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28/03/2023 | FRANCE | N°22PA02931

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 mars 2023, 22PA02931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106954 du 31 mai 2022, le tribunal administra

tif de Montreuil, d'une part, a annulé les décisions du 29 mai 2020 du préfet de la Seine-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106954 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a annulé les décisions du 29 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français et lui a enjoint de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de Mme B... épouse E... dans le système d'information Schengen, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022, Mme B... épouse E..., représentée par Me Pierre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur de droit ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,

- et les observations de Me Grolleau, substituant Me Pierre, avocate de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse E..., ressortissante égyptienne, née le 25 août 1996 et entrée en France, selon ses déclarations, le 12 décembre 2014, a sollicité, le 26 novembre 2019, son admission exceptionnelle au séjour en application de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par un arrêté du 29 mai 2020, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Montreuil a, à la demande de Mme B... épouse E..., annulé les décisions du 29 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français. Mme B... épouse E... fait appel de ce jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de ces deux mesures et est, par suite, suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas, avant de rejeter la demande de titre de séjour de Mme B... épouse E... et de l'obliger à quitter le territoire français, procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

5. D'une part, si Mme B... épouse E... soutient que le préfet de la

Seine-Saint-Denis a entaché l'arrêté en litige portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français d'une erreur de droit en estimant que, du seul fait de sa soustraction à la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 17 décembre 2015, les années antérieures " à la date d'exécution d'office " de cette mesure d'éloignement ne peuvent être prises en compte pour apprécier la durée de sa présence en France, cette appréciation, certes erronée en droit, est, en l'espèce, dépourvue d'incidence sur la légalité des décisions attaquées dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris les mêmes décisions s'il s'était fondé sur les autres motifs qu'il a retenus et tirés de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, qui ne caractérise pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour.

6. D'autre part, Mme B... épouse E... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le 12 décembre 2014, date de son entrée sur le territoire, et fait valoir qu'elle y séjourne avec son époux, M. C... E..., titulaire d'une carte de séjour temporaire valable du 16 septembre 2019 au 15 septembre 2020, qui s'est vu délivrer par la suite une carte de séjour pluriannuelle valable du 8 juillet 2022 au 7 juillet 2026 et avec qui elle a eu deux enfants nés en France respectivement le 28 juin 2018 et le 25 février 2022. Elle fait valoir également que sa présence auprès de son époux, diabétique, est nécessaire et que sa sœur et son beau-frère séjournent aussi en France. Toutefois, à la date de l'arrêté attaqué, soit le 29 mai 2020, la requérante ne justifie, par les différentes pièces qu'elle produit, que d'un séjour en France d'une durée d'un peu plus de cinq années, de surcroît dans des conditions irrégulières à la suite du rejet de sa demande d'asile, et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 17 décembre 2015 qu'elle n'a pas exécutée. De plus, elle ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle ancienne et stable sur le territoire. En outre, elle n'établit pas que sa présence auprès de son époux revêtirait pour lui, à raison de son état de santé, un caractère indispensable. Par ailleurs, à la date de l'arrêté en litige, elle ne démontre, ni n'allègue sérieusement aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'elle poursuive normalement, avec son époux et son enfant né le 28 juin 2018, sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où elle n'allègue pas être dépourvue de toute attache privée et familiale et où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans, ni qu'elle serait, avec son conjoint, dans l'impossibilité de s'y réinsérer. Enfin, la double circonstance que le couple a eu un second enfant né en France le 25 février 2022 et que le conjoint de la requérante s'est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable du

8 juillet 2022 au 7 juillet 2026, postérieure à l'arrêté attaqué du 29 mai 2020, est sans incidence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date de son édiction. Dans ces conditions, en estimant que Mme B... épouse E... ne pouvait se prévaloir d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant son admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis aucune erreur manifeste dans son appréciation de la situation de l'intéressée au regard de ces dispositions.

7. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme B... épouse E..., alors même qu'elle justifie séjourner en France depuis le mois de décembre 2014, ne justifie pas, à la date de l'arrêté attaqué, d'une insertion sociale et professionnelle stable et ancienne, ni d'aucun obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale, avec son époux qui est également de nationalité égyptienne et leur enfant qui est en bas âge, dans leur pays d'origine où elle n'allègue pas être dépourvue de toute attache privée et familiale. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de Mme B... épouse E..., l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles ces deux mesures ont été prises ou comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de son enfant né en France le 28 juin 2018, ni, en tout état de cause, de celui né le 25 février 2022, soit postérieurement à cet arrêté. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... épouse E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le président-rapporteur,

R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,

L. d'ARGENLIEU

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02931 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02931
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Rudolph D’HAEM
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-28;22pa02931 ?
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