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22/03/2023 | FRANCE | N°20PA02371

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 mars 2023, 20PA02371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du temps de travail qui lui a été imposé lors des missions de surveillance accomplies sur l'ensemble du territoire et de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 98 963 euros en indemnisation de ces préjudices.

Par un jugement n° 1901138/5-3 du 17 juin 2020, le Tribuna

l administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du temps de travail qui lui a été imposé lors des missions de surveillance accomplies sur l'ensemble du territoire et de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 98 963 euros en indemnisation de ces préjudices.

Par un jugement n° 1901138/5-3 du 17 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 août 2020, le 12 avril 2021 et le 24 septembre 2021, M. D..., représenté par la SELARL MDMH, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901138/5-3 du 17 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 98 963 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation à compter du 19 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de produire, le cas échéant en sollicitant au préalable leur déclassification, tous les documents de travail et informations qui le concernent permettant le décompte de son temps de travail effectif, compte tenu des contraintes qui lui étaient imposées, en particulier lors des semaines rouges ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, que le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que l'Etat a commis une faute en refusant de prendre en compte et de rémunérer ses heures de travail effectif pendant les semaines dites " rouges ", en dehors des heures d'intervention et des heures supplémentaires, et, d'autre part, que le tribunal n'a pas mis en œuvre ses pouvoirs d'instruction alors qu'il est dans l'impossibilité matérielle de rapporter la preuve de du décompte de ces heures de travail ;

- l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors que les heures de travail et d'intervention qui ont été prises en compte par l'administration pour le calcul de sa rémunération pendant les semaines dite " rouges " ne correspondent pas au temps de travail effectif ;

- l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas la durée maximale hebdomadaire de travail et des périodes minimales de repos et en compensant de manière insuffisante les heures supplémentaires effectuées ;

- cette faute lui a causé un préjudice qu'il évalue à la somme globale de 98 963 euros comprenant 85 963 euros en indemnisation du préjudice financier, correspondant à 4 398,16 heures travaillées entre juillet 2011 et septembre 2018, 5 000 euros de perte de chance de cotiser au régime de retraite additionnelle de la fonction publique, 5 000 euros de préjudice moral et 3 000 euros de troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. D....

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par un arrêt avant-dire droit du 19 janvier 2022, la Cour, a annulé le jugement n° 1901138/5-3 du 17 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris et a jugé qu'avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. D... il y avait lieu de procéder à la mesure d'instruction dont l'objet a été défini aux points 9 et 10 des motifs de cet arrêt.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 mars 2022 et le 30 septembre 2022 le ministre de l'intérieur et des outre-mer persiste dans ses conclusions et dans ses moyens.

Par des mémoires, enregistrés le 18 mars 2022, le 3 juin 2022 et le 19 octobre 2022, M. D..., représenté par la SELARL MDM, persiste dans ses conclusions et dans ses moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 89/391/CE du Conseil du 12 juin 1989 ;

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 30 avril 2020, UO c/ Készenléti Rendörsek (C-211/19) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 9 mars 2021, RJ c/ Stadt Offenbach am Main (C-580/19) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 juillet 2021, B.K. c/ Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) (C-742/19) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Moumni, avocate de M. D..., de M. C..., chef du bureau du contentieux statutaire et de la protection juridique des fonctionnaires, et de M. A......, chef de la brigade de recherche et d'intervention de de la sous-direction anti-terroriste, pour le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 15 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., brigadier de police, a été affecté à la division nationale de recherche et de surveillance au sein de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la direction centrale de la police judicaire, du 1er juillet 2011 au 1er janvier 2021. Il a adressé le 19 septembre 2018 au ministre de l'intérieur une demande en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du temps de travail qui lui a été imposé lors des missions de surveillance accomplies sur l'ensemble du territoire. A la suite du rejet implicite de cette demande, il a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité qu'il a évaluée à la somme globale 98 963 euros. Par un jugement n° 1901138/5-3 du 17 juin 2020 le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt avant-dire droit du 19 janvier 2022, la Cour a annulé ce jugement et a, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. D..., procédé à la mesure d'instruction dont l'objet a été défini aux points 9 et 10 des motifs de l'arrêt.

Sur l'application du droit de l'Union :

2. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 1er de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " La présente directive s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive. (...) ". Aux termes de l'article 2 de la directive du 12 juin 1989, cette directive " s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics (...) ". Toutefois, elle n'est pas applicable " lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s'y opposent de manière contraignante ".

