Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un déféré, le préfet de Paris, préfet de la région d'Île-de-France, a demandé au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de trois délibérations du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) n° 2021-12-125, n° 2021-12-126 et n° 2021-12-127 du 16 décembre 2021 relatives aux avenants aux conventions de concession pour le service public de la distribution et la fourniture de l'électricité qui lient le SIPPEREC à la société Enedis.
Par une ordonnance n° 2204574 du 21 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à ce déféré.
Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance n° 22PA01549 du 18 mai 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le SIPPEREC contre cette ordonnance.
Par une décision n° 464619 du 8 mars 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du 18 mai 2022 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris.
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2022, et des mémoires, enregistrés le 13 mai 2022 et les 30 mars et 7 avril 2023, le Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour les Energies et les Réseaux de Communications (SIPPEREC), représenté par la SCPA Seban et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2205674/3-1 rendue le 21 mars 2022 par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande du préfet de Paris, préfet de la région d'Île-de-France ;
3°) de rejeter l'intervention de la société Enedis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Enedis une somme de 5 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il pouvait modifier unilatéralement l'article 31 B des trois cahiers des charges de concession qui le lie à la société Enedis, afin de le rendre conforme au cadre juridique applicable, que le pouvoir de modification unilatérale peut porter sur les clauses financières d'une concession de service public, sans qu'il soit nécessaire que cette modification des clauses financières découle d'un changement apporté à la consistance ou aux conditions d'exploitation du service, qu'en tout état de cause, à supposer même qu'il soit interdit de modifier unilatéralement les clauses financières, cette interdiction ne saurait valoir pour les clauses relatives à l'indemnisation des biens de retour en cas de fin du contrat de concession, compte tenu du régime spécifique auquel elles sont soumises, qu'après l'annulation de l'ordonnance attaquée il y a lieu de rejeter la demande du préfet et les arguments contenus dans l'intervention de la société Enedis dès lors que ces modifications des contrats poursuivent un but d'intérêt général, qu'aucun bouleversement de l'économie des contrats n'est établi et que le principe de loyauté des relations contractuelles n'a pas été méconnu. Il soutient en outre que les clauses d'indemnité de fin de contrat sont illégales et sont divisibles des autres stipulations des concessions.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 avril 2022 et 29 mars 2023, le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés. Il soutient en outre que les clauses d'indemnité de fin de contrat ne sont pas illégales, qu'elles ne sont pas divisibles des autres stipulations des concessions et que le principe de loyauté des relations contractuelles a été méconnu.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 et 15 mai 2022, et les 30 mars et 6 avril 2023, la société Enedis, intervenante en première instance, représentée par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du SIPPEREC de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en soutenant que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés et en reprenant ses moyens de première instance. Elle soutient en outre que les clauses d'indemnité de fin de contrat ne sont pas illégales, qu'elles ne sont pas divisibles des autres stipulations des concessions et que le principe de loyauté des relations contractuelles a été méconnu.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Paris du 1er septembre 2022 désignant M. Célérier, président de chambre, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer en qualité de juge des référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Célérier, juge des référés ;
- et les observations de Me Pachen Lefevre, représentant le SIPPEREC, de M. A..., représentant le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France et de Me Le Chatelier, représentant la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1.Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : / "Art. L. 2131-6, alinéa 3.-Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois." / Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes d'autres collectivités ou établissements suivent, de même, les règles fixées par les articles L. 2541-22, L. 2561-1, L. 3132-1, L. 4142-1, L. 4411-1, L. 4421-1, L. 4431-1, L. 5211-3, L 5421-2, L. 5711-1 et L. 5721-4 du code général des collectivités territoriales (...) ".
2. Par trois délibérations du 16 décembre 2021, le comité syndical du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) a modifié unilatéralement les trois conventions concédant la distribution d'électricité à la société Enedis, respectivement, sur le territoire des communes membres du syndicat SUD ELEG du Val-de-Marne et de l'Essonne, sur le territoire de la commune de Villiers-sur-Marne et sur son territoire dit " historique ". Le préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre l'exécution de ces délibérations, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative. Le juge des référés du tribunal administratif, par une ordonnance du 21 mars 2022, a fait droit à cette demande de suspension.
3. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut unilatéralement apporter des modifications à un tel contrat dans l'intérêt général, son cocontractant étant tenu de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat ainsi modifié tout en ayant droit au maintien de l'équilibre financier du contrat. La personne publique peut ainsi, lorsqu'une clause du contrat est affectée d'une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et à condition qu'elle soit divisible du reste du contrat, y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à cette irrégularité. Si la clause n'est pas divisible du reste du contrat et que l'irrégularité qui entache le contrat est d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge.
4. Par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de ce que les délibérations attaquées constituent une modification unilatérale des clauses financières des conventions de concession, qui n'est pas justifiée par la nécessité d'adapter l'exploitation du service public, pour suspendre l'exécution des décisions attaquées.
5. Il appartient au juge des référés de la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le préfet et la société Enedis, intervenant en première instance, à l'appui de leur demande devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
6. En l'état de l'instruction, aucun des moyens du préfet et de la société Enedis, tirés de l'impossibilité de modifier unilatéralement les clauses financières d'une concession, alors qu'il n'est pas établi que l'équilibre financier du contrat serait compromis, de l'absence d'intérêt général et de l'absence d'illégalité des clauses modifiées, alors que la valeur des biens de retour indemnisables en fin de contrat ne peut dépasser légalement leur valeur nette comptable, de l'indivisibilité des clauses d'indemnité de fin de contrat des autres clauses des concessions et de la méconnaissance du principe de loyauté contractuelle, ne paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations contestées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le SIPPEREC est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de ses trois délibérations du 16 décembre 2021.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice du SIPPEREC le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du SIPPEREC qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du 21 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : Les conclusions de la demande en référé du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et l'intervention de la société Enedis sont rejetées.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat au bénéfice du SIPPEREC le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Enedis sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au SIPPEREC, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la société Enedis.
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.
Fait à Paris, le 17 avril 2023.
Le juge des référés,
T. CELERIER
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01061