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05/04/2023 | FRANCE | N°22PA00603

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 avril 2023, 22PA00603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Val de Loire a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 2007 résultant de la remise en cause de la déduction de la provision pour risques croissants visant à couvrir le risque " dépendance ".

Par un jugement n° 1910522/1 du 14 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montr

euil a déchargé la société Groupama Val de Loire d'un montant de 455 225 euros au titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Val de Loire a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 2007 résultant de la remise en cause de la déduction de la provision pour risques croissants visant à couvrir le risque " dépendance ".

Par un jugement n° 1910522/1 du 14 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Groupama Val de Loire d'un montant de 455 225 euros au titre des impositions contestées, en droits et intérêts de retard, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance, et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 février, 25 mai et 26 septembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement et de remettre à la charge de la société Groupama Val de Loire les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge, en droits et majorations.

Il soutient que :

- la provision pour risques croissants ne concerne pas des primes perçues d'avance ;

- elle relève des règles applicables aux provisions pour pertes et non aux provisions pour charges ;

- il y a lieu d'appliquer les règles afférentes aux provisions techniques de prestations d'incapacité et d'invalidité ;

- les taux d'actualisation retenus par le tribunal concernant les opérations d'assurance sur la vie sont erronés, l'article A. 331-1-1 du code des assurances ayant été appliqué, alors que les taux applicables en la matière sont ceux fixés par l'article A. 132-1 du même code qui vise le 1° de l'article L. 310-1 du même code ;

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;

- la société n'a fourni aucun document probant permettant de justifier d'une perte probable, notamment par l'établissement d'un bilan prévisionnel démontrant la perspective d'une perte ; dès lors elle ne justifie pas des montants déduits ;

- la revalorisation des rentes viagères en fonction de l'évolution du point AGIRC n'est pas établie ;

- c'est à bon droit que le service de contrôle a retenu un taux d'actualisation égal à 75 % du TME ;

- les règles de rattachement des produits sont sans influence sur la déductibilité des provisions pour pertes ;

- les dispositions générales de la circulaire de 1926 ne sont pas opposables à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

- un taux constant sur toute la durée du contrat ne peut refléter la gestion dynamique des actifs ;

- l'augmentation du point AGIRC étant financé par le fond et par l'augmentation des primes qui alimentent le fond, il n'y a pas de raison de le prendre en compte pour le calcul du taux d'actualisation.

Par des mémoires enregistrés les 6 avril, 12 juillet et 12 octobre 2022, la société Groupama Val de Loire, représentée par Me Bernard Mermillon, demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires dus au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre à l'appui de ses conclusions ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique,

- et les observations de M. A..., représentant la société Groupama Val-de-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. La société Groupama Val de Loire, qui exerce une activité d'assurance non-vie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos les 31 décembre 2007 et 2008. A l'occasion de ce contrôle, le service vérificateur a estimé, en ce qui concerne le calcul de la provision pour risques croissants (PRC) afférente à l'assurance dépendance, que la société avait retenu un taux d'actualisation fixe sur toute la durée des contrats ne correspondant pas à la nature des risques couverts par l'assurance en cause. En conséquence, il a appliqué le taux technique prévu par l'article A 331-22 du code des assurances pour les provisions de prestations d'incapacité et d'invalidité, à savoir 75 % du taux moyen des six derniers emprunts de l'Etat français, sans pouvoir dépasser le taux de 4,5 %. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement n° 1910522/1 du 14 octobre 2021 en tant que le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Groupama Val de Loire des impositions supplémentaires qui lui avaient été assignées en conséquence, à hauteur d'un montant de 455 225 euros, en droits et intérêts de retard, au titre de l'exercice 2007.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : ... 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables... ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées.

3. La société Groupama Val de Loire a constitué une provision pour risques croissants sur les contrats dénommés " assurance dépendance " et " assurance autonomie ", contrats d'assurance à primes périodiques constantes pour lesquels le risque croît avec l'âge des assurés. Pour faire face à ses engagements de couverture du risque dépendance, la société dispose à son actif de produits financiers constitués des primes placées. Afin de calculer la valeur actuelle des produits financiers futurs, et le risque de charge nette résultant des engagements pris en compte à raison des risques supplémentaires auxquels elle était exposée, la société a appliqué un taux d'actualisation de 2,25 % pour le contrat Assurance Dépendance et 2,50 % pour le contrat Avenir économie. L'administration estime qu'il convient de faire usage de taux plus élevés, soit 3,37 % en 2007 et 3,36 % en 2008, équivalant à 75 % du taux moyen des emprunts de l'Etat, l'application de ces taux conduisant à une provision pour risque croissants d'un montant moins élevé.

4. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qui est soutenu, les provisions litigieuses, qui correspondent aux engagements nets supplémentaires, par rapport à ceux initialement estimés compte tenu de la valeur actuelle des produits financiers futurs, auxquels s'expose la société à l'avenir au titre des contrats " dépendance " déjà signés, ne sauraient être regardées comme relatives à des charges pour lesquelles les produits afférents ont été constatés, les primes étant comptabilisées annuellement en rémunération de la garantie accordée, et la rente n'étant due qu'ultérieurement, en cas de réalisation du risque assuré. Par ailleurs, la société Groupama SA, qui fait valoir dans ses écritures devant la Cour que la provision en cause n'est pas relative à un solde négatif entre le montant des primes réclamées aux assurés sur la période où le risque dépendance est garanti et celui de l'indemnisation qui leur sera versée lorsque l'état de dépendance surviendra, n'établit ni même n'allègue que les contrats ayant fait l'objet de la prime litigieuse étaient exposés au risque global de se solder par une perte nette. Au surplus, et à supposer même que la société Groupama ait entendu se prévaloir d'une perte provisionnable, il résulte de l'instruction que les provisions litigieuses ont été déterminées globalement à partir d'estimations à long terme et non sur la base d'un ensemble de contrats homogènes pouvant être regardés comme générateurs de pertes nettes résultant précisément d'événements en cours. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que lesdites provisions concernent d'autres risques que ceux résultant d'une rentabilité réduite des contrats en cours, qui sont de nature à entrainer un simple manque à gagner par rapport au profit initialement prévu. Les provisions en cause n'étaient par suite pas déductibles. C'est en conséquence à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge litigieuse au motif que le taux d'actualisation retenu par l'administration fiscale était excessif.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Groupama Val de Loire tant devant le Tribunal administratif de Montreuil que devant elle.

6. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 3., la société Groupama Val de Loire ne pouvait déduire fiscalement, sur le fondement des dispositions du 5° de l'article 39 du code général des impôts, la provision technique déterminée par elle en sa qualité d'assureur au titre des risques croissants relatifs au contrats d'assurance dépendance, l'ensemble des moyens soulevés tirés de ce que ces provisions ont été régulièrement calculées conformément aux règles en vigueur dans la profession, aux dispositions du code des assurances, ou à la doctrine administrative, et notamment à la circulaire de 1926, laquelle, en se bornant à se référer à la déductibilité des dotations normales, ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui précède, sont sans influence sur l'issue du litige.

7. La société Groupama Val de Loire fait enfin valoir qu'elle est en droit, pour la détermination de son résultat fiscal, de déduire des produits perçus au cours de l'année d'imposition une quote-part des primes perçues à hauteur de la provision litigieuse, quote-part qui doit être regardée comme correspondant à des versements reçus à l'avance en paiement du prix de la prestation, et rattachables à l'exercice au cours duquel intervient la prestation. Il résulte toutefois de l'instruction que les primes perçues au cours de l'année d'imposition sont celles prévues par le contrat, et sont destinées à rémunérer la garantie offerte au fur et à mesure du déroulement de ce contrat. Elles ne sauraient ainsi être regardées, même pour partie, comme des produits perçus d'avance, et cela alors même que la prestation est conditionnée à la survenue d'un aléa au cours d'un exercice ultérieur. La société Groupama Val de Loire n'est par suite, et en tout état de cause, par fondée à soutenir qu'il convient de déduire à ce titre de ses produits imposables une partie des primes perçues.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Groupama Val de Loire la décharge des impositions qui lui avaient été assignées en droits et intérêts de retard au titre de l'année 2007 en conséquence de la remise en cause de la déduction de la provision pour risques croissants " dépendance ". Il y a par suite lieu de remettre ces impositions, en droits et intérêts, à la charge de la société Groupama Val de Loire, et de rejeter, en tout état de cause, les conclusions présentées par cette société sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la Société Groupama Val de Loire demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1910522/1 du 14 octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA Groupama Val de Loire a été assujettie au titre de l'année 2007 procédant de la remise en cause de la déduction de la provision pour risques croissants " dépendance " et dont les premiers juges ont prononcé la décharge sont remises à sa charge en droits et pénalités.

Article 3 : Les conclusions de la Société Groupama Val de Loire sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Groupama Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé

F. B...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 22PA00603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00603
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : SCP MERMILLON-RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-05;22pa00603 ?
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