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05/04/2023 | FRANCE | N°21PA03030

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 avril 2023, 21PA03030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Assurances Mutuelles a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la société Groupama SA a été assujettie au titre de l'exercice 2007, procédant de la remise en cause de la déduction, d'une part, de la provision pour risques croissants " dépendance " et, d'autre part, de la composante " risques et incertitudes " de la pro

vision pour sinistres à payer, et de mettre à la charge de l'Etat le versement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Assurances Mutuelles a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la société Groupama SA a été assujettie au titre de l'exercice 2007, procédant de la remise en cause de la déduction, d'une part, de la provision pour risques croissants " dépendance " et, d'autre part, de la composante " risques et incertitudes " de la provision pour sinistres à payer, et de mettre à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires dus au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1910304/1 du 1er avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge, en droits et intérêts de retard, des impositions contestées procédant de la remise en cause de la déduction de la provision pour risques croissants " dépendance ", a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance, et a rejeté le surplus des demandes de la société.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 juin 2021, 21 janvier 2022, 12 juillet et 12 octobre 2022, la société Groupama Assurances Mutuelles, représentée par Me Bernard Mermillon, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 1er avril 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales mises à la charge de la société Groupama SA au titre de l'exercice 2007 procédant de la remise en cause de la déduction de la composante " risques et incertitudes " de la provision pour sinistres à payer, pour un montant en base de 84 332 000 euros ;

3°) de rejeter l'appel incident du ministre ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires dus au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'écart entre l'estimation actuarielle du risque supporté par le réassureur et celle, déterminée sinistre par sinistre, résultant des provisions pour sinistres à payer (PSAP) transmise par les caisses régionales, n'est comptabilisé en tant que tel ni à l'actif ni au passif du bilan de Groupama SA, et le montant de cet écart, dit B..., en l'espèce négatif, vient directement en diminution de celui des PSAP, inscrites au passif du bilan de Groupama SA; il n'y a donc pas de provision pour " risques et incertitude " inscrites à son bilan ;

- la méthode Chain-Ladder, qui implique que la masse des évènements et des faits observés sur le passé se reproduise de manière identique dans le futur, est entachée d'une marge d'incertitude, dans la mesure où la probabilité que le montant déterminé s'avère insuffisant pour garantir le règlement intégral des sinistres s'élève mécaniquement à 50 % ;

- la méthode dite de Mack a pour effet de porter à 80 % la probabilité que le montant déterminé soit suffisant pour garantir le règlement intégral des sinistres ; elle permet de répondre aux exigences du 4°de l'article R. 331-6 du code des assurances ;

- les provisions évaluées selon la méthode statistique sont également déductibles sur le fondement de la circulaire de 1926 ;

- les provisions, sinistre par sinistre, comptabilisées par les assureurs initiaux, répondent aux conditions de déductibilité de l'article 39-1-5° du code général des impôts et de la circulaire de 1926, et les B... ne font qu'en réduire le montant, ce qui ne fait pas obstacle à leur déduction ; la doctrine référencée BOI-BIC-PROV-20-10-20 n° 50 est à cet égard invocable.

- les moyens soulevés à l'appui de l'appel incident ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 octobre 2021, 25 mai 2022 et 26 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête, et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement du 1er avril 2021 et à ce que soit remis à la charge de la société Groupama Assurances Mutuelles, en droits et pénalités, les rappels d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales procédant de la remise en cause de la déduction de la provision pour risques croissants " dépendance ", dont les premiers juges ont prononcé la décharge. Il demande à titre subsidiaire le rétablissement des déficits initialement constatés au titre de l'année 2008 et rehaussés en conséquence des redressements notifiés par l'administration fiscale au titre de l'année 2007.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Groupama Assurances Mutuelles ne sont pas fondés ;

- la provision pour risques croissants ne concerne pas des primes perçues d'avance ;

- elle relève des règles applicables aux provisions pour pertes et non aux provisions pour charges ;

- il y a lieu d'appliquer les règles afférentes aux provisions techniques de prestations d'incapacité et d'invalidité ;

- les taux d'actualisation retenus par le tribunal concernant les opérations d'assurance sur la vie sont erronés, l'article A. 331-1-1 du code des assurances ayant été appliqué, alors que les taux applicables en la matière sont ceux fixés par l'article A. 132-1 du même code qui vise le 1° de l'article L. 310-1 du même code ;

