Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Melun, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2015 et, à titre subsidiaire, de leur accorder, au titre des mêmes années, la décharge partielle de ces impositions par l'effet du bénéfice de la déduction d'impôt dite " de Robien ", prévue par les dispositions du h) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1800336 du 25 mars 2021, le Tribunal administratif de Melun, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. D... et Mme C... relative aux années 2010 à 2012 à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance par l'administration fiscale, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la différence entre le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2013 à 2015 et le montant de celles résultant de l'application des dispositions du h) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts au titre des mêmes années.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 20 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1800336 du 25 mars 2021 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. D... et Mme C... présentées devant le Tribunal administratif de Melun auxquelles il a été fait droit en première instance.
Il soutient que :
- les intéressés ne peuvent bénéficier du dispositif dit " de Robien " dès lors qu'ils n'ont pas fourni à l'administration fiscale une copie des déclarations d'ouverture de chantier et d'achèvement des travaux concernant l'immeuble en litige conformément aux dispositions combinées des articles 2 quindecies et 2 quindecies A de l'annexe III au code général des impôts ;
- au cas où la Cour se saisirait de l'affaire par l'effet dévolutif de l'appel, il renonce à son moyen, soulevé en première instance, relatif à la faculté d'opter dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales pour le régime de la déduction d'impôt dit " de Robien ".
Le recours du ministre a été communiqué à M. D... et à Mme C... qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a fait construire sur un terrain situé dans la commune de Pontault-Combault (Seine-et-Marne) un immeuble qui a été réalisé et achevé en 2010 et au titre duquel il a bénéficié de la réduction d'impôt dite " E... ", prévue par l'article 199 septvicies du code général des impôts, pour la location d'un logement de 80 m2 disposant d'une terrasse de 50 m2. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt au motif que le permis de construire de l'immeuble en cause, déposé le 14 janvier 2008, a été transféré à son nom le 30 avril 2008, soit avant le 1er janvier 2009, date d'entrée en vigueur du dispositif dit " E... ". Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait appel du jugement du Tribunal administratif de Melun en tant que ce dernier a fait droit aux conclusions subsidiaires de M. D... et Mme C... tendant à une décharge partielle des suppléments d'impôt sur le revenu mis à leur charge à concurrence de ce qui résulte du bénéfice du dispositif dit " de Robien " prévu par les dispositions du h) du 1) du I de l'article 31 du code général des impôts au titre des années 2013 à 2015.
Sur le motif de décharge retenu par le Tribunal administratif de Melun :
2. D'une part, aux termes de l'article 31 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / (...) / h) Pour les logements situés en France, acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement entre le 3 avril 2003 et le 31 décembre 2009, et à la demande du contribuable, une déduction au titre de l'amortissement égale à 6 % du prix d'acquisition du logement pour les sept premières années et à 4 % de ce prix pour les deux années suivantes. La période d'amortissement a pour point de départ le premier jour du mois de l'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure / La déduction au titre de l'amortissement est applicable, dans les mêmes conditions, aux logements que le contribuable fait construire et qui ont fait l'objet, entre le 3 avril 2003 et le 31 décembre 2009, de la déclaration d'ouverture de chantier prévue à l'article R. 421-40 du code de l'urbanisme (...) / Le bénéfice de la déduction est subordonné à une option qui doit être exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cette option est irrévocable pour le logement considéré et comporte l'engagement du propriétaire de louer le logement nu pendant au moins neuf ans à usage d'habitation principale à une personne autre qu'un membre de son foyer fiscal. Cette location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure. Cet engagement prévoit, en outre, que le loyer ne doit pas excéder un plafond fixé par décret (...) ". Aux termes de l'article 2 quindecies A de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Pour le bénéfice de la déduction au titre de l'amortissement prévue au h du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, les contribuables sont tenus de joindre à leur déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble, ou de son acquisition si elle est postérieure, les mêmes documents que ceux visés au I de l'article 2 quindecies à l'exception de celui visé au 3° du même I / Pour le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies du code précité, les contribuables sont tenus de joindre à leur déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble, ou de son acquisition si elle est postérieure, (...) les documents mentionnés (...) au 4° du I de l'article 2 quindecies précité (...) ". Aux termes de l'article 2 quindecies de l'annexe III au même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - (...) les contribuables sont tenus de joindre à leur déclaration des revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure : / (...) / 4° Les documents suivants : / a) Pour les immeubles que le contribuable fait construire, une copie de la déclaration d'ouverture de chantier mentionnée à l'article R. 421-40 du code de l'urbanisme et de la déclaration d'achèvement des travaux, accompagnées des pièces attestant de leur réception en mairie / (...) ". Aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ".
