La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2023 | FRANCE | N°22PA02806

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 03 février 2023, 22PA02806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi qu'un signalement aux fins de non admission dans le systèm

e d'information Schengen pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 211543...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi qu'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2115437/5-3 du 18 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et procédant à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, puis a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2022 et le 9 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Deneuve, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2115437/5-3 du 18 mai 2022 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande ;

3°) d'annuler les décisions du 17 juin 2021 par lesquelles le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à défaut, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si la demande d'aide juridictionnelle est rejetée, à verser au requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article 5 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français manque de base légale à cause de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision fixant le pays de destination pour son éloignement est illégale car fondée sur une décision d'obligation de quitter le territoire français illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 20 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant guinéen né le 28 février 1991, est entré en France en 2013 selon ses déclarations. Il a sollicité un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 juin 2021, le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour son éloignement, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la même durée. Par un jugement du 18 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de police portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus.

Sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. C... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 20 juillet 2022, ses conclusions aux fins de se voir accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

4. Par les pièces qu'il produit, notamment des attestations d'une association ainsi que des avis d'imposition, M. C... établit qu'il réside sur le territoire français depuis au moins 2014. Par ces pièces il établit également vivre en concubinage dans un logement dont il est locataire avec une ressortissante guinéenne en situation régulière, et qui s'est vu accorder le statut de réfugié, depuis au moins le début de l'année 2020, et un enfant, qu'il a reconnu par anticipation le 14 septembre 2020, né de leur relation le 14 février 2021 à Paris. Par ailleurs, il est constant que ses parents, ses six frères et sœurs, dont trois sont de nationalité française et les autres nés en France, résident en France en situation régulière. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et, par suite, méconnait les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est par suite fondé à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement, qui en procèdent.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Compte tenu des motifs de l'annulation qu'il prononce, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit délivré à M. C... un titre de séjour " vie privée et familiale ". Il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à cette délivrance dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991

8. M. C... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Deneuve, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à se voir accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2115437/5-3 du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Paris et les décisions du 17 juin 2021 par lesquelles le préfet de police a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Deneuve, conseil de M. C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Emilie Deneuve, au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.

La rapporteure,

P. B...

Le président,

C. JARDIN

La greffière

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02806 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02806
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : DENEUVE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-03;22pa02806 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award