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03/03/2023 | FRANCE | N°21PA04355

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 03 mars 2023, 21PA04355


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Valbrilau Taxis a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1916681 du 15 juin 2021, le tribunal admi

nistratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Valbrilau Taxis.

Procédure devant la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Valbrilau Taxis a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1916681 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Valbrilau Taxis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 janvier 2023, la SARL Valbrilau Taxis, représentée par Me Ohana, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1916681 du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle est assujettie au titre des exercices 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il appartient à l'administration d'établir l'existence de graves irrégularités dans sa comptabilité devant conduire à l'écarter comme non probante alors que sa régularité en la forme n'a pas été remise en cause ; la minoration alléguée du chiffre d'affaires réalisé au titre des " chutes " ne tient pas compte des conditions réelles d'activité de la société, notamment de l'existence d'un " doublage " pour un même véhicule conduit par deux chauffeurs ; elle ne saurait permettre de considérer, a posteriori, que la comptabilité était entachée de graves irrégularités ;

- la méthode de reconstitution suivie par l'administration est radicalement viciée ou excessivement sommaire ;

- l'insuffisance de chiffre d'affaires alléguée est imputable aux chauffeurs qui encaissent directement les recettes et constitue un détournement de fonds ouvrant droit à déduction de son bénéfice taxable.

Par mémoire enregistré le 5 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ohana, pour la société Valbrilau Taxis.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Valbrilau Taxis, qui exploite des taxis, a fait l'objet d'un contrôle de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. En cours de contrôle, l'administration a estimé que la comptabilité de la société n'était pas probante et a adressé à la société une proposition de redressement à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. La commission départementale des impôts a donné un avis favorable au redressement opéré par l'administration. Saisie d'une nouvelle proposition de reconstitution du chiffre d'affaires taxable proposée par la SARL Valbrilau Taxis, fondée sur les kilomètres parcourus, l'administration a déterminé un nouveau chiffre d'affaires taxable pour un montant inférieur au montant initialement proposé et abandonné partiellement les redressements notifiés. La SARL Valbrilau Taxis demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre ces impositions supplémentaires, ainsi que la décharge desdites impositions.

2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Aux termes de l'article R. 13-1 du même livre : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce ; b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels ".

3. Il résulte de l'instruction que les recettes déclarées par la SARL Valbrilau Taxis au titre des années d'imposition en litige proviennent de l'addition, d'une part, du chiffre d'affaires résultant des prises en charge de clients, calculé, pour les 250 premiers mètre parcourus, en multipliant le nombre de passagers transportés par le tarif unitaire de chaque prise en charge et, d'autre part du chiffre d'affaire dit des " chutes " résultant de l'application d'un tarif forfaitaire de 0,10 euros soit à une unité de distance parcourue au-delà des 250 premiers mètres soit à une période de temps de transport selon les conditions de circulation. Les recettes sont établies sur la base de fiches remises quotidiennement par les chauffeurs faisant apparaître les kilomètres parcourus, le nombre de courses et de prise en charge, le nombre de chutes de la veille et le nombre de chutes de fin de service. Lors des opérations de vérification de comptabilité, l'administration a constaté que les fiches remises quotidiennement par les chauffeurs étaient dépourvues de valeur probante. En effet, leur contenu faisait apparaître, de manière généralisée, une discordance entre la chute de la veille, apparaissant sur le relevé établi pour les prestations d'une journée, et la chute enregistrée à la fin du service précédent, plus faible, minorant ainsi les recettes issues de ces chutes. L'administration, qui a constaté l'écart entre les chutes mentionnées en fin de service et celles mentionnées la veille, ou, en cas de " doublage ", à la suite du service d'un autre chauffeur, au titre du service précédent, a pu en déduire un manque de sincérité caractérisé des fiches, et, eu égard à l'importance du chiffre d'affaires représenté par les chutes dans le chiffre d'affaires total de la société, l'absence de caractère probant de la comptabilité qui en est issue. Contrairement à ce que soutient la SARL Valbrilau Taxis, l'administration ne s'est pas appuyée sur sa reconstitution du chiffre d'affaire pour constater le caractère non probant de la comptabilité mais seulement sur la discordance mentionnée dans la comptabilisation des recettes dites de chute, la reconstitution du chiffre d'affaires au terme de la première méthode utilisée ayant seulement conforté son analyse sur l'importance des minorations de recettes en résultant, de l'ordre de 80 % sur certaines périodes. Si la société indique qu'une partie de la discordance serait due au trajet vers le domicile des chauffeurs, qui activent le compteur, même sans client, pour pouvoir utiliser les voies réservées aux taxis, un tel usage, au demeurant contraire à la réglementation, ne saurait couvrir que partiellement la discordance établie au titre du chiffre d'affaires des chutes. Il en va de même des pannes de compteur, alléguées pour expliquer l'existence d'une chute différente en début de service. En outre, contrairement à ce qu'indique la société requérante, l'administration a tenu compte de la chute mentionnée par un précédent chauffeur dans le cas d'un " doublage " au cours d'une même journée. Enfin, l'analyse des discordances relevées par l'administration sur la base de comparaisons entre les chutes de fin et de début de deux journées consécutives a été corroborée par une analyse effectuée sur la base des discordances entre les chutes de début et de fin de mois pour un même véhicule, mettant en évidence une minoration de l'ordre de 40 % du chiffre d'affaires réalisé au titre des chutes.

