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06/03/2023 | FRANCE | N°22PA00598

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 mars 2023, 22PA00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Laboratoire du Catalan a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a retiré l'autorisation d'ouverture du laboratoire d'analyses de biologie médicale " Laboratoire du Catalan ", qu'elle exploite à Robinson sur le territoire de la commune du Mont-Dore.

Par un jugement n° 2100081 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2022, la société Laboratoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Laboratoire du Catalan a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a retiré l'autorisation d'ouverture du laboratoire d'analyses de biologie médicale " Laboratoire du Catalan ", qu'elle exploite à Robinson sur le territoire de la commune du Mont-Dore.

Par un jugement n° 2100081 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2022, la société Laboratoire du Catalan, représentée par Me Loste, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100081 du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 19 janvier 2021 est entaché d'un vice de procédure dès lors que les deux agents ayant mené l'inspection du laboratoire le 30 juillet 2020 étaient incompétents à cette fin, faute de suivi et de validation de la formation de pharmacien-inspecteur de l'école nationale de santé publique ; cette inspection s'est déroulée dans des conditions irrégulières ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la démission de Mme A... de ses fonctions de gérante n'a jamais été formalisée par la présentation d'une lettre recommandée avec avis de réception ; la société n'a jamais pris acte de cette démission, et aucune modification n'a été effectuée au registre du commerce et des sociétés ; Mme A... doit donc être regardée comme étant toujours associée, gérante et directeur de laboratoire à la date de l'arrêté litigieux ;

- la crise sanitaire a accru les difficultés de recrutement d'une personne susceptible de remplacer Mme A... ; l'administration aurait dû tenir compte de ces difficultés et des efforts qu'elle a fournis pour recruter un remplaçant ; Mme E..., co-gérante, a assuré elle-même plusieurs remplacements, en application de l'article 97 de la délibération du 1er juin 1983 ;

- l'arrêté litigieux est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2022, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999,

- la délibération n° 553 du 1er juin 1983 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie relative aux laboratoires d'analyses de biologie médicale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Marion, rapporteure publique désignée en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative,

- les observations de Me Jouanin, représentant la société Laboratoire du Catalan,

- et les observations de Me Cathelineau, représentant la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 octobre 2004, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a autorisé l'ouverture d'un laboratoire d'analyses médicales exploité sous la forme d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) dénommée Laboratoire du Catalan sur le territoire de la commune de Nouméa. Puis par un arrêté du 29 janvier 2008, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a pris acte de la modification de la forme sociale de la société et a agréé la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Laboratoire du Catalan en vue d'exploiter le laboratoire d'analyses médicales situé à Nouméa. Par un arrêté du 25 août 2009, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a autorisé l'ouverture d'un second laboratoire d'analyse de biologie médicale sur le territoire de la commune du Mont-Dore exploité sous la forme d'une SELARL dénommée Laboratoire du Catalan ; l'arrêté du 29 janvier 2008 a été modifié afin de prévoir que la SELARL Laboratoire du Catalan était agréée en vue de l'exploitation de deux laboratoires d'analyses de biologie médicale situés l'un à Nouméa, l'autre sur le territoire de la commune du Mont-Dore, ce dernier étant dirigé par M. D.... Après le départ de celui-ci en 2017, Mme A... est devenue associée gérante de la SELARL Laboratoire du Catalan, et mentionnée comme étant directrice du laboratoire situé sur la commune du Mont-Dore par un arrêté du 12 décembre 2017. Informé de la démission de Mme A... à compter du 22 juin 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a, par un arrêté du 3 mars 2020, abrogé les arrêtés du 25 août 2009 et du 12 décembre 2017. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie pour insuffisance de motivation. Par un arrêté du 19 janvier 2021, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a retiré l'autorisation d'ouverture du laboratoire d'analyses de biologie médicale que la SELARL Laboratoire du Catalan exploite sur le territoire de la commune du Mont-Dore et a abrogé les arrêtés du 25 août 2009 et du 12 décembre 2017. La société Laboratoire du Catalan relève appel du jugement du 10 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2021.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 1er de la délibération n° 553 susvisée du 1er juin 1983 relative aux laboratoires d'analyses de biologie médicale : " Les laboratoires dans lesquels sont effectuées des analyses de biologie médicale doivent répondre aux conditions fixées par le présent texte. / (...) les analyses ne peuvent être effectuées que dans les laboratoires mentionnés à l'alinéa précédent, sous la responsabilité de leurs directeurs et directeurs adjoints. ". Aux termes de l'article 2 de la même délibération : " Un laboratoire d'analyses de biologie médicale ne peut être ouvert, exploité ou dirigé que par : " 1 - une personne physique, / 2 - une société civile professionnelle régie par la loi du 29 novembre 1966 modifiée et les dispositions du présent texte, / 3°- une société anonyme ou une société à responsabilité limitée remplissant les conditions prévues par le présent texte. / 4°- un organisme ou service relevant de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'un établissement public, / 5°- un organisme mutualiste, / 6°- un organisme à but non lucratif reconnu d'utilité publique. / 7°- une société d'exercice libéral de directeurs et directeurs adjoints. ". Aux termes de l'article 3 de cette délibération : " Lorsque le laboratoire est exploité par une personne physique, celle-ci est directeur du laboratoire. / Lorsqu'il est exploité par une société civile professionnelle, tous les associés sont directeurs de laboratoire. / Lorsque le laboratoire est exploité par une société anonyme, par une société à responsabilité limitée ou par une société d'exercice libéral, le président du conseil d'administration, les directeurs généraux, les membres du directoire ou le directeur général unique et les gérants, ainsi que la majorité au moins des membres du conseil d'administration et du conseil de surveillance sont directeurs ou directeurs adjoints du laboratoire. (...) ". Selon l'article 4 de ladite délibération : " Aucun laboratoire d'analyses de biologie médicale ne peut être ouvert sans une autorisation délivrée dans les conditions prévues au présent titre. ". En outre, aux termes de l'article 80 de la même délibération : " Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie retire l'autorisation lorsque les conditions légales ou réglementaires cessent d'être remplies. / (...) La décision de retrait total ou partiel de l'autorisation ne peut intervenir qu'après que le responsable du laboratoire a été mis en mesure de présenter ses observations sur les faits de nature à justifier la décision. Elle doit être motivée. (...) ", et aux termes de son article 81 : " Les directeurs et directeurs adjoints de laboratoires d'analyses de biologie médicale doivent exercer personnellement et effectivement leurs fonctions. / Ils ne peuvent les exercer dans plus d'un laboratoire. (...) ". Enfin, l'article 82 de ladite délibération dispose : " Les directeurs et directeurs adjoints de laboratoires doivent être titulaires de l'un des diplômes d'Etat de docteur en médecine, de docteur en pharmacie ou de pharmacien ou de docteur vétérinaire, être inscrits au tableau de l'ordre professionnel dont ils relèvent et avoir reçu une formation spécialisée dont la nature et les modalités sont fixées ci-dessous. ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué n'est pas fondé sur les conclusions du rapport établi le 11 août 2020 après l'inspection du laboratoire menée le 30 juillet 2020 par des agents de la direction des affaires sanitaires et sociales de la Nouvelle-Calédonie, qu'il ne vise pas, mais sur le constat d'une absence de directeur au sein du laboratoire d'analyses de biologie médicale situé commune du Mont-Dore depuis la démission de Mme A... à compter du 22 juin 2019, les conditions énoncées au point 2 du présent arrêt cessant d'être remplies. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'arrêté du 19 janvier 2021 serait entaché d'un vice de procédure en ce que lesdits agents étaient incompétents pour mener une inspection.