3. D'autre part, les dispositions qui instituent un régime fiscal optionnel et prévoient que le bénéfice de ce régime doit être demandé dans un délai déterminé n'ont, en principe, pas pour effet d'interdire au contribuable qui a omis d'opter dans ce délai de régulariser sa situation dans le délai de réclamation, y compris celui prévu à l'article R. 196-3 du livre de procédure fiscale. Ainsi, dès lors que les dispositions précitées du h) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts ne prévoient pas que l'absence d'option pour le dispositif dit " de Robien " dans le délai qu'elles prévoient, entraîne la déchéance de la faculté d'exercer cette option, le contribuable peut opter, dans le délai de réclamation prévu par l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, pour le régime de déduction dit " de Robien ".
4. Enfin il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 que, pour les immeubles que le contribuable fait construire, ce dernier est tenu de joindre, à l'appui de sa demande de bénéfice des déductions prévues par les dispositifs " E... " ou " de Robien ", une copie des déclarations d'ouverture de chantier et d'achèvement des travaux, accompagnées des pièces attestant de leur réception en mairie.
5. Pour faire droit aux conclusions subsidiaires de M. D... et Mme C... et juger qu'ils avaient droit au bénéfice du dispositif dit " de Robien ", le Tribunal a considéré que dès lors que l'administration ne justifiait pas des démarches entreprises, par une application mesurée de la loi fiscale, pour demander aux requérants, qui soutenaient les avoir jointes à leur déclaration d'impôt sur les revenus de 2011, de produire les déclarations manquantes dans le cadre de la demande de substitution formulée au stade de leur réclamation préalable en novembre 2017, elle n'établissait pas que les époux D... n'auraient pas pris puis respecté, au titre de leur option en faveur de la réduction d'impôt dite " E... ", un engagement au moins équivalent à celui qui est imposé par les dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts. Il appartient toutefois au contribuable qui entend demander le bénéfice d'un dispositif de déduction d'impôt d'établir qu'il en remplit les conditions. Par suite le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce motif pour décharger partiellement M. D... et Mme C... des impositions restant en litige.
6. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... et Mme C... devant le Tribunal administratif de Melun.
Sur le dispositif " de Robien " :
7. Il résulte de l'instruction qu'en lieu et place du dispositif " E... " dont ils ont bénéficié initialement, M. D... et Mme C... ont demandé à bénéficier, à titre subsidiaire, du dispositif " de Robien " dans leurs observations formulées le 12 avril 2017 sur la proposition de rectification du 15 mars 2017 puis dans leur réclamation préalable du 3 novembre 2017. Alors que l'administration fiscale a relevé qu'elle n'avait pas reçu une copie de la déclaration d'achèvement des travaux au cours du contrôle fiscal et que ni cette déclaration ni celle d'ouverture du chantier n'ont été réceptionnées à la mairie de Pontault-Combault et qu'elle avait demandé à M. D... et Mme C..., les 9 août et 5 septembre 2016, la production de la déclaration d'achèvement des travaux, les intéressés se sont bornés à affirmer, devant les premiers juges, avoir déjà communiqué la déclaration d'ouverture de chantier lors du contrôle fiscal et que le service a reçu automatiquement les données relatives à la déclaration d'achèvement de travaux par le biais du logiciel LASCOT (Logiciel d'Aide à la Surveillance des Changements et à la programmation des Opérations de Terrain), sans produire aucun document à l'appui de leurs allégations. Par ailleurs, M. D... et Mme C... n'ont présenté aucun mémoire en défense ni aucune pièce justificative devant la Cour. Dans ces conditions, en l'absence de production par M. D... et Mme C..., devant les premiers juges comme devant la Cour, d'une copie de la déclaration d'ouverture de chantier ainsi que de tout élément justifiant de la réception par la mairie de Pontault-Combault de cette déclaration et de celle d'achèvement des travaux concernant l'immeuble en litige, les contribuables ne peuvent être regardés comme remplissant l'ensemble des conditions ouvrant droit au bénéfice du dispositif " de Robien ".