4. Il résulte de ce qui précède que la SARL Valbrilau Taxis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a écarté sa comptabilité comme étant dépourvue de caractère probant malgré sa régularité en la forme.

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge ".

6. L'administration a, dans un premier temps reconstitué le chiffre d'affaires de la SARL Valbrilau Taxis en s'appuyant sur la différence des chutes déclarées en fin de service et celles figurant en début de service au titre de la veille. Elle a finalement retenu, en suivant la société, une méthode s'appuyant sur la distance kilométrique parcourue par les véhicules, telle qu'elle figure sur les déclarations faites à la préfecture de police au titre du contrôle technique des véhicules, ainsi que sur les factures de contrôle, le kilométrage ainsi obtenu étant réduit, selon les données estimées par la société, de 15 km par jour travaillé et par chauffeur au titre de l'utilisation privative et d'un trajet au titre du déplacement depuis le domicile personnel, le chiffre d'affaires étant réduit pour tenir compte d'une circulation à vide estimée à 20 %. Cette méthode a abouti à un chiffre d'affaires taxable assez proche, quoique inférieur d'environ 20 %, au précédent issu de la méthode initiale. Certaines factures établies par la société G7, titulaire d'un contrat pour un véhicule, ont été admises en déduction. La société n'établit ni le caractère vicié ni l'exagération de l'évaluation administrative. Si elle a proposé une évaluation de la distance sur la base d'un kilométrage moyen déterminé à partir des déclarations des chauffeurs, elle n'établit pas que cette méthode serait plus exacte, compte tenu des anomalies constatées par ailleurs sur les fiches établies par ces mêmes chauffeurs. Pour le même motif, les recettes ne peuvent être reconstituées à partir des bulletins de salaire des chauffeurs, qui reposent sur 30 % des recettes déclarées à partir des fiches. Par ailleurs, la circonstance que la rémunération des chauffeurs serait déterminée à partir des kilométrages qu'ils ont renseignés ne permet pas d'induire que le chiffre d'affaires déterminé par l'administration serait exagéré, les minorations établies par l'administration ne pouvant être regardées comme des détournements de fonds commis par les chauffeurs susceptibles d'être déduits du bénéfice taxable de la société, faute pour celle-ci de justifier de contrôles effectués régulièrement pour valider les fiches de recettes des chauffeurs.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Valbrilau Taxis n'est pas fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande aux fins de décharge des impositions et rappels en litige, et des pénalités correspondantes. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement, et celles tendant à la décharge des impositions en litige doivent donc être rejetées, ainsi que celles tendant à l'attribution des frais de l'instance non compris dans les dépens

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SARL Valbrilau Taxis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Valbrilau Taxis et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 3 mars 2023.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

S. CARRERELa greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA04355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04355
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : AVOCATS DSOB

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-03;21pa04355 ?
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