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve ;

- la société n'a fourni aucun document probant permettant de justifier d'une perte probable, notamment par l'établissement d'un bilan prévisionnel démontrant la perspective d'une perte ; dès lors elle ne justifie pas des montants déduits ;

- la revalorisation des rentes viagères en fonction de l'évolution du point AGIRC n'est pas établie ;

- c'est à bon droit que le service de contrôle a retenu un taux d'actualisation égal à 75 % du TME ;

- les règles de rattachement des produits sont sans influence sur la déductibilité des provisions pour pertes ;

- les dispositions générales de la circulaire de 1926 ne sont pas opposables à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

- un taux constant sur toute la durée du contrat ne peut refléter la gestion dynamique des actifs ;

- l'augmentation du point Agirc étant financé par le fond et par l'augmentation des primes qui alimentent le fond, il n'y a pas de raison de le prendre en compte pour le calcul du taux d'actualisation.

Par une ordonnance du 26 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique,

- et les observations de M. A..., représentant la société Groupama Assurances Mutuelles.

Une note en délibéré a été présentée pour la société Groupama Assurances Mutuelles le 23 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Groupama a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2007 et 2008, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité, d'une part, de la composante " risques et incertitudes " de la provision pour sinistres à payer, d'autre part, des provisions pour risques croissants " dépendance ", et l'a assujettie, en conséquence, à des impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale au titre de l'exercice 2007. Par un jugement n° 1910304/1 du 1er avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Groupama SA de ces impositions, en ce qu'elles procédaient de la remise en cause de la déductibilité de la provision pour risques croissants " dépendance ", mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête. La société Groupama Assurances Mutuelles, agissant pour le compte de la société anonyme Groupama, relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande. Pour sa part, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conteste ce jugement par la voie de l'appel incident en tant qu'il lui est défavorable.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables... ".

Sur l'appel principal :

3. La société Groupama intervient en tant que réassureur des caisses régionales de son groupe. Dans ce cadre, elle inscrit à son passif les provisions pour sinistres à payer (PSAP), cédées par les caisses régionales, concernant les sinistres non vie. Jusqu'en 2005, la société Groupama reprenait telles quelles les provisions pour sinistres à payer constituées par les caisses régionales, pour la part réassurée. A compter de l'année 2006, elle a réalisé son propre calcul de risque, qui repose sur une provision en espérance mathématique ou " best estimate ", calculée au moyen d'une méthode des cadences de règlements/charges dénommée " Chain-Ladder ", et une provision pour " risques et incertitudes ", qui constitue un complément aux provisions en espérance mathématique et vise à limiter le risque d'insuffisance de provision calculée selon la méthode " Chain-Ladder " pour régler la totalité des sinistres. Cette provision pour " risques et incertitudes ", déterminée selon une méthode dite de " Mack ", a pour objectif de porter les provisions à un niveau tel que la probabilité qu'elles soient suffisantes s'établit à 80 % contre 50 % pour le calcul en espérance mathématique. La différence entre les provisions pour sinistres à payer ainsi déterminées par elle et celles remontées de ses caisses régionales correspond à un B... (acronyme anglais pour " provision pour sinistres connus insuffisamment

provisionnés "). Dès lors que, pour les exercices 2007 et 2008, ses propres estimations des risques réassurés étaient inférieures à celles réalisées par ses caisses régionales pour la part réassurée, le montant des B..., qui était négatif, a été porté en déduction des provisions comptabilisées au passif pour sinistres à payer. L'administration a remis en cause la prise en compte par la société requérante de la composante " risques et incertitudes " pour l'évaluation des provisions sur les contrats de réassurance, laquelle s'élevait à 84 millions d'euros en 2007 et 57 millions d'euros en 2008, en considérant qu'elle couvrait des événements futurs aléatoires qui ne correspondent pas à des charges probables, par la correction d'erreurs d'estimation non rattachables à des événements en cours, et constituait en conséquence une simple marge de prudence conduisant à survaloriser l'estimation de la charge pour sinistres à payer.

