Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2105937 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Calvo Pardo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105937 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 de la préfète du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de la munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de fait dès lors que c'est à tort qu'il a été considéré qu'elle était entrée irrégulièrement sur le territoire français et qu'elle était célibataire ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante chinoise née le 15 mars 1964 est entrée en France le 22 octobre 2010, sous couvert d'un visa court séjour Schengen. Par un arrêté du 22 juin 2021, la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. Par jugement du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) "
3. Il ressort des nombreuses pièces produites par Mme A... que celle-ci réside en France depuis plus de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué, et qu'elle établit vivre en concubinage avec un ressortissant français depuis le début de l'année 2017, soit près de 4 ans et demi à la date de l'arrêté attaqué. S'il est constant que Mme A... demeure mariée avec un ressortissant chinois qui vit en Chine, sa présence depuis plus de 10 ans en France atteste de leur séparation de fait pendant toute cette période. Dans ces circonstances, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, Mme A... est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire contestée porte au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, méconnait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est par suite fondée à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles des décisions par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a fixé le pays de renvoi pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, qui en procèdent.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que celle de l'arrêté du 22 juin 2021 de la préfète du Val-de-Marne.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ". Compte tenu de l'annulation prononcée, l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour, afin de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2105937 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 22 juin 2021 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.
La rapporteure,
E. B...
La présidente,
P. HAMON
La greffière
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04068 2