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14/02/2023 | FRANCE | N°21PA04120

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 février 2023, 21PA04120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société F.G.I. a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1901645/1-3 du 26 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 21 juillet 2021, 6 janvier 2022 et 4 mars 202

2, la société F.G.I., représentée par Me Lagneaux et Me Colin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société F.G.I. a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1901645/1-3 du 26 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 21 juillet 2021, 6 janvier 2022 et 4 mars 2022, la société F.G.I., représentée par Me Lagneaux et Me Colin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ;

3°) d'ordonner à l'Etat de lui restituer l'imposition litigieuse et, le cas échéant, de le condamner à lui verser les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la compatibilité du troisième alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts avec les articles 49 et 63 à 66 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de cette cour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a transféré statutairement son siège social au Luxembourg à compter du 20 décembre 2012, date de son enregistrement et de son immatriculation dans cet Etat, qui est opposable aux autorités françaises ;

- le transfert de siège doit s'analyser comme un changement de nationalité ;

- dans le cas d'un transfert transfrontalier de siège, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne impose au juge français d'apprécier l'effectivité de changement de nationalité de la société au regard des règles de l'Etat membre d'accueil, et la date de radiation d'une société résultant de l'application du droit de l'Etat de départ ne peut constituer la date d'effectivité du transfert de siège ;

- sa radiation tardive du registre du commerce et des sociétés en France survenue le 3 avril 2013 ne peut lui être imputée dès lors qu'il appartient au seul greffier du tribunal de commerce, dans le ressort duquel était situé son ancien siège, d'y procéder ;

- le service n'établit pas qu'après le 20 décembre 2012, son ancien siège, situé 8 rue Lincoln à Paris, aurait continué d'être le siège réel ou celui de direction effective ou qu'elle aurait disposé à cette adresse d'un établissement stable en France ;

- la circonstance qu'elle loue pour ses filiales françaises des locaux situés 65 rue de Rivoli à Paris, ne peut constituer la preuve qu'elle dispose à cette adresse d'un siège de direction effective ou d'un établissement stable ;

- elle exerce une activité autonome au Luxembourg depuis le 20 décembre 2012, date du transfert de son siège, et n'exerce plus aucune activité en France depuis lors ;

- l'imposition immédiate des bénéfices et des plus-values latentes prévue par les dispositions du 2 de l'article 221 du code général des impôts et la faculté d'en différer le paiement sont contraires aux articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui garantissent la liberté d'établissement et elles ne sauraient dès lors fonder les rectifications en litige ;

- la majoration de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts n'est ni motivée ni justifiée ;

- le service a méconnu le paragraphe 240 de l'instruction administrative référencée BOI-CF-INF-30-20.

Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 12 octobre 2021 et le 1er février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ;

- l'arrêt C-371/10 du 29 novembre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-164/12 du 23 janvier 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société F.G.I., qui exerçait en France une activité de conseil et de gestion aux entreprises et aux particuliers sous la forme d'une société à responsabilité limitée, et qui est devenue sous la même forme la société F.G. Investissements à compter du transfert de son siège social au Luxembourg, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle le service, qui a fixé au 30 avril 2013 la date de clôture du dernier exercice imposable à l'impôt sur les sociétés en France, l'a assujettie, selon la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, à une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 221 du code général des impôts, à raison, d'une part, de l'imposition immédiate des bénéfices et, d'autre part, de l'imposition d'une plus-value latente. La société F.G.I. fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de cette imposition.

Sur le principe de l'imposition en France :

2. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 201 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi / (...) ". Aux termes du 2 de l'article 221 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 et applicable aux transferts réalisés à compter du 14 novembre 2012 en vertu du II de l'article 30 de cette loi : " En cas (...) de transfert du siège ou d'un établissement dans un Etat étranger autre qu'un Etat membre de l'Union européenne ou qu'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, l'impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l'article 201 / Il en est de même, sous réserve des dispositions de l'article 221 bis, lorsque les sociétés ou organismes mentionnés aux articles 206 à 208 quinquies, 239, 239 bis AA et 239 bis AB cessent totalement ou partiellement d'être soumis à l'impôt sur les sociétés au taux prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 / Lorsque le transfert du siège ou d'un établissement s'effectue dans un autre Etat membre de l'Union européenne (...) ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 précitée et qu'il s'accompagne du transfert d'éléments d'actifs, l'impôt sur les sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition est acquitté dans les deux mois suivant le transfert des actifs : / a) Soit pour la totalité de son montant / b) Soit, sur demande expresse de la société, pour le cinquième de son montant. Le solde est acquitté par fractions égales au plus tard à la date anniversaire du premier paiement au cours des quatre années suivantes. Le solde des fractions dues en application de la première phrase du présent b peut être versé à tout moment, en une seule fois, avant chaque date anniversaire du premier paiement / (...) ". Aux termes du I de l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte (...) des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 223-30 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les associés [d'une société à responsabilité limitée] ne peuvent, si ce n'est à l'unanimité, changer la nationalité de la société ". Aux termes de l'article L. 123-9 de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre [du commerce et des sociétés] / En outre, la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations, que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou les administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces / Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux faits ou actes sujets à mention ou à dépôt même s'ils ont fait l'objet d'une autre publicité légale. Ne peuvent toutefois s'en prévaloir les tiers et administrations qui avaient personnellement connaissance de ces faits et actes ". En vertu des dispositions combinées des articles R. 123-53 et R. 123-66 du même code, dans leur rédaction applicable au présent litige, toute personne morale immatriculée est tenue de demander l'inscription au registre du commerce et des sociétés de la modification de l'adresse de son siège social dans le mois suivant ce changement d'adresse. Enfin, aux termes de l'article R. 123-75 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) / La radiation de l'immatriculation principale des (...) personnes morales est demandée dans le mois de la cessation d'activité dans le ressort du tribunal / (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 221 du code général des impôts que si le transfert du siège social d'une entreprise dans un autre Etat membre de l'Union européenne s'accompagne du transfert d'éléments d'actifs, l'impôt sur les sociétés, calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition, est acquitté dans les deux mois suivant le transfert des actifs. Il ressort également de ces dispositions, éclairées par leurs travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, que si ce transfert n'emporte pas, par lui-même, la mise en œuvre de la procédure d'imposition immédiate des bénéfices réalisés de l'entreprise qui n'ont pas encore été imposés et l'obligation de déclaration de ses résultats à l'administration fiscale prévues à l'article 201 du code général des impôts, tel n'est pas le cas lorsque ce transfert a pour effet la cessation totale ou partielle de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France.

5. Il résulte de l'instruction que, par une délibération du 28 novembre 2012, l'assemblée générale extraordinaire de la société F.G.I., qui s'est tenue en France et dont le siège social était alors situé 10 rue Lincoln à Paris (8ème arrondissement), a décidé " de transférer [son] siège social (...) [au] Luxembourg (...) à compter du 20 décembre 2012, sous réserve de la tenue d'une assemblée générale confirmant ce transfert [selon] les règles du droit luxembourgeois ". Par une délibération du 20 décembre 2012, l'assemblée générale extraordinaire de la même société, qui s'est tenue au Luxembourg, a confirmé ce transfert sans dissolution de la société, a décidé " d'accepter [pour celle-ci] la nationalité luxembourgeoise ", de " [la] soumettre au droit luxembourgeois " et de " modifier [sa] dénomination sociale en celle de " F.G. Investissements ".

6. S'agissant de l'imposition de la plus-value latente sur les 124 parts de la société Photoweb que la société F.G. Investissements a cédées le 22 janvier 2014, en application des dispositions du troisième alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts, si le transfert des actifs immobilisés de la société F.G.I. peut être regardé comme étant intervenu entre le 20 décembre 2012, date du transfert du siège social, et le 31 décembre 2012, dès lors que le bilan de clôture de la société F.G. Investissements au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012, produit pour la première fois en appel, met en évidence l'inscription comptable des parts de la société Photoweb au titre des immobilisations financières de la société F.G. Investissements, l'administration fiscale établit en revanche que la société F.G.I. n'a déclaré au registre du commerce et des sociétés le transfert de son siège social au Luxembourg que le 18 mars 2013 et que sa radiation du registre a été publiée le 3 avril 2013. Si la société requérante établit que la société F.G. Investissements a été immatriculée au registre de commerce et des sociétés luxembourgeois le 4 janvier 2013, cette publicité légale n'est pas en tout état de cause, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, au nombre de celles opposables à l'administration fiscale qui n'a ainsi eu connu connaissance du transfert du siège social que le 3 avril 2013, la société F.G.I. s'étant par ailleurs abstenue de satisfaire à ses obligations déclaratives auprès du service. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a regardé le transfert comme ayant eu lieu le 3 avril 2013 et qu'il a, par suite, calculé l'impôt sur les sociétés dû à raison de la plus-value latente en litige, qu'il a évaluée au montant non contesté de 5 230 900 euros, au titre de l'année 2013.

