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22/03/2023 | FRANCE | N°21PA06048

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 mars 2023, 21PA06048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Jeanne a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1924004/1-1 du 29 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, en

registrés le 26 novembre 2021, le 24 mars 2022 et le 29 avril 2022, l'association Jeanne, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Jeanne a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1924004/1-1 du 29 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 novembre 2021, le 24 mars 2022 et le 29 avril 2022, l'association Jeanne, représentée en dernier lieu par la SELARL LVI, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1924004/1-1 du 29 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mise en œuvre d'un contrôle fiscal à l'égard d'un parti politique est contraire à l'article 13 du préambule de la Constitution ;

- la procédure d'imposition est entachée d'une rupture du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ;

- la procédure de vérification de comptabilité a entraîné pour elle une gêne certaine, proscrite par la doctrine administrative ;

- la vérification de sa comptabilité a été irrégulièrement engagée à défaut d'indice sérieux préalable relatif à l'exercice d'une activité commerciale ;

- la procédure d'imposition est entachée d'une violation du secret professionnel et, en conséquence, d'une violation de son droit au respect de sa vie privée protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'une violation du droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de cette même convention ;

- elle est entachée d'une violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- elle est irrégulière pour violation des garanties attachées au recours à l'interlocuteur départemental ;

- son activité et ses statuts la placent hors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés du fait de sa gestion désintéressée et de son but non lucratif ;

- son activité de parti politique la place hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- à titre subsidiaire, si elle devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés, les dépenses de loyer devraient être déduites et les provisions pour créances douteuses comptabilisées au titre de l'année 2012 ;

- si elle devait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, aucun rappel ne serait fondé pour l'année 2012, compte tenu de ses droits à déduire la taxe ayant grevé les prestations facturées par la société B..., qui constituent des livraisons de biens rendant la taxe immédiatement déductible ;

- les majorations sont infondées dès lors que les impositions en litige sont infondées.

Par une ordonnance n° 21PA06048 du 8 décembre 2021, la présidente de la 2ème chambre de la Cour a décidé de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionalité soulevée par l'association Jeanne relative à la conformité aux droits et libertés garantis par le Constitution de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 février 2022 et le 8 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mai 2022.

Par un courrier du 30 janvier 2023, la Cour a demandé à l'administration fiscale la production de pièces pour compléter l'instruction, laquelle, en application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, n'a été rouverte qu'en ce qui concerne ces pièces.

L'association Jeanne a produit un mémoire, enregistré le 15 février 2023, par lequel elle soutient que les pièces produites à la demande de la Cour lui ont été transmises par un fonctionnaire n'ayant pas reçu délégation du ministre et doivent être écartées des débats.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 77/388/CE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laval, avocat de l'association Jeanne.

Une note en délibéré enregistrée, le 20 mars 2023 a été présentée pour la société Jeanne.

Considérant ce qui suit :

1. L'association de la loi de 1901 Jeanne, créée en 2010, s'est donnée pour objet " de définir et promouvoir les conditions d'une nouvelle offre politique " et, selon ses statuts, " Elle regroupe toutes celles et tous ceux qui entendent participer au redressement de la France ". Estimant qu'elle pouvait avoir une activité commerciale, l'administration fiscale a engagé le 12 janvier 2015 une vérification de la comptabilité de cette association, à l'issue de laquelle ont été mises à sa charge, selon la procédure contradictoire, des cotisations d'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, pour les deux impôts au titre des années 2012 et 2013. L'association fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des rappels de TVA ainsi mis à sa charge au titre de la seule année 2012.

Sur la régularité de la production des pièces demandées par la Cour :

2. Il résulte de l'instruction que Mme D... C..., qui, au demeurant, n'a signé qu'un bordereau accompagnant une production de pièces, avait reçu délégation de signature en application de l'article 12 de l'arrêté du 2 janvier 2023 publié au bulletin officiel des impôts (BOFIP-RHO-23-0504) du même jour, pour présenter devant les juridictions administratives ou judiciaires des requêtes, mémoires, conclusions ou observations. Par suite la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette production de pièces est irrégulière et doit être écartée des débats.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, la circonstance, à la supposer établie, que l'association Jeanne serait le seul parti politique à avoir fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, la requérante ne pouvant à cet égard invoquer utilement la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques ni le refus de l'administration de lui donner des informations sur les éventuelles vérifications de la comptabilité d'autres partis politiques.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration.

5. Dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, l'administration fiscale a consulté les 14, 15 septembre et 13 décembre 2015 les pièces de la procédure pénale ouverte à l'encontre de l'association Jeanne et de la société B... du chef d'escroquerie en bande organisée, abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux et financement illégal d'un parti politique. Il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites le 1er février 2023, que les procès-verbaux des auditions par le juge pénal de M. I..., associé et gérant de la société B... impliqué dans la gestion de l'association Jeanne, et de M. H..., trésorier puis trésorier adjoint de l'association, dont la requérante a demandé la communication à l'administration, lui ont été communiqués le 21 juillet 2016. Si elle soutient également ne pas avoir reçu communication des résultats financiers de la société B... depuis sa création, ainsi que des points de comparaison significatifs des marges réalisées par des entreprises similaires que l'administration a utilisés, il résulte de l'instruction qu'elle n'a demandé la communication de ces éléments que dans les observations qu'elle a formulées le 8 novembre 2016 sur la proposition de rectification du 9 septembre 2016 qui n'est relative qu'à l'année d'imposition 2013, qui n'est pas en litige dans la présente instance. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ce qui concerne l'année 2012 doit être écarté.

6. Si la requérante soutient ensuite que la vérification de sa comptabilité a été irrégulièrement engagée à défaut d'indice sérieux préalable relatif à l'exercice d'une activité commerciale, il résulte de l'instruction que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a publié au Journal officiel de la République française n° 0018 du 22 janvier 2014 les comptes de campagne des partis politiques, dont celui de la requérante, au titre de l'exercice 2012. Cette publication a fait ressortir que l'association Jeanne avait déclaré la somme de 150 euros au titre des cotisations de ses adhérents, de 5 500 euros au titre des dons de personnes physiques, aucune contribution financière des élus, aucun financement public et une somme de 8 917 081 euros au titre des autres recettes. Quand bien même la nature de ces recettes n'est pas détaillée, ces seuls éléments suffisent à constituer un indice sérieux que cette association se livrait à l'exercice d'activités susceptibles d'entraîner son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés et d'exiger de sa part la tenue d'une comptabilité.

7. Enfin la requérante reprend, en appel, les moyens tirés de ce que la procédure de vérification de comptabilité a entraîné pour elle une gêne certaine, de ce qu'elle est entachée d'une violation du secret professionnel entraînant une violation de sa vie privée et de son droit à un procès équitable, et enfin de ce qu'elle est entachée d'une irrégularité dans le déroulement de l'interlocution départementale prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, sans apporter à l'appui d'aucun de ces moyens des éléments de fait ou de droit nouveaux de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ceux-ci par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

8. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts dans sa version alors applicable : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée (...) les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. / (...) Les organismes mentionnés au premier alinéa deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle l'une des trois conditions prévues à l'alinéa précité n'est plus remplie. /Les organismes mentionnés au premier alinéa sont assujettis à l'impôt sur les sociétés prévu au 1 en raison des résultats de leurs activités financières lucratives et de leurs participations (...) "

9. Il est constant que l'association Jeanne n'a perçu au titre de l'année 2012 aucun financement public et seulement 150 euros de cotisations d'adhérents ainsi que 5 500 euros de dons de personnes, l'essentiel de ses ressources provenant de la vente de kits électoraux et de prestations comptables aux candidats du parti G... pour un montant de 8 917 081 euros, et des produits financiers retirés des prêts consentis à ces candidats, assortis d'un taux d'intérêt de 6,5 %, pour un montant de 544 280 euros. Il est également constant que ces kits électoraux lui étaient fournis par la société de communication B..., qui lui accordait un crédit fournisseur sur plus de douze mois. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment des procès-verbaux d'audition de divers employés de l'association lors de l'instruction pénale, que, contrairement à ce que soutient la requérante, M. E..., gérant et propriétaire de 70 % des parts de la société B..., était également activement impliqué dans la gestion quotidienne de l'association Jeanne, qui partageait ses locaux avec la société B... et lui confiait la gestion des demandes que lui adressaient les candidats, et que le trésorier de l'association était également le comptable de cette société. Compte tenu de l'importance de ses revenus financiers, qui lui restaient acquis quel que soit le résultat obtenu par les candidats aux élections, ainsi que de sa communauté d'intérêts avec la société commerciale B..., qui réalisait 53 % de son chiffre d'affaires avec elle, c'est à bon droit que l'administration a considéré que sa gestion n'était pas désintéressée et qu'elle exerçait une activité lucrative justifiant son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, alors même que cette association avait une activité à finalité politique et un statut de parti politique pour l'application de la réglementation sur le financement de la vie politique.