3. La directive du 4 novembre 2003 renvoie à la directive du 12 juin 1989 pour la définition de son champ d'application matériel. Le choix de leurs auteurs a été, d'une part, de donner une dimension extrêmement large à ce champ qui couvre tous les secteurs d'activités, privés ou publics, d'autre part, de prendre en compte la nature de l'activité exercée et non le statut assigné par la loi nationale à telle ou telle catégorie de travailleurs. Et ce n'est, selon les termes mêmes de l'article 2 de la directive du 12 juin 1989, que lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques s'y opposent de manière contraignante que les activités en cause sont exclues des prévisions de cette directive.

4. La Cour de justice de l'Union européenne a ainsi jugé que figure au nombre des particularités inhérentes de ces activités spécifiques qui justifient, en vertu de l'article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391, une exception aux règles en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, le fait qu'elles ne se prêtent pas, par leur nature, à une planification du temps de travail, afin de préserver l'efficacité des activités spécifiques de la fonction publique dont la continuité est indispensable pour assurer l'exercice effectif des fonctions essentielles de l'État. Elle a aussi jugé que l'exigence de continuité des services actifs dans les domaines de la santé, la sécurité et l'ordre publics ne fait pas obstacle à ce que, lorsqu'elles ont lieu dans des conditions normales, les activités de ces services puissent être organisées, y compris quant aux horaires de travail de leurs employés, si bien que l'exception prévue à l'article 2, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/391 n'est applicable à de tels services que dans des circonstances d'une gravité et d'une ampleur exceptionnelles, telles que des catastrophes naturelles ou technologiques, des attentats ou des accidents majeurs, qui nécessitent l'adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé ainsi que de la sécurité de la collectivité, et dont la bonne exécution serait compromise si toutes les règles énoncées par la directive 2003/88 devaient être respectées. Elle a en outre réservé l'hypothèse des activités particulières de la fonction publique présentant, même lorsqu'elles sont exercées dans des conditions normales, des caractéristiques à ce point spécifiques que leur nature s'oppose, de manière contraignante, à une planification du temps de travail respectueuse des prescriptions imposées par la directive 2003/88 et notamment des activités qui, afin de remplir efficacement l'objectif d'intérêt général qui leur est assigné, ne peuvent être exercées que de manière continue et par un seul et même travailleur, sans qu'il soit possible d'instaurer un système de rotation permettant d'accorder, à intervalles réguliers, à ce travailleur, le droit à des heures ou à des jours de repos après qu'il a effectué un certain nombre d'heures ou de jours de travail.

5. Le service au sein duquel était affecté M. D... travaillait sur un cycle de quatre semaines : une semaine dite " semaine rouge " au cours de laquelle une équipe était déployée sur l'ensemble du territoire national pour effectuer des missions de surveillance pendant une durée maximale de huit jours, une semaine dite " semaine verte " pendant laquelle les agents n'étaient pas déployés et étaient invités à prendre des jours de récupération à raison des heures supplémentaires effectuées pendant les semaines rouges, une semaine dite " semaine orange " où les agents sont affectés à des missions de surveillance en Ile-de-France et enfin une semaine dite " semaine jaune " où les agents étaient placés en position administrative normale et invités à suivre leurs formations. Pendant les semaines rouges le requérant a été affecté à des missions de surveillance sur l'ensemble du territoire dans le cadre d'une activité de suivi de personnes suspectées de préparer des attentats terroristes ou de contribuer à leur préparation. Ces missions de surveillance ont été effectuées par une équipe de plusieurs agents et leur cycle de travail, notamment leurs prises de service, a été adapté aux habitudes de vie des objectifs surveillés. Ces missions ont pour but de connaître les habitudes des cibles surveillées, d'évaluer leur dangerosité et d'identifier les relations des cibles surveillées en lien avec des activités terroristes.

