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14/02/2023 | FRANCE | N°21PA06064

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 février 2023, 21PA06064


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 3 novembre 2020 par laquelle le ministre de la culture et de l'environnement de la Polynésie française l'a placée en congé annuel du 30 mars au 9 avril 2020 et a procédé à la régularisation de son absence pendant la période de confinement général en Polynésie française du 23 mars au 15 mai 2020 en lui réclamant un volume de 85 heures et 48 minutes à r

attraper.

Par un jugement n° 2000687 du 5 octobre 2021, le Tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 3 novembre 2020 par laquelle le ministre de la culture et de l'environnement de la Polynésie française l'a placée en congé annuel du 30 mars au 9 avril 2020 et a procédé à la régularisation de son absence pendant la période de confinement général en Polynésie française du 23 mars au 15 mai 2020 en lui réclamant un volume de 85 heures et 48 minutes à rattraper.

Par un jugement n° 2000687 du 5 octobre 2021, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Usang, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2021 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la decision mentionnée ci-dessus du 3 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour dénaturation des faits et de ses écritures ;

- le principe d'intelligibilité de la loi est méconnu par la décision litigieuse du 3 novembre 2000 ;

- la circulaire n° 1851 PR du 23 mars 2020 avait un effet limité dans le temps ; ce n'est ainsi que la période du 23 mars au 6 avril 2020 qui doit être prise en compte pour l'application des articles LP 4 et LP 5 de la loi de pays n° 2020-36 ;

- la décision litigieuse est entachée de rétroactivité illégale ;

- elle est également illégale car elle ne tient pas compte des astreintes effectuées durant le confinement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2022, la Polynésie française, représentée par Me Jourdainne, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... sont infondés.

Par une ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 janvier 2023 à 12 heures.

Un mémoire a été déposé pour Mme A... le 12 janvier 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;

- la loi du pays n° 2020-36 du 12 octobre 2020 ;

- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ingénieure de la fonction publique de la Polynésie française, chargée d'études en matière de patrimoine culturel, est affectée à la direction de la culture et du patrimoine. En application de la loi de pays n° 2020-36 du 12 octobre 2020, la directrice de la culture et du patrimoine, relevant du ministère de la culture et de l'environnement, a informé la requérante, par une décision du 3 novembre 2020, de son placement en congé annuel du 30 mars au 9 avril 2020, et que la régularisation de son absence pendant la période de confinement général en Polynésie française, du 23 mars au 15 mai 2020, entraînait un rattrapage de 85 heures et 48 minutes. Mme A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier pour dénaturations des faits et de ses écritures, ces griefs, qui relèvent d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non du contrôle du juge d'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien fondé du jugement attaqué

3. Aux termes de l'article LP 1 de la loi du 12 octobre 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés et d'autorisations exceptionnelles d'absence applicables aux agents relevant du statut général de la fonction publique de la Polynésie française et des ministres du gouvernement de la Polynésie française : " Dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19, la présente loi du pays définit les mesures d'urgence destinées à régler la situation administrative des agents affectés dans les services ou les établissements publics à caractère administratif de la Polynésie française, les cabinets du gouvernement de la Polynésie française ou les autorités administratives indépendantes dans les cas suivants : 1°) lorsque des mesures de restriction des déplacements pouvant entraîner un confinement pour raisons sanitaires ont été imposées par les autorités compétentes ; 2°) lorsque des mesures d'isolement ou de quatorzaine ont été imposées aux agents par les autorités compétentes dans le cadre de l'ordre public sanitaire ".