4. La société requérante fait valoir que la composante " risques et incertitudes " issue de la méthode de Mack a été appliquée du fait des insuffisances de la méthode Chain-Ladder, qu'elle juge partiellement inadaptée au provisionnement des sinistres d'un réassureur dès lors qu'elle n'appréhende pas les risques de variations par rapport à une moyenne, que la probabilité que le montant ainsi déterminé s'avère insuffisant pour garantir le règlement intégral des sinistres s'élève mécaniquement à 50 % et que la méthode dite de Mack, qui permet de calculer un intervalle qui contient, avec un degré de confiance plus important, la valeur estimée du risque à provisionner, et qui a pour effet de porter à 80 % la probabilité que le montant déterminé soit suffisant pour garantir le règlement intégral des sinistres, est conforme aux exigences du 4°de l'article R. 331-6 du code des assurances.

5. Il résulte de l'instruction que la méthode Chain-Ladder, dite déterministe, a pour objet d'estimer la probabilité de sinistre sur la base des évènements passés. Si des événements imprévus venant remettre en cause cette estimation moyenne peuvent être appréhendés par la méthode de Mack, dite méthode stochastique, c'est-à-dire fondée sur la prise en compte de variables aléatoires, aucun élément du dossier ne permet d'identifier la probabilité, en raison d'événements en cours, de survenance de tels évènements. La méthode Chain-Ladder, permet, ainsi qu'il est constant, que la provision des sinistres à venir soit suffisante avec une probabilité de 50 %, probabilité qui doit être regardée comme conforme aux exigences des dispositions précitées du 5° de l'article 39 du code général des impôts. En revanche, la méthode de Mack, qui vise à porter cette probabilité à 80 %, c'est-à-dire à réduire à 20 % la probabilité que la provision soit insuffisante, par la prise en compte d'aléas, constitue une marge de prudence supplémentaire qui a nécessairement pour effet de porter les provisions à un niveau excessif, et ne repose en tout état de cause sur aucun événement en cours qui pourrait être regardé comme probable au sens des dispositions précitées.

6. La société requérante soutient, en second lieu, qu'elle aurait en tout état de cause été fondée à déduire de son résultat fiscal les provisions pour sinistres à payer évaluées par les caisses régionales pour la part réassurée et comptabilisées en tant que telles au passif de son bilan, lesquelles étaient supérieures à sa propre évaluation des provisions pour sinistres à payer augmentées de la provision pour " risques et incertitudes ". Toutefois, elle ne saurait opposer à l'administration une provision déterminée par différents tiers disposant de leurs propres éléments de calcul, alors même que ce calcul est remis en cause par ses propres évaluations et sa propre expérience selon le modèle déterministe Chain Ladder qu'elle a utilisé, modèle qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, permet d'appréhender la probabilité des sinistres à intervenir conformément aux dispositions du 5° de l'article 39 du code général des impôts.

7. Par suite, alors même que les provisions comptabilisées pourraient être regardées comme conformes aux exigences prudentielles du code des assurances, l'administration est fondée à soutenir que la composante " risques et incertitudes " ne pouvait être déduite à titre de provision sur le fondement des dispositions du 5° de l'article 39 du code général des impôts. Les dispositions invoquées de la circulaire de 1926 et celles contenues au paragraphe 50 de la doctrine référencée BOI-BIC-PROV-20-10-20 ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne sont par suite pas invocables sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur l'appel incident :

8. La société Groupama SA a constitué une provision pour risques croissants sur les contrats dénommés " assurance dépendance " et " assurance autonomie ", contrats d'assurance à primes périodiques constantes pour lesquels le risque croît avec l'âge des assurés. Pour faire face à ses engagements de couverture du risque dépendance, la société dispose à son actif de produits financiers constitués des primes placées. Afin de calculer la valeur actuelle des produits financiers futurs, et le risque de charge nette résultant des engagements pris en compte à raison des risques supplémentaires auxquels elle était exposée, la société a appliqué un taux d'actualisation de 2,25 % pour le contrat Assurance Dépendance et 2,50 % pour le contrat Avenir économie. L'administration estime qu'il convient de faire usage de taux plus élevés, soit 3,37 % en 2007 et 3,36 % en 2008, équivalant à 75 % du taux moyen des emprunts de l'Etat, l'application de ces taux conduisant à une provision pour risque croissants d'un montant moins élevé.

9. Il résulte des dispositions rappelées au point 2. qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et, en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées.

10. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qui est soutenu, les provisions litigieuses, qui correspondent aux engagements nets supplémentaires par rapport à ceux initialement estimés compte tenu de la valeur actuelle des produits financiers futurs, auxquels s'expose la société à l'avenir au titre des contrats " dépendance " déjà signés, ne sauraient être regardées comme relatives à des charges pour lesquelles les produits afférents ont été constatés, les primes étant comptabilisées annuellement en rémunération de la garantie accordée, et la rente n'étant due qu'ultérieurement, en cas de réalisation du risque assuré. Par ailleurs, la société Groupama Assurances Mutuelles, qui fait valoir dans ses écritures devant la Cour que la provision en cause n'est pas relative à un solde négatif entre le montant des primes réclamées aux assurés sur la période où le risque dépendance est garanti et celui de l'indemnisation qui leur sera versée lorsque l'état de dépendance surviendra, n'établit ni même n'allègue que les contrats ayant fait l'objet de la prime litigieuse étaient exposés au risque global de se solder par une perte nette. Au surplus, et à supposer même que la société ait entendu se prévaloir d'une perte provisionnable, il résulte de l'instruction que les provisions litigieuses ont été déterminées globalement à partir d'estimations à long terme et non sur la base d'un ensemble de contrats homogènes pouvant être regardés comme générateurs de pertes nettes résultant précisément d'événements en cours. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que lesdites provisions concernent d'autres risques que ceux résultant d'une rentabilité réduite des contrats en cours, qui sont de nature à entrainer un simple manque à gagner par rapport au profit initialement prévu. Les provisions en cause n'étaient par suite pas déductibles. C'est en conséquence à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge litigieuse au motif que le taux d'actualisation retenu par l'administration fiscale était excessif.

11. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Groupama Assurances Mutuelles tant devant le Tribunal administratif de Montreuil que devant elle.

12. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 10., la société Groupama SA ne pouvait déduire fiscalement, sur le fondement des dispositions du 5° de l'article 39 du code général des impôts, la provision technique déterminée par elle en sa qualité d'assureur au titre des risques croissants relatifs au contrats d'assurance dépendance, l'ensemble des moyens soulevés tirés de ce que ces provisions ont été régulièrement calculées conformément aux règles en vigueur dans la profession, aux dispositions du code des assurances, ou à la doctrine administrative et notamment à la circulaire de 1926, laquelle, en se bornant à se référer à la déductibilité des dotations normales, ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui précède, sont sans influence sur l'issue du litige.

13. La société Groupama Assurances mutuelles fait enfin valoir qu'elle est en droit, pour la détermination de son résultat fiscal, de déduire des produits perçus au cours de l'année d'imposition une quote-part des primes perçues à hauteur de la provision litigieuse, quote-part qui doit être regardée comme correspondant à des versements reçus à l'avance en paiement du prix de la prestation, et rattachables à l'exercice au cours duquel intervient la prestation. Il résulte toutefois de l'instruction que les primes perçues au cours de l'année d'imposition sont celles prévues par le contrat, et sont destinées à rémunérer la garantie offerte au fur et à mesure du déroulement de ce contrat. Elles ne sauraient ainsi être regardées, même pour partie, comme des produits perçus d'avance, et cela alors même que la prestation est conditionnée à la survenue d'un aléa au cours d'un exercice ultérieur. La société Groupama Assurances mutuelles n'est par suite, et en tout état de cause, par fondée à soutenir qu'il convient de déduire à ce titre de ses produits imposables une partie des primes perçues.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Groupama SA la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2007 et procédant de la remise en cause de la déductibilité de la provision pour risques croissants " dépendance ". Il y a par suite lieu de remettre ces impositions, en droits et pénalités, à la charge de la société Groupama SA. La société Groupama Assurances Mutuelles n'est, pour sa part, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des impositions procédant de la remise en cause de la déductibilité de la composante " risques et incertitudes " de la provision pour sinistre à payer. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société Groupama Assurances Mutuelles demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1910304/1 du 1er avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la SA Groupama a été assujettie au titre de l'année 2007 procédant de la remise en cause de la déduction de la provision pour risques croissants " dépendance " et dont les premiers juges ont prononcé la décharge sont remises à sa charge, en droits et pénalités.

Article 3 : Les conclusions de la Société Groupama Assurances mutuelles sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Groupama Assurances mutuelles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé

F. C...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 21PA03030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03030
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Interprétation

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : SCP MERMILLON-RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-05;21pa03030 ?
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