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05/04/2023 | FRANCE | N°22PA02877

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 avril 2023, 22PA02877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2014651/6 du 3 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'

interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, a enjoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2014651/6 du 3 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de mettre fin au signalement dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 juin et 11 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Aurélia Pierre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2022 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2°) d'annuler les décisions du 19 novembre 2020 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de la reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne vise pas l'article L. 313-11 2° et 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constituait le fondement de sa demande ;

- elle méconnaît l'article L. 313-11 2° de ce même code ;

- elle méconnaît l'article L. 313-11 7° de ce code ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la procédure de consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires est irrégulière car elle méconnaît les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- le motif tiré de la menace à l'ordre public n'est pas fondé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par une décision du 8 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

La requête a été communiquée le 18 octobre 2022 au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 25 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée le 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Grolleau, substituant Me Pierre, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., de nationalité tunisienne, né le 17 juin 2001, est entré en France le 28 juin 2013, accompagné de ses parents, frère et sœurs, muni d'un visa Schengen de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises à Tunis, pour rendre visite à sa grand-mère. Il a sollicité, le 11 février 2020, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 19 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 3 mai 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus de la requête. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision attaquée qui vise notamment l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise les éléments de fait relatifs à la situation du requérant est suffisamment motivée. A cet égard, la circonstance que les articles L. 313-7 ou de L. 313-11 2° de ce même code ne soient pas visés est sans incidence dès lors que le préfet n'était pas tenu d'examiner la situation de M. C... sur le fondement de l'article compte tenu de la consistance de la demande de titre formée par ce dernier.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....

4. En troisième lieu, le préfet n'est pas tenu de statuer au regard de toutes les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais seulement de celles dont l'étranger concerné se prévaut lors de sa demande de titre de séjour. Or il ne ressort pas des pièces du dossier que, par la seule indication de la date à laquelle il est entré sur le territoire français, le requérant ait sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11-7° ou L. 313-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces articles ne peut qu'être rejeté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, si M. C... est entré en France à l'âge de douze ans, ses parents se sont maintenus sur le territoire de manière irrégulière et étaient, à la date de la décision attaquée, dépourvus de titre de séjour. M. C... qui a poursuivi sa scolarité en France, sans toutefois obtenir le baccalauréat auquel il s'est présenté, ne justifie d'aucune insertion particulière en France ou de circonstances faisant obstacle à ce que sa vie privée et familiale se reconstitue en Tunisie. Par suite, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit et le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En dernier lieu, si M. C... soutient qu'il n'est pas justifié de l'identité et de l'habilitation de l'agent qui a consulté le fichier des antécédents judiciaires, il résulte de l'instruction que le préfet, qui n'a pas rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour en lui opposant un motif d'ordre public, aurait pris la même décision s'il n'avait pas fait état, de manière surabondante, dans les motifs de sa décision, des inscriptions figurant sur ce fichier.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision en litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;(...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France alors qu'il était âgé de douze ans et qu'il justifie, par la production de certificats de scolarité, de bulletins scolaires, d'attestations d'encaissement de forfaits de cantine et d'attribution de bourse, ainsi que de documents médicaux, y avoir résidé de manière habituelle depuis son entrée. Dans ces conditions, les dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à son éloignement. Il suit de là que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale et que la décision fixant le pays de retour doit être annulée par voie de conséquence.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Le surplus de ses conclusions à fin d'annulation doit être rejeté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis procède au réexamen de la situation de M. C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et lui délivre une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Pierre, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Les décisions du 19 novembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer le droit au séjour de

M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 3 mai 2022 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Aurélia Pierre en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée à Me Aurélia Pierre.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.

La rapporteure,

Signé

E. A...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02877
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-05;22pa02877 ?
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