4. Aux termes de l'article LP 4 de la loi du 12 octobre 2020 précitée : " Les agents qui ne participent pas aux plans de continuité d'activité mis en place pour assurer un service public minimum au sein des services et établissements publics à caractère administratif de la Polynésie française, les cabinets du gouvernement de la Polynésie française ou les autorités administratives indépendantes, et qui sont dans l'impossibilité d'exercer leurs fonctions en travail à distance, sont placés, pendant la période de confinement, en congés ou en autorisations exceptionnelles d'absence selon les modalités fixées ci-dessous. ". L'article LP 5 de cette loi dispose que : " Les agents visés à l'article 4 sont tenus de prendre, pendant la période de confinement, les congés acquis du 1er janvier 2020 jusqu'à la date de fin du confinement. / Au-delà de la période de congés imposée, les agents sont placés en autorisation exceptionnelle d'absence avec maintien du traitement pendant la durée du confinement. Ces autorisations exceptionnelles d'absence n'entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels. / Toutefois, les heures non travaillées pendant l'autorisation exceptionnelle d'absence visée à l'alinéa précédent font l'objet d'un rattrapage dès le lendemain du terme de la fin du confinement à domicile.".

5. En premier lieu, la circonstance que Mme A... n'ait pas pu obtenir de la part de la direction générale des ressources humaines de la direction de la culture et du patrimoine la communication des modalités de calcul des minutes à rattraper du fait de son confinement à domicile ne peut être regardée comme entraînant une méconnaissance du principe de l'intelligibilité de la loi, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la loi de pays du 12 octobre 2020 susvisée posant le principe de rattrapage des heures non travaillées pour les agents confinés et ne pouvant faire du télétravail et n'ayant pas nécessairement à prévoir les modalités de calcul de ce rattrapage.

6. En deuxième lieu, la décision en litige ayant été prise sur le fondement de la loi du pays n° 2020-36 du 12 octobre 2020 et de l'arrêté n° HC 214 CAB du 20 mars 2020 portant réglementation des déplacements et rassemblements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 en Polynésie française, Mme A... ne peut utilement se fonder sur la circulaire n° 1851 PR du 23 mars 2020 pour contester la décision litigieuse.

7. En troisième lieu, si la requérante semble contester le caractère rétroactif de la décision litigieuse cette dernière pouvait légalement avoir pour objet de régulariser sa situation administrative. Ce moyen doit donc être écarté.

8. En dernier lieu, il est constant qu'un plan de continuité d'activité en mode très dégradé a été déclenché au sein de la direction de la culture et du patrimoine auprès de laquelle Mme A... est affectée. Les fonctions de la requérante ne se prêtant pas au télétravail, celle-ci a été placée en autorisation exceptionnelle d'absence durant la période du 10 au 27 avril 2020 inclus ainsi que durant la journée du 29 avril 2020. La requérante s'était par ailleurs engagée à rester joignable au numéro qu'elle avait indiqué pendant les horaires habituels de travail et avait accepté de réaliser les activités et tâches pouvant être sollicitées par sa hiérarchie au cours de la période du 30 avril au 15 mai 2020 tel que cela est mentionné dans le document " modalités de travail à distance ", versé aux débats. Le tableau produit au dossier fait état d'un total de 85 heures et 48 minutes à rattraper. Alors que l'intéressée avait accepté, ainsi qu'il a été dit, d'être sollicitée par sa hiérarchie au cours de la période de confinement, la Polynésie française fait valoir, sans être sérieusement contredite, que Mme A... ne s'est jamais manifestée à l'issue de son congé pour maladie du 16 au 27 mars 2020 et que celle-ci n'a pas pu être joignable durant la période de confinement en litige. La Polynésie française fait en outre valoir que Mme A... n'a produit aucun travail qu'elle aurait réalisé à l'issue de cette période. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que, parce qu'elle a consulté sa messagerie électronique tous les jours et qu'elle pouvait être sollicitée en cas de besoin, elle se serait retrouvée en situation d'astreinte à domicile non prise en compte par la Polynésie française. Ce moyen doit donc également être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

10. Enfin dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la Polynésie française.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 février 2023.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06064
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SEP USANG CERAN-JERUSALEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;21pa06064 ?
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