8. Si M. D... et Mme C... ont entendu invoquer, sur le fondement implicite des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, le bénéfice d'une prise de position formelle de l'administration fiscale en indiquant que leur situation correspondrait à celles d'autres contribuables qui ont été traitées favorablement par l'administration fiscale à la suite d'interventions du médiateur des ministères économiques et financiers en 2011, 2012 et 2013, ils ne peuvent utilement s'en prévaloir dès lors qu'ils n'établissent pas que les décisions de l'administration fiscale prises à la suite des recommandations de ce médiateur auraient concerné leur situation personnelle ni qu'ils auraient pris part à des actes ou à des opérations ayant donné naissance à la situation de fait sur laquelle l'administration a pris position.
Sur le dispositif " E... " :
S'agissant de la loi fiscale :
9. Aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans / La réduction d'impôt s'applique dans les mêmes conditions au logement que le contribuable fait construire et qui a fait l'objet, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, d'un dépôt de demande de permis de construire (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que, par un acte authentique du 14 mai 2008, M. D... a acquis un terrain sur lequel existait un pavillon destiné à être démoli et sur lequel il a fait construire un immeuble de sept logements en vue de les louer à des tiers, pour lequel un permis de construire a été déposé à la mairie de Pontault-Combault le 14 janvier 2008 par la SCCV DNF, avant d'être transféré au nom de M. D... le 30 avril 2008. Dès lors que le permis de construire concernant cet immeuble de logements n'a pas été déposé durant la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 prévue par les dispositions précitées de l'article 199 septvicies du code général des impôts, M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à contester ce motif retenu par le service pour remettre en cause le dispositif " E... " dont ils ont bénéficié.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
11. Selon l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-230-10-30-10 du 15 mars 2013, relative à la réduction d'impôt accordée au titre des investissements locatifs réalisés dans le cadre de la loi " E... " : " (...) / 90 / La circonstance que le dépôt d'une demande de permis de construire soit intervenu avant le 1er janvier 2009 ne fait pas obstacle au bénéfice de la réduction d'impôt. Dans ce cas, l'acquisition du logement doit être réalisée, en tout état de cause, à compter du 1er janvier 2009. Ainsi, l'acquisition d'un immeuble ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire en 2008 et acquis en l'état futur d'achèvement en 2009 peut, toutes autres conditions étant remplies, ouvrir droit à la réduction d'impôt / (...) ".
12. M. D... et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement implicite des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations précitées du paragraphe 90 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-230-10-30-10 du 15 mars 2013 dès lors que leur situation, qui concerne un logement qu'ils ont fait construire, n'entre pas dans les prévisions de ce paragraphe qui est strictement relatif à l'acquisition d'un logement en l'état futur d'achèvement.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a déchargé, en droits et pénalités, M. D... et Mme C... de la différence entre le montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2013 à 2015 et le montant de celles résultant de l'application des dispositions du h) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts au titre des mêmes années.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1800336 du Tribunal administratif de Melun du 25 mars 2021 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. D... et Mme C... présentées devant le Tribunal administratif de Melun auxquelles il a été fait droit par cet article 2 du jugement attaqué sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à M. B... D... et à Mme A... C....
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
- Mme Jurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.
Le rapporteur,
M. F...
La présidente,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02741