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04/04/2023 | FRANCE | N°22PA01451

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 04 avril 2023, 22PA01451


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Paris, d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé aux fins de

non-admission dans l'espace Schengen, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Paris, d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé aux fins de non-admission dans l'espace Schengen, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.;

Par un jugement n° 2201291 du 3 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022, M. B..., représenté par Me Boy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'obligation de quitter le territoire sans délai et l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, avec tous ses effets, tels que le signalement aux fins de non-admission dans le territoire Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français et le refus de lui accorder un délai de départ volontaire sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation dès lors notamment qu'il justifie avoir déposé une demande de titre de séjour et s'être vu accorder le 12 octobre 2020 un récépissé de demande de titre, que par ailleurs il exerce un emploi depuis le

3 octobre 2018, justifie résider en France depuis 2015 et est bien intégré dans la société française.

Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2022 le préfet de police, appelé en la cause par la Cour en qualité d'observateur, demande à la Cour de rejeter cette requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 15 juillet 1990, qui indique être entré en France en 2010 mais a déclaré devant l'administration être arrivé en 2012, a déposé fin 2020 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 15 mars 2021 le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. Saisi par l'intéressé, le tribunal administratif de Paris a, par jugement n°2105977 du 15 juin 2021, annulé le refus de lui accorder un délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois mais a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Après que M. B..., qui s'était maintenu en France, a été arrêté et placé en garde à vue le 12 janvier 2022 pour conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance, le préfet des Hauts de Seine, par un arrêté du

13 janvier 2022, pris sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français en lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois et l'a signalé aux fins de non-admission dans l'espace Schengen. M. B... a dès lors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à l'annulation de ces décisions, mais par une ordonnance de renvoi du 17 janvier 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis cette demande au tribunal administratif de Paris. Celui-ci l'a ensuite rejetée par un jugement du 3 mars 2022 dont M. B... relève dès lors appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...)3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents;(...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et ne le soutient d'ailleurs pas, et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour, sa demande présentée en 2020 ayant fait l'objet d'un refus par arrêté du préfet de police du 15 mars 2021 non annulé sur ce point, ainsi qu'il a été rappelé au point 1. Par suite, le préfet des Hauts de Seine pouvait légalement prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article

L. 611.-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nonobstant les circonstances qu'il ait effectué des démarches en 2020 pour obtenir un titre de séjour et ait été temporairement pourvu d'un récépissé l'autorisant à travailler, et par ailleurs qu'il ait travaillé à compter d'octobre 2018 et indique vivre en France depuis 2015. S'il indique dans son exposé des faits être entré en France en 2010, cette circonstance n'est corroborée par aucune pièce du dossier et il convient lui-même ensuite n'apporter de justificatifs de sa présence que pour la période commençant en 2015. Ainsi, à supposer même que sa résidence en France puisse être regardée comme établie à compter de cette date, cette circonstance ne faisait pas obstacle, en application des dispositions de l'article L. 611-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

4. Il est constant que M. B... est célibataire et sans charge de famille en France, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où, à supposer même qu'il soit arrivé en France en 2010, ce qui n'est pas établi, il aurait résidé à tout le moins jusqu'à l'âge de vingt ans. De plus, s'il établit avoir travaillé à partir de septembre 2018, cette circonstance ne suffit pas à établir la réalité de son intégration en France où il a commis diverses infractions. Ainsi la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

5. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision.(...) " ; aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet " ; aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :(...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;(...) 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document (...) " ; enfin l'article L. 612-6 du même code dispose que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

6. A supposer que M. B... doive être regardé comme contestant aussi la décision de refus de lui accorder un délai de départ volontaire, contenue dans le même arrêté du préfet des Hauts de Seine du 13 janvier 2022, il ressort de son procès-verbal d'audition du 12 janvier 2022 qu'il a alors indiqué qu'il n'envisage pas de retourner dans son pays et ne se conformera pas à une obligation de quitter le territoire français ; de plus, il est constant qu'il s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; il s'ensuit que, en application des dispositions combinées du 3° de l'article L. 612-2 et de l'article L. 612-3, l'autorité préfectorale pouvait à bon droit considérer qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la décision l'obligeant à quitter le territoire français, et décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire.

7. Au surplus il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté par lui lors de ses auditions de police, dont les procès-verbaux ont été produits devant les premiers juges, qu'il a, depuis son entrée en France, utilisé plusieurs alias sous lesquels il a commis diverses infractions. Ainsi, sous son nom mais en se présentant comme étant de nationalité algérienne, il s'est rendu coupable de recel de biens provenant d'un vol en date du 17 mai 2018, sous l'identité de Ahmad Benassa, de vols à l'étalage le 19 mars 2014, sous l'identité de Ahmed Benassa, de vols à l'étalage les 27 avril, 29 août et 25 septembre 2014 et le 11 mars 2015, et sous l'identité de Kamal Mehamdi, de vol à l'étalage le 13 juin 2015. Par ailleurs il a également fait l'objet d'une condamnation à trois mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris le 2 octobre 2018 pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs et recel de biens provenant d'un vol. Enfin, le 12 janvier 2022, veille de l'intervention de l'arrêté attaqué, il a été arrêté et placé en garde à vue par les forces de police pour conduite sans permis ni assurance. Ainsi il représentait une menace à l'ordre public, ce qui justifiait également qu'il ne lui soit pas accordé de délai de départ volontaire en application du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Enfin il ressort des dispositions précitées de l'article L. 612-6 que, dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français à moins que des circonstances humanitaires ne s'y opposent. Or le requérant, dont il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français, et conserve en revanche des attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge adulte ne justifie d'aucune circonstance humanitaire qui aurait dû conduire à ne pas prononcer d'interdiction de retour à son encontre.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police et au préfet des Hauts de Seine.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2023.

La rapporteure,

M-I. C...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01451


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01451
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : BOY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-04;22pa01451 ?
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