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14/02/2023 | FRANCE | N°22PA02363

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 février 2023, 22PA02363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2105463 du 31 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, M. B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2105463 du 31 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, M. B..., représenté par Me Céleste, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mars 2022 ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 10 mars 2021 ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- il est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas reçu l'ordonnance prononçant la clôture de l'instruction ni l'avis d'audience ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, fait à Paris le 17 mars 1988 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., ressortissant tunisien, né en 1993, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience / (...) ". Aux termes de l'article R. 711-2-1 de ce code : " Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application / (...) ". Aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".

3. L'absence de réception de l'avis d'audience ou le caractère erroné des mentions portées sur l'avis d'audience reçu n'est susceptible d'entraîner l'irrégularité de la procédure contentieuse que si ce défaut de réception de l'avis ou ses mentions erronées ont privé une partie des garanties que cet avis vise à mettre en œuvre. Un jugement qui mentionne que les parties ont été convoquées à l'audience doit être regardé, lorsque l'une des parties soutient que tel n'a pas été le cas en ce qui la concerne et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier du tribunal administratif qu'elle ait été convoquée dans les conditions prévues par les dispositions des articles R. 711-2 et R. 711-2-1 du code de justice administrative, ni qu'elle ait été présente ou représentée à l'audience, comme rendu à la suite d'une procédure irrégulière.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait été régulièrement convoqué à l'audience du 17 mars 2022 au cours de laquelle le Tribunal administratif de Montreuil a examiné sa demande ni qu'il ait été présent ou représenté lors de cette audience. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... est fondé à soutenir que son absence de convocation à l'audience a entaché d'irrégularité la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Montreuil et, par suite, à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité soulevé, l'annulation du jugement attaqué.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, Mme E..., cheffe du pôle " refus de séjour et interventions " et signataire de l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 octobre 2020, régulièrement publiée au bulletin d'informations administratives le 5 octobre 2020, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration, et de M. D..., chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, les actes contenus dans l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ainsi que, d'ailleurs, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne de manière précise et circonstanciée les conditions d'entrée et du séjour en France de M. B... ainsi que sa situation personnelle et familiale. L'autorité administrative n'est pas tenue de préciser tous les éléments de la situation d'un ressortissant étranger en l'absence d'obligation en ce sens et la motivation de l'arrêté attaqué s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Ainsi, la décision attaquée est motivée au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

9. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit sur la motivation comme des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. B.... Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français / (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans en tant que conjoint d'une ressortissante française, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur les motifs tirés de ce que, d'une part, le mariage de l'intéressé a été contracté en France le 9 septembre 2017 dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour et de ce que, d'autre part, la réalité de la vie commune entre les époux n'est pas établie. Le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur les résultats d'une enquête de police dont il ressort que M. B... a déclaré, à l'occasion de sa demande de visa de long séjour en tant que conjoint de Français, une adresse à Perpignan, chez une autre personne que son épouse, que la visite du domicile de l'intéressé situé à Saint-Denis n'a pas permis d'établir la présence d'effets personnels de son épouse attestant d'une vie commune et que cette dernière a réalisé un signalement par lequel elle a déclaré ne plus avoir de lien avec M. B... depuis leur mariage. Si M. B... indique que son épouse ne veut plus le voir depuis son retour en France le 27 septembre 2019, après être retourné en Tunisie afin d'obtenir un visa de long séjour, les attestations de proches et le document faisant apparaître que son épouse a effectué, entre août 2017 et août 2019, trois aller-retours de quelques jours entre la France et la Tunisie, ne sont pas suffisants pour établir l'existence d'une vie commune entre la célébration du mariage et le retour de M. B... en France. Dans ces circonstances, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision à l'égard du requérant s'il n'avait retenu que le motif tiré du défaut de vie commune entre les époux, le préfet a pu légalement refuser, pour ce seul motif, de délivrer un titre de séjour à M. B... sur le fondement des stipulations précitées de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par suite, les moyens tirés d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de ces stipulations, doivent être écartés.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si M. B... fait valoir qu'il vit en France depuis 2015 et qu'il y travaille régulièrement depuis novembre 2019, il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'il ne justifie pas d'une communauté de vie avec son épouse, et il est constant qu'il n'a pas d'enfant à charge sur le territoire français. Si M. B... établit que deux frères et une sœur résident régulièrement en France et que son père est décédé en 2004, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Ainsi, compte tenu de ce qui a été dit précédemment sur le mariage de M. B..., de la circonstance qu'il n'a pas d'enfant sur le territoire français, et de la durée et des conditions de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié " / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans / (...) ".

15. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait demandé au préfet de la Seine-Saint-Denis la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné d'office la situation de l'intéressé au regard de ces dispositions. D'autre part, si M. B... a obtenu un rendez-vous en préfecture afin de remettre, le 27 janvier 2021, un dossier de demande de titre de séjour au titre du travail, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait déposé un dossier complet avant l'intervention de l'arrêté attaqué, et il ne ressort pas des mentions de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a statué sur cette nouvelle demande. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celui tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, doivent, en tout état de cause, être écartés.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français attaquée, d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. B..., ainsi que celui tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 15.

17. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'obligation de quitter le territoire français vise un étranger faisant l'objet d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences posées par les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

18. L'arrêté attaqué vise notamment les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et précise les motifs pour lesquels M. B... ne peut se prévaloir d'un droit au séjour au regard des stipulations de l'article 10 de cet accord. Ainsi, l'ensemble des conditions précitées étant satisfaites, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français attaquée doit être écarté.

19. En dernier lieu, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

20. D'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

21. D'autre part, aux termes de l'article 252 du code civil : " Une tentative de conciliation est obligatoire avant l'instance judiciaire. Elle peut être renouvelée pendant l'instance ". Aux termes de l'article 252-1 de ce code : " Lorsque le juge cherche à concilier les époux, il doit s'entretenir personnellement avec chacun d'eux séparément avant de les réunir en sa présence / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les époux doivent être présents personnellement à la tentative de conciliation préalable à l'instance judiciaire de divorce. En vertu des dispositions du VII de l'article 109 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, les dispositions précitées du code civil ne sont plus en vigueur à compter du 1er septembre 2020 mais continuent de s'appliquer aux actions en divorce qui ont été engagées avant cette date.

22. M. B... soutient que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours le prive de la possibilité de se rendre à une audience de conciliation qui a été renvoyée au 1er juillet 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny. Toutefois, l'intéressé n'établit pas que l'action en divorce a été introduite avant le 1er septembre 2020. En tout état de cause, à supposer même que la convocation à cette audience soit relative à une tentative de conciliation, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été informé de la date de cette audience par un courrier du 24 mars 2021, soit après l'intervention de l'arrêté attaqué. Ainsi, M. B... ne peut reprocher au préfet de la Seine-Saint-Denis de ne pas lui avoir accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

23. En premier lieu, la décision attaquée par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis fixe le pays de destination énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde dès lors qu'elle vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle précise la nationalité tunisienne de M. B.... Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

24. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

25. En se bornant à alléguer qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, M. B... ne démontre pas en quoi il serait exposé, à titre personnel, à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Tunisie. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

26. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français / (...) / (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".

27. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit plus haut que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'une méconnaissance des stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur d'appréciation, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6, 11, 13 et 22.

28. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions citées au point 26 que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

29. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

30. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée, qui vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans au motif que l'intéressé ne justifie pas en France d'une situation personnelle et familiale à laquelle la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. B... et exposé de façon précise les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour, a suffisamment motivé cette décision au regard des exigences posées par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, la motivation de la décision attaquée s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

31. En dernier lieu, si M. B... fait valoir qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, ces circonstances n'impliquent pas, contrairement à ce que soutient l'intéressé, que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur de droit en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'il ne résulte pas des dispositions citées au point 26 qu'une telle mesure d'interdiction ne pourrait être prise que si l'étranger réunit les quatre critères qu'elles énumèrent. Par suite, les moyens tirés d'une erreur de droit et d'une méconnaissance des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

32. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

33. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par celui-ci.

Sur les frais liés au litige :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105463 du Tribunal administratif de Montreuil du 31 mars 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Segrétain, premier conseiller,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 février 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

C. JARDIN

La greffière,

L. CHANA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02363 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02363
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : CELESTE et JEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;22pa02363 ?
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