7. S'agissant de l'imposition immédiate des bénéfices en application des dispositions du deuxième alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts, le service établit, grâce à des éléments recueillis dans le cadre d'une demande d'assistance administrative adressée aux autorités luxembourgeoises ainsi que de son droit de communication exercé auprès de la société Sagil qui louait à la société F.G.I. des locaux situés 65 rue de Rivoli à Paris (1er arrondissement), que l'état des lieux de sortie de ces locaux a été dressé le 11 avril 2013 et que la société requérante a continué de régler ses loyers à la société Sagil jusqu'au mois de mai 2013 à partir d'un compte bancaire détenu en France. En outre, le compte bancaire ouvert en France le 11 avril 2005 au nom de la société F.G.I. n'a été clôturé que le 13 octobre 2015 et a enregistré d'importants mouvements bancaires en 2013, notamment des virements à destination de la société F.G. Investissements au Luxembourg ainsi que des transferts de fonds à destination de filiales. Si la société requérante fait valoir qu'au cours de la période en litige, les locaux de la rue de Rivoli étaient occupés par sa filiale E-trading, il ressort de la refacturation des loyers de janvier 2013 et de février 2013 que cette filiale supportait seulement 16,8 % du loyer des bureaux, calculé au prorata de son taux d'occupation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a considéré que la société F.G.I. n'a cessé toute exploitation en France de son activité commerciale qu'en avril 2013 et qu'elle devait être soumise, par l'application combinée des dispositions des articles 201 et du deuxième alinéa du 2 de l'article 221 du code général des impôts, à la procédure d'imposition immédiate de ses bénéfices qui n'avaient pas encore été imposés en 2013.

8. En second lieu, aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre (...) ". Aux termes de l'article 54 de ce traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres. (...) ". Aux termes de l'article 63 du même traité : " 1. (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (...) sont interdites. (...) ".

9. Il résulte de la décision National Grid Indus BV (C-371/10) de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 novembre 2011 que si la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fait obstacle, eu égard au désavantage de trésorerie par rapport à une société similaire qui maintiendrait son siège et ses actifs sur place, à l'imposition immédiate des plus-values latentes en cas de transfert dans un autre Etat membre de l'Union européenne, elle ne s'oppose pas à la fixation définitive de cette imposition au moment du transfert de siège, mais seulement à son recouvrement immédiat. D'autre part, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, au point 64 de son arrêt du 23 janvier 2014 DMC Beteiligungsgesellschaft mbH (C-164/12) qu'en laissant le choix au contribuable entre un recouvrement de l'impôt relatif aux plus-values latentes immédiat ou échelonné sur cinq annuités, une réglementation fiscale ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l'objectif de la préservation de la répartition du pouvoir d'imposition entre les Etats membres.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les dispositions précitées du 2 de l'article 221 du code général des impôts qui, d'une part, prévoient que le montant de l'imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d'une société est fixé définitivement - sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d'être réalisées ultérieurement - au moment où ces actifs sont transférés, et, d'autre part, laissent au contribuable le choix entre un paiement immédiat et le recouvrement échelonné de l'impôt relatif à ces plus-values latentes sur cinq annuités, ne sont pas contraires aux stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par ailleurs, si la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne font obstacle, eu égard au désavantage de trésorerie par rapport à une société similaire qui maintiendrait son siège et ses actifs sur place, à l'imposition immédiate des plus-values latentes en cas de transfert dans un autre Etat membre de l'Union européenne, elles ne s'opposent pas à l'imposition immédiate des bénéfices dans l'Etat où ils ont été réalisés. Il en résulte que les dispositions précitées du 2. de l'article 221 du code général des impôts, en tant qu'elles permettent l'imposition immédiate des bénéfices d'exploitation dégagés depuis la date d'ouverture de l'exercice, ne contreviennent pas à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions précitées du 2 de l'article 221 du code général des impôts avec les stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être écarté.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la motivation des pénalités :

S'agissant de la loi fiscale :

11. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable / (...) ". Ces dispositions imposent à l'administration d'énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger une sanction fiscale.

12. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 19 décembre 2016 adressée par l'administration fiscale à la société F.G.I. mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts au titre de l'année 2013. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision d'infliger cette pénalité aurait été insuffisamment motivée.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

13. Sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, alors en vigueur, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales. Par suite, la société F.G.I. ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice du paragraphe 240 de l'instruction administrative référencée BOI-CF-INF-30-20 qui est relative à la procédure d'établissement des pénalités fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :

14. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai / (...) ".

15. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 7, la société F.G.I. était tenue de déclarer ses résultats au titre de l'exercice clos en 2013. Il résulte de l'instruction que, par un courrier recommandé reçu le 18 juillet 2016, la société requérante, qui n'a pas déclaré spontanément ses résultats au titre de l'exercice clos en 2013, a été mise en demeure de le faire dans un délai de trente jours et n'y a pas déféré. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a assorti la cotisation d'impôt sur les sociétés due au titre de l'année 2013 de la majoration de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société F.G.I. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant au remboursement des sommes acquittées, assorties du versement d'intérêts moratoires :

17. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...), les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) ".

18. Dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 16 que l'Etat n'est condamné à aucun dégrèvement de l'imposition en litige, les conclusions de la société F.G.I. tendant à l'application des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, qui sont au demeurant nouvelles en appel, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société F.G.I. demandent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société F.G.I. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société F.G.I. et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président,

- M. Segrétain, premier conseiller,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

C. JARDIN La greffière

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04120
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : CABINET GL CONSEILS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-14;21pa04120 ?
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