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14/02/2023 | FRANCE | N°22PA02998

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 février 2023, 22PA02998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant 36 mois.

Par un jugement n° 2127652/1-3 du 23 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 30 juin 2022 et le 20 décembre 2022, M. B..., représentée par Me Sour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant 36 mois.

Par un jugement n° 2127652/1-3 du 23 mars 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2022 et le 20 décembre 2022, M. B..., représentée par Me Sourty, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2127652/1-3 du 23 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement combiné des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision de refus de titre est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une insuffisante motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence de menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de lui refuser un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale dès lors que l'obligation de quitter le territoire est illégale ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 21 septembre 1988, entré sur le territoire français en 2002 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien susvisé. Par un arrêté du 8 décembre 2021, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant 36 mois. M. B... fait appel du jugement du 23 mars 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) "

3. Il est constant que M. B... est entré en France en 2002, à l'âge de 14 ans, et qu'il y réside habituellement depuis, sous couvert d'un titre de séjour depuis 2019, qu'il y a été scolarisé et y a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle. Il n'est pas contesté qu'il vit chez son oncle à Paris, où réside son père, en situation régulière, et il est constant qu'il a également une sœur et son frère en France, et n'a que deux sœurs en Algérie, sa mère y étant décédée en mars 2002. Il ressort des pièces du dossier que M. B... travaille depuis janvier 2016, ayant exercé comme employé polyvalent puis, à compter de juillet 2020, comme agent de propreté. Pour lui refuser le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de police a relevé que M. B... a été condamné le 1er octobre 2020 par la cour d'assises de Paris pour des faits de viol à une peine d'emprisonnement de 5 ans avec sursis probatoire pendant trois ans, incluant une obligation d'exercer une activité professionnelle, d'établir sa résidence en un lieu déterminé, de se soumettre à des mesures de contrôle, de traitement ou de soins, et de réparer les dommages causés par l'infraction. Nonobstant la gravité des faits à l'origine de cette condamnation, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont été commis en février 2011, dix ans avant l'arrêté litigieux, et neuf ans après son entrée en France, que la cour d'assises n'a pas ordonné son incarcération, et il est constant que M. B... n'a pas commis d'autre acte pénalement répréhensible. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, à la date de l'arrêté litigieux, le comportement de M. B... ne pouvait être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public. Par suite, et alors en outre que la commission du titre de séjour, réunie le 30 septembre 2021, a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que celle de l'arrêté du 8 décembre 2019 du préfet de police.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre au requérant un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un tel titre dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sourty renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2127652/1-3 du 23 mars 2022 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 8 décembre 2021 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sourty la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus de conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de police et à Me Sourty.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

Le rapporteur,

A. C...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02998


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02998
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SOURTY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;22pa02998 ?
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