En ce qui concerne le montant de l'impôt sur les sociétés :

10. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Si en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

11. En premier lieu, pas plus en appel qu'en première instance la requérante n'établit par ses seules affirmations que la prise en charge en 2012 des loyers d'un local situé à Paris et servant exclusivement de siège du comité de campagne de Mme F... aurait pour elle une quelconque contrepartie, alors que par ailleurs la société B... mettait gratuitement une partie de ses locaux à sa disposition. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité des charges correspondant au paiement de ces loyers.

12. En second lieu, si une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, c'est à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

13. A supposer que le risque que certains candidats ne lui remboursent pas les prêts qu'elle leur avait accordés en 2012 apparaisse comme probable au 31 décembre de cette année, en cas de non remboursement par l'Etat de leurs frais de campagne, en tout état de cause la requérante ne justifie pas plus en appel qu'en première instance du montant de 255 145 euros de la provision pour risque de pertes sur produits financiers qu'elle a comptabilisée en 2012 en considération de ce risque, faute de toute justification que ce montant constituerait une approximation suffisante de ses pertes. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité de cette provision, la reprise des provisions comptabilisées pour dépréciation des créances relatives aux élections cantonales de 2011 n'étant par ailleurs pas contestée.

En ce qui concerne l'assujettissement à la TVA :

14. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. (...) ". L'article 261 de ce même code dispose que : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...)7. (...)b. : les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée (...) ". Par ailleurs aux termes de l'article 271 de ce code : " (...) Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (... ". Enfin son article 269 dispose que : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes du prix, de la rémunération, ou sur option du redevable, d'après les débits ".

15. En premier lieu, dès lors qu'ainsi qu'il est jugé au point 9, la gestion de l'association Jeanne n'était pas désintéressée en 2012, elle n'est pas fondée à revendiquer le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 261 du code général des impôts, nonobstant son statut de parti politique au regard de la réglementation sur le financement de la vie politique.

16. En second lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (... "). Aux termes de l'article 269 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes du prix, de la rémunération, ou sur option du redevable, d'après les débits ".

17. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la convention conclue le 9 janvier 2012 entre la société B... et l'association Jeanne, qui prévoit, moyennant un prix unique et global, la conception et la fourniture par B... de kits de campagne destinés aux candidats, comportant des tracts, affiches, cartes postales personnalisés et un site internet dédié, est intitulée " convention de prestation de services " et d'autre part que, ainsi que l'ont déclaré au cours de leurs auditions M. J..., ces kits étaient destinés à concevoir et harmoniser le message politique porté par l'ensemble des candidats se présentant aux élections sous l'investiture du parti G..., rendant ainsi la prestation de service que constitue la conception de ce message prépondérante par rapport à la fourniture de ses supports matériels.

18. Dès lors qu'il est constant que les factures adressées en 2012 à l'association Jeanne par la société B... pour la conception et fourniture de ces kits font apparaître une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6 % et mentionnent une option pour la taxe sur la valeur ajoutée à l'encaissement, et qu'il est tout aussi constant que ces factures n'ont pas été payées par l'association au 31 décembre 2012, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle ne pouvait obtenir l'imputation du montant de la taxe facturée sur le montant de celle dont elle était elle-même redevable.

Sur les pénalités :

19. La requérante, pour demander la décharge de la majoration de 10 % qui lui a été infligée en application des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts, se borne à soutenir que cette majoration porte sur des impositions qui ne sont pas dues. Ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que la Cour rejette les conclusions tendant à la décharge de ces impositions.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Jeanne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Jeanne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Jeanne et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2023.

La rapporteure,

P. A...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06048
Date de la décision : 22/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : LVI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-22;21pa06048 ?
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