Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le groupement hospitalier intercommunal (GHI) Le Raincy - Montfermeil à lui verser une somme de 42 944 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge au sein de cet établissement.
Par un jugement n° 2001836 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2022 et le 27 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Messeca, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2001836 du 14 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de condamner le GHI Le Raincy - Montfermeil à lui verser une somme de 13 564 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge au sein de cet établissement ;
3°) de mettre à la charge du GHI Le Raincy - Montfermeil une somme de 3 500 euros au titre de la procédure de première instance et une somme de 4 000 euros au titre de la procédure d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité est établi entre le retard fautif de diagnostic de sa fracture du cotyle et les préjudice patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'elle a subis ;
- elle est fondée à obtenir la somme de 4 654 euros au titre des frais de vol, transferts, hébergement et location de voiture déboursés à l'occasion de son voyage en Martinique qui n'a pu être annulé du fait de ce retard de diagnostic ;
- ce retard de diagnostic a également été à l'origine d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice moral, évalués respectivement à hauteur de 2 500 euros et 1 500 euros, dès lors qu'elle n'a pu profiter de son voyage et des retrouvailles avec son fils ;
- elle a également droit à l'indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire résultant du retard de diagnostic de sa fracture, à hauteur de 2 500 euros chacun.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 octobre 2022 et le 7 novembre 2022, le GHI Le Raincy - Montfermeil, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les préjudices invoqués par Mme B... ne présentent pas de lien de causalité direct et certain avec le retard fautif de diagnostic de sa fracture du cotyle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Isabelle Marion a été désignée rapporteure publique par une décision du
20 janvier 2023 de la présidente de la Cour, en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Marion, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 janvier 2017, Mme B..., alors âgée de soixante-et-un ans, a été victime d'une chute sur la voie publique nécessitant son admission au service des urgences du groupement hospitalier intercommunal (GHI) Le Raincy - Montfermeil dont elle est ressortie le jour même avec une prescription de médicaments antalgiques et anti-inflammatoires ainsi qu'une paire de béquilles. Du 14 au 24 janvier 2017, Mme B... a effectué un voyage en Martinique. Au regard de la persistance des douleurs, une nouvelle radiographie a été réalisée à son retour en France le 27 janvier 2017 et a mis en évidence une fracture du cotyle. Estimant que sa prise en charge a été défaillante, Mme B... a saisi, le 18 mai 2018, la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Ile-de-France qui a diligenté une expertise dont le rapport a été remis le 7 septembre 2018. Par un avis du 12 octobre suivant, la CCI d'Ile-de-France s'est estimée incompétente pour connaître de sa demande. Le 21 mars 2019, Mme B... a alors adressé une demande indemnitaire préalable au GHI Le Raincy - Montfermeil. Par un courrier du 14 août 2019, la société hospitalière d'assurance mutuelle, assureur du GHI, a formulé une proposition indemnitaire d'un montant de 1 400 euros. Estimant cette offre insuffisante, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le GHI Le Raincy - Montfermeil à l'indemniser des préjudices subis lors de sa prise en charge dans cet établissement. Par un jugement du 14 décembre 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la responsabilité du GHI Le Raincy - Montfermeil :
2. Par le jugement attaqué, qui n'est pas contesté par les parties sur ce point, le tribunal administratif de Montreuil a retenu que le GHI Le Raincy - Montfermeil avait commis des fautes constituées par une erreur initiale de diagnostic et un défaut dans l'organisation du service dès lors que, d'une part, la fracture du cotyle de Mme B... aurait dû être diagnostiquée dès son admission au service des urgences le 11 janvier 2017 et que d'autre part, les clichés radiographiques interprétés par le radiologue le lendemain et mentionnant un " doute sur fracture du cotyle gauche " n'ont pas été portés à la connaissance du service des urgences, ni de Mme B... alors qu'ils impliquaient la réalisation d'examens complémentaires.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces fautes ont été à l'origine d'un retard de diagnostic de seize jours et que Mme B... est dès lors fondée à obtenir réparation des seuls préjudices résultant de ce retard et non de ceux causés par la fracture elle-même.
Sur les préjudices :
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le traitement dont a bénéficié Mme B... lors de sa sortie du service des urgences le
11 janvier 2017, comprenant des médicaments antalgiques et anti-inflammatoires pour la douleur ainsi qu'une paire de béquilles, correspond à celui qui lui aurait été prescrit pour le traitement de sa fracture. Néanmoins, l'expert relève que du fait de l'absence de diagnostic de la fracture du cotyle, aucune consigne d'interdiction d'appui ne lui a été adressée. Il explique également que si Mme B... a été contrainte de se déplacer principalement en fauteuil roulant lors de son séjour en Martinique, elle a néanmoins tenté à plusieurs reprises de reprendre l'appui en l'absence de consignes de mise en décharge du pied alors que les équipes du service des urgences lui auraient au contraire conseillé de reprendre la marche. Selon le rapport d'expertise, cette erreur de diagnostic a aggravé les souffrances endurées par Mme B... qui peuvent être évaluées à 1 sur une échelle de 7. Par suite, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ce chef de préjudice est directement imputable aux fautes commises. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.
5. En deuxième lieu, l'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire évalué à 1 sur 7 compte tenu de la nécessité pour Mme B... de se déplacer en fauteuil roulant durant son voyage en Martinique, il résulte toutefois de l'instruction que la fracture du cotyle présentée par la requérante nécessitait une mise en décharge et l'utilisation de béquilles ou d'un fauteuil roulant, et ce indépendamment des fautes commises. Par suite, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, ce chef de préjudice doit être écarté.
6. En dernier lieu, Mme B... sollicite le remboursement des frais engagés pour son séjour en Martinique ainsi que l'indemnisation du préjudice d'agrément et du préjudice moral subis lors de ce voyage, qu'elle n'a pu annuler. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que du fait de l'erreur de diagnostic commise le 11 janvier 2017, Mme B..., qui devait effectuer un voyage en Martinique trois jours plus tard, n'a pu être informée qu'elle souffrait d'une fracture du cotyle, ni se voir délivrer de consignes d'interdiction d'appui alors que ce type de pathologie impose une mise en décharge stricte du pied pendant une durée de trois mois. Si l'erreur fautive de diagnostic ne peut être regardée comme la cause directe des préjudices invoqués par la requérante, elle lui a revanche fait perdre une chance sérieuse de reporter son voyage en Martinique, dont le départ était prévu trois jours après l'accident, et de le réaliser dans de meilleures conditions physiques. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du montant de l'indemnité à laquelle elle peut prétendre à ce titre en lui allouant la somme de 800 euros.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de GHI Le Raincy - Montfermeil.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GHI Le Raincy - Montfermeil la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens tant au titre de la procédure de première instance que de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le GHI Le Raincy - Montfermeil et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 14 décembre 2021 est annulé.
Article 2 : Le GHI Le Raincy - Montfermeil est condamné à verser la somme de 1 800 euros à Mme B....
Article 3 : Le GHI Le Raincy - Montfermeil versera la somme de 2 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le GHI Le Raincy - Montfermeil au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au groupement hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil et à la société hospitalière d'assurance mutuelle.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.
La rapporteure,
G. C...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00541