6. D'une part, ces missions de surveillance impliquaient compte tenu de leur nature un travail sur l'ensemble du territoire national nécessitant le déplacement d'une équipe composée de plusieurs agents pendant plusieurs jours et impliquaient également une grande discrétion ainsi qu'une connaissance précise de l'objectif surveillé pour garantir la continuité des recherches et prévenir les risques de passage à l'acte. Or, ces contraintes empêchaient la mise en place d'un système de rotation des effectifs réguliers. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment des éléments produits après la mesure d'instruction ordonnée avant-dire droit et des observations complémentaires présentées par le ministre de l'intérieur, que pendant ces missions de surveillance, et ceci aussi bien pendant les heures d'intervention qu'en dehors des heures d'intervention, les contraintes inhérentes à l'exercice des missions des agents affectés à la surveillance dans le cadre de la lutte anti-terroriste se caractérisent par une forte disponibilité des agents contraints de calquer leur rythme de travail sur celui des cibles surveillées et de faire face aux comportements imprévisibles des personnes ciblées. La nature de ses missions nécessitait en outre des réactions rapides afin d'adapter les modalités de surveillance ou de mettre en place des outils techniques de surveillance. Enfin, la période en litige couvre les années 2014 à 2017, période pendant laquelle des circonstances d'une gravité et d'une ampleur exceptionnelles à raison des attentats perpétrés sur le territoire national ou du niveau élevé de risque d'attentats ont nécessité l'adoption de mesures indispensables à la protection de la sécurité de la collectivité, notamment en matière de surveillance. Ainsi, eu égard à la nature de leurs activités et aux particularités de la période en litige, l'application des règles de temps de travail de la directive auraient empêché les agents en mission de surveillance pendant les semaines rouges dans le cadre de la lutte anti-terroriste d'accomplir leurs missions et, en conséquence, aurait présenté un risque de nature à porter atteinte à la sauvegarde de la sécurité nationale. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir, pour la première fois dans le mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2022, que ces agents relevaient de l'exception analysée au point 4.

Sur l'application du droit interne :

7. Aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, la durée de travail effectif se définit comme " le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail. Les horaires de travail sont définis à l'intérieur du cycle, qui peut varier entre le cycle hebdomadaire et le cycle annuel de manière que la durée du travail soit conforme sur l'année au décompte prévu à l'article 1er. / (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. / (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 25 août 2000 précité : " (...) / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures. / Les agents bénéficient d'un repos minimum quotidien de onze heures. / L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures. / (...) / ".

8. Aux termes de l'article 1er du décret modifié n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée de travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale : " Pour l'organisation du travail des fonctionnaires actifs des services de la police nationale, il est dérogé aux garanties minimales mentionnées au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, lorsque les tâches de sécurité et de paix publiques, de police judiciaire et de renseignement et d'information, qui leur sont confiées, l'exigent. / Cette dérogation doit toutefois respecter les conditions suivantes : / 1° La durée hebdomadaire de travail mesurée, pour chaque période de sept jours, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder quarante-huit heures en moyenne sur une période d'un semestre ; / 2° Les agents bénéficient d'un repos journalier de onze heures consécutives, au minimum, au cours de chaque période de vingt-quatre heures ; / 3° Les agents bénéficient, aux cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier. Si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures peut être retenue ; / 4° Lorsque les repos mentionnés aux 2° et 3° sont réduits ou non pris en raison des nécessités d'assurer la protection des personnes et des biens, ils sont compensés par l'octroi de périodes équivalentes de repos compensateur. Les agents bénéficient de ces repos compensateurs avant la période de travail immédiatement postérieure ou, si les nécessités de service l'imposent, dans un délai rapproché garantissant la protection de leur santé. Dans le cas d'événements d'une particulière gravité qui imposent un engagement important des forces de sécurité ne permettant pas le bénéfice de ces repos, l'autorité hiérarchique assure une protection appropriée de la santé et de la sécurité des agents leur permettant de récupérer de la fatigue engendrée par le travail. Dans le cas d'évènements d'une gravité exceptionnelle qui imposent un engagement durable et important des forces de sécurité, l'autorité hiérarchique assure leur santé et leur sécurité dans toute la mesure du possible. ".