4. En deuxième lieu, si la société Laboratoire du Catalan estime que le principe du contradictoire a été méconnu préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué, dès lors qu'elle n'a pu présenter d'observations sur l'un des éléments énoncés dans cet arrêté, tenant à l'absence de possibilité de régularisation de l'absence de directeur par le recrutement d'une biologiste, il ressort des pièces du dossier que l'administration n'a pas sur ce point relevé un nouveau motif pour fonder sa décision mais a simplement répondu aux observations préalables de la société requérante. Cette dernière a été informée, par un courrier du 11 septembre 2020, de ce que l'absence de directeur justifiait le retrait de l'autorisation d'ouverture, et a été invitée à formuler ses observations dans le délai de trois semaines, ce qu'elle a fait par un courrier du 6 octobre 2020. Le moyen tiré d'une méconnaissance du principe du contradictoire doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que Mme A..., directrice du laboratoire situé sur le territoire de la commune du Mont-Dore jusqu'à sa démission à compter du 22 juin 2019, n'exerçait plus de manière effective ses fonctions depuis cette dernière date, ayant par ailleurs été recrutée par un laboratoire concurrent. La circonstance qu'elle n'aurait jamais formalisé sa démission selon les règles de droit privé régissant la société, ni revendu sa part sociale, et qu'elle devrait dès lors toujours être regardée comme associée, co-gérante, et directrice dudit laboratoire, est sans incidence sur son absence d'exercice effectif des fonctions de direction au sens des dispositions précitées de l'article 81 de la délibération du 1er juin 1983. Il est par ailleurs constant que le laboratoire concerné était dépourvu, à la date de l'arrêté attaqué, de directeur, la pénurie de biologistes et les difficultés de recrutement en raison de la crise sanitaire, alléguées par la société requérante, étant sans incidence à cet égard. Enfin, ni le recrutement de Mme C..., qui ne pouvait être directeur du fait du refus de son inscription au tableau de l'ordre des pharmaciens, ni les remplacements exceptionnels et temporaires assurés en application de l'article 95 de la délibération précitée par Mme E..., directrice du laboratoire situé à Nouméa, alors que les directeurs " ne peuvent les exercer dans plus d'un laboratoire " en vertu de l'article 81 de la même délibération, n'étaient susceptibles de pallier l'absence de direction constatée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Si l'article 97 de ladite délibération prévoit qu'" en cas d'absence prolongée, motivée par des circonstances exceptionnelles, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie peut autoriser le remplacement d'un directeur ou d'un directeur adjoint pour une durée qui ne peut excéder six mois, par une personne remplissant les conditions requises pour exercer ces fonctions. Cette autorisation n'est accordée que si le remplaçant s'engage à n'exercer aucune autre activité. / L'autorisation accordée en application de l'alinéa précédent peut être renouvelée deux fois, dans les mêmes conditions. ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle autorisation aurait été accordée à Mme E.... Dans ces conditions, la société Laboratoire du Catalan n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur de droit ni fondé sur des faits matériellement inexacts.

6. En dernier lieu, la société requérante n'établit pas que l'arrêté du 19 janvier 2021, fondé sur des faits matériellement établis, serait entaché de détournement de pouvoir au motif que Mme E..., sa gérante, dénonce l'absence de qualifications de certains agents de la direction des affaires sanitaires et sociales de la Nouvelle-Calédonie.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Laboratoire du Catalan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2021.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Laboratoire du Catalan et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à la Nouvelle-Calédonie en application des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Laboratoire du Catalan est rejetée.

Article 2 : La société Laboratoire du Catalan versera la somme de 1 500 euros à la Nouvelle-Calédonie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laboratoire du Catalan et à la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.

La rapporteure,

G. B...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00598
Date de la décision : 06/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme MARION
Avocat(s) : JURISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-06;22pa00598 ?
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