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31/03/2023 | FRANCE | N°21PA06615

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 31 mars 2023, 21PA06615


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français, l'a privé du bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Le dossier de la demande de M. A... a été transmis au tribunal administratif de Paris par une ordonnance

du vice-président du tribunal administratif de Melun en date du 16 septembre 2021.



Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français, l'a privé du bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Le dossier de la demande de M. A... a été transmis au tribunal administratif de Paris par une ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Melun en date du 16 septembre 2021.

Par un jugement n° 2119280 du 3 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en son article 2, rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Lachaux, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2119280 du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 10 septembre 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de la munir durant cet examen d'une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou si le bureau d'aide juridictionnelle ne lui accorde pas le bénéfice de l'aide juridictionnelle, le versement à lui-même de la somme de 1 000 euros.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il n'a pas statué pas sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- une demande d'asile a été déposée au nom de sa fille cadette ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français est entachée de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 14 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé Mme Lorin, rapporteure publique désignée en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 septembre 2021, le préfet des Hauts-de-Seine a obligé M. A..., ressortissant malien né le 14 juillet 1991, à quitter le territoire français, l'a privé du bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. A... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 14 janvier 2022, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire, qui sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... entretient une relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable entre le 29 mars 2012 et le 28 mars 2022, et que, de cette relation, sont nés deux enfants, en France, respectivement le 2 mai 2018 et le 1er novembre 2020. M. A... établit résider avec sa compagne et ses deux enfants, en produisant notamment une attestation de la directrice d'un établissement de gestion de l'offre hôtelière à vocation sociale, indiquant que la famille a été hébergée dans des établissements hôteliers entre le 12 janvier 2018 et le 15 janvier 2018, entre le 17 janvier 2018 et le 4 juin 2018, entre le 4 juin 2018 et le 10 juillet 2018, et entre le 10 juillet 2018 et le 5 novembre 2021. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, après qu'une demande d'asile a été déposée au nom de la fille cadette de M. A..., née le 1er novembre 2020, laquelle demande a donné lieu à la délivrance par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 21 décembre 2020, d'un document intitulé " introduction d'une demande d'asile ", une attestation de demande d'asile en procédure normale a été délivrée à celle-ci pour la période comprise entre le 20 octobre 2021 et le 19 avril 2022. A cet égard, M. A... soutient que l'examen de la demande d'asile de sa fille nécessite la présence de ses deux parents, ainsi qu'en atteste la convocation qui leur a été adressée par l'OFPRA le 1er décembre 2021, qui indique que la présence des deux parents est " indispensable ". Ainsi, et dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de sa fille cadette. Par suite, cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer ni sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 10 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que le préfet des Hauts-de-Seine procède au réexamen de la situation de M. A.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Hauts-de-Seine d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à M. A..., dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Lachaux, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Lachaux renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2119280 du 3 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 10 septembre 2021 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera au conseil de M. A..., Me Lachaux, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressé à Me Lachaux.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06615 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06615
Date de la décision : 31/03/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LORIN
Avocat(s) : LACHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-03-31;21pa06615 ?
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