables accordées et exiger le remboursement des aides sélectives à la production qui ont été versées, le CNC s'est fondé sur le fait que les tournages n'ont pas été réalisés dans le cadre du festival Rio Loco à Toulouse les 15 juin 2017, 16 juin 2017 et 18 juin 2017, faute pour la société Supersonic films d'avoir obtenu l'autorisation de la part de l'organisateur du festival Rio Loco, ce dont la société ne l'a d'ailleurs pas informé avant la délivrance des autorisations préalables.
10. D'une part, la société Supersonic films soutient que le CNC a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'aucune disposition n'empêchait le report des tournages. Elle fait valoir à ce titre que les tournages des œuvres " Very Aombi " et " Lindigo VS Skip et Die " ont simplement été reportés mais que le retrait des autorisations préalables l'a contrainte, pour des raisons financières, à suspendre la captation jusqu'à l'issue de la présente procédure. Toutefois, il est constant qu'aucun tournage n'a finalement été réalisé pour ces œuvres et le risque financier avancé par la société pour en justifier est sans incidence sur la légalité des décisions contestées.
11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la société Supersonic films a procédé à la captation du concert " Out of the cage " le 31 octobre 2017 dans une salle de concert à Pessac. Toutefois, l'autorisation préalable et la décision du 27 juin 2016, accordant cette aide et prise après avis de la commission du soutien financier à l'industrie des programmes audiovisuels du 11 mai 2017, indiquent que l'aide de 25 000 euros a été accordée sur le fondement d'un devis de 114 073 euros et d'un budget de 95 053 euros hors taxe. La demande d'autorisation définitive du 23 mars 2018 présentée par la société requérante indique que l'œuvre captée le 31 octobre 2017 a requis un budget définitif de 73 387 euros, soit une différence de plus de 40 600 euros. Ainsi, tant les conditions financières que les caractéristiques techniques et artistiques du projet de captation, initialement prévu au festival Rio Loco et auxquelles étaient subordonnées l'octroi de cette aide, ont été substantiellement modifiées. Dans ces conditions, le CNC pouvait légalement retirer l'aide initialement versée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
12. En sixième lieu, la circonstance que des sociétés de production aient obtenu une autorisation définitive, dans des conditions de fait analogues, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées, la société requérante ne pouvant se prévaloir, de ce fait, d'une méconnaissance du principe de loyauté.
13. En dernier lieu, si la société requérante soutient que les décisions litigieuses sont disproportionnées, le moyen ne peut qu'être écarté car, comme il a été dit, ces décisions ne constituent pas des sanctions administratives.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 30 août 2018 doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des titres de recettes émis le 31 août 2018 :
15. La société Supersonic films soutient que les titres de recettes litigieux sont illégaux car ils sont fondés sur les décisions de retrait de subventions illégales. Or, comme il vient d'être dit ci-dessus, ces décisions sont légales. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté et les conclusions susvisées également rejetées.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Supersonic films n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
17.Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Supersonic films une somme de 1 500 euros au titre du même article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Supersonic films est rejetée.
Article 2 : La société Supersonic films versera une somme de 1 500 euros au Centre national du cinéma et de l'image animée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Supersonic films et au Centre national du cinéma et de l'image animée.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04283