9. Aux termes de l'article 113-32 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police national réglemente le régime des fonctionnaires de police travaillant en régime hebdomadaire : " Sous réserve des dispositions particulières applicables dans les délégations du service de coopération technique internationale de police (SCTIP) à l'étranger, l'accomplissement permanent, par les fonctionnaires de police travaillant en régime hebdomadaire (calqué sur la semaine civile), d'un service d'une durée conduisant à dépasser le volume horaire annuel maximum de travail effectif autorisé par la réglementation en vigueur dans la fonction publique de l'Etat, leur donne droit à l'attribution, dans des conditions fixées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale, d'un crédit annuel de jours de repos compensateurs dits jours ARTT (aménagement et réduction du temps de travail), au nombre desquels trois, au minimum, sont indemnisés dans des conditions fixées par décret. ". Aux termes de l'article 113-33 du même arrêté : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale travaillant en régime cyclique bénéficient : / 1. D'un crédit férié annuel, exprimé en heures, selon des modalités précisées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale. (...) / 2. De repos de pénibilité spécifique (RPS), liée aux horaires irréguliers du travail cyclique, sous forme de temps compensés obtenus à partir de coefficients multiplicateurs, non cumulables, de 0,1 pour les nuits (21 heures/6 heures) et de 0,4 pour les dimanches effectivement travaillés. / Les modalités d'attribution de ces repos de pénibilité spécifique font l'objet de précisions complémentaires, portées dans l'instruction générale précitée. / 3. D'un crédit annuel d'heures ARTT, selon des modalités précisées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale, au nombre desquelles trois équivalents-jours, au minimum, sont indemnisés dans des conditions fixées par décret et auxquelles s'appliquent les dispositions de l'article 113-32 (alinéas 2, 3 et 4) ci-dessus du présent règlement général d'emploi. / Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale soumis au régime de travail dit mixte hebdomadaire/cyclique en vigueur dans les compagnies républicaines de sécurité (CRS) bénéficient quant à eux : / 1. De jours de repos compensateurs des servitudes opérationnelles et de la pénibilité du travail (RCSOP), dans des conditions précisées par une instruction spécifique, et auxquels s'appliquent les dispositions ci-dessus du présent article (alinéa 7) relatives aux RPS ; les indisponibilités motivées par des congés de maladie, non imputables au service, entraînent une réduction du volume de jours de RCSOP, à raison de 1 jour déduit par période d'absence de 30 jours (en une fois ou cumulativement) ; / 2. D'un crédit annuel de jours ARTT dont cette même instruction fixe également les modalités d'attribution et d'utilisation. (...) ".

10. Tout d'abord, en ce qui concerne le cycle de travail, il n'est pas contesté que les missions de surveillance effectuées en semaine rouge entrainent pour les agents la réalisation d'un volume important d'heures d'intervention ainsi qu'une disponibilité importante en dehors des heures d'interventions, nécessitant notamment la présence des agents à proximité de leur lieu de déploiement. Toutefois, le cycle de travail mis en place permet aux agents de récupérer les heures supplémentaires réalisées pendant les semaines suivant les semaines dites rouges et en conséquence de bénéficier de plusieurs journées de repos compensateur ou de bénéficier d'une compensation financière. En outre, le ministre de l'intérieur soutient sans être utilement contredit que le cycle de travail mis en place est conforme aux dispositions du décret du 25 août 2000 dès lors qu'il ne dépasse pas un volume de 1 607 heures de travail effectif annuel.

11. En ce qui concerne le repos journalier et le repos hebdomadaire des agents en mission d'intervention pendant les semaines rouges, il est constant que ces derniers exercent des missions de protection des personnes et des biens dans le cadre desquelles il est possible de réduire les repos mentionnés aux 2° et au 3° de l'article 1er du décret modifié du 23 octobre 2002. Il résulte de l'instruction que pendant les semaines rouges, le cycle de travail avec prise de service adaptée est calqué sur les habitudes de vie des objectifs surveillés. Les éléments produits, s'ils témoignent de la disponibilité des agents en dehors des heures d'interventions et des contraintes pesant sur ces derniers notamment quant à la nécessité de rester à proximité de leur lieu de résidence, ne permettent pas d'établir qu'en dehors des heures d'intervention, les contraintes pesant sur les agents les empêchent de bénéficier des garanties minimales prévues par le décret du 23 octobre 2002 et notamment de bénéficier d'un repos journalier minimal. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que ces réductions des durées de repos journaliers et de repos hebdomadaires ne seraient pas compensées par l'octroi de périodes équivalentes de repos compensateur, imputées notamment sur les semaines suivantes en application du cycle de travail.

12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas les garanties minimales en terme de repos journalier et hebdomadaire lors des missions de surveillance effectuées en semaine rouge. Par conséquence, il n'est pas fondé à mettre en jeu la responsabilité de l'Etat à ce titre et sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de la chambre,

- Mme Hamon, présidente,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2023.

La rapporteure,

E. B...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA02371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02371
Date de la décision : 22/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-22;20pa02371 ?
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