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03/02/2023 | FRANCE | N°22PA00271

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 03 février 2023, 22PA00271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 13 536 795 francs CFP en réparation des préjudices causés, d'une part, par l'illégalité de l'arrêté du 2 juillet 2019 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis fin par anticipation à ses fonctions au sein du centre hospitalier du Nord et l'a radiée des effectifs des praticiens hospitaliers de la Nouvelle-Calédonie afin qu'elle puisse être r

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 13 536 795 francs CFP en réparation des préjudices causés, d'une part, par l'illégalité de l'arrêté du 2 juillet 2019 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis fin par anticipation à ses fonctions au sein du centre hospitalier du Nord et l'a radiée des effectifs des praticiens hospitaliers de la Nouvelle-Calédonie afin qu'elle puisse être remise à la disposition de son administration d'origine, d'autre part, par les agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle a fait l'objet.

Par un jugement n° 2100318 du 25 novembre 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 janvier 2022 et le 26 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Charlier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100318 du 25 novembre 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 13 536 795 francs CFP ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle ne rencontrait pas de difficultés relationnelles avec ses collègues et que la sécurité des patients ne se trouvait pas compromise par sa manière de servir, la décision mettant fin de manière anticipée à ses fonctions n'aurait pas pu être légalement prise aux termes d'une procédure régulière et l'illégalité de la décision du 2 juillet 2019 engage la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie ;

- elle a été victime de la part de deux de ses collègues d'un harcèlement moral, qui constitue une faute engageant également la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie ;

- les frais de retour en métropole sont la conséquence des fautes commises et non de son choix.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 juin 2022 et le 20 octobre 2022, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la Sarl Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 139/CP du 26 mars 2004 ;

- la loi du pays n° 2014-9 du 18 février 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lecuyer, avocat de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., praticien hospitalier à temps plein, a été détachée à compter du mois de juillet 2018 dans le corps des praticiens des établissements hospitaliers de la Nouvelle-Calédonie pour exercer sa spécialité de médecin anesthésiste réanimateur au sein du centre hospitalier du Nord (CHN). Par un arrêté du 2 juillet 2019 le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis fin par anticipation à ses fonctions et l'a radiée des effectifs des praticiens hospitaliers de la Nouvelle-Calédonie afin qu'elle puisse être remise à la disposition de son administration d'origine. Cet arrêté ayant été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 13 février 2020, devenu définitif, Mme B... a demandé à ce même tribunal de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme totale de 13 536 795 francs CFP en réparation des préjudices causés, d'une part, par l'illégalité de l'arrêté du 2 juillet 2019 et, d'autre part, par les agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle estimait avoir fait l'objet au sein du CHN. Elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, elle ne saurait donner lieu à réparation s'il résulte de l'instruction que, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

3. Pour soutenir que la décision par laquelle le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis fin par anticipation à ses fonctions et l'a radiée des effectifs des praticiens hospitaliers de la Nouvelle-Calédonie, qui a été annulée au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'une procédure contradictoire, n'aurait pu être légalement prise dans le cas d'une procédure régulière, Mme B... soutient qu'elle ne rencontrait pas de difficultés relationnelles avec ses collègues, et que la sécurité des patients ne se trouvait pas compromise par sa manière de servir.

4. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport rendu le 31 janvier 2019 par un médecin inspecteur de la santé publique chargé par le directeur des affaires sanitaires et sociales de la Nouvelle-Calédonie d'une inspection relative à la situation de Mme B... au sein de son service, qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, par son comportement conflictuel, dès son arrivée dans l'établissement, avec ses confrères et collègues du service anesthésie-réanimation ainsi que par le non respect de certaines règles relatives à la prise en charge des patients lors des astreintes, Mme B... a porté atteinte au bon fonctionnement du service et, par suite, à la qualité et la continuité des soins au sein de l'établissement. Dans ces conditions, la décision de mettre fin à ses fonctions avant la fin de son détachement aurait pu être légalement prise dans l'intérêt du service sans erreur manifeste d'appréciation et, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie n'était pas engagée à raison des préjudices qu'elle aurait subis du fait de l'illégalité de la décision du 2 juillet 2019 mettant fin par anticipation à ses fonctions au sein du CHN et la remettant à disposition de son administration d'origine.

5. En second lieu, l'article 8 de la loi du pays du 18 février 2014 relative aux relations de travail et à l'interdiction du harcèlement moral et sexuel dans le secteur public dispose que : " Sont constitutifs de harcèlement moral et interdits les agissements répétés a` l'encontre d'une personne ayant pour objet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte a` ses droits et a` sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Pour soutenir qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de deux de ses confrères médecins anesthésistes réanimateurs, Mme B... fait valoir, comme en première instance, que ces médecins ont alerté par un courrier commun la direction du CHN sur ce qu'ils estimaient être des carences dans la réalisation par Mme B... de ses astreintes, que l'un d'eux, responsable du service, a indiqué dans un courrier électronique qui n'était pas adressé à Mme B..., son intention de ne pas confier à celle-ci, à l'avenir, d'autres responsabilités que la prise en charge médicale des patients, que son collègue a alerté oralement la direction du CHN sur ce qu'il estimait être une prise en charge défaillante d'un patient, que le conflit existait déjà entre elle et ces deux médecins dans une autre implantation du CHN et enfin qu'un cadre de santé a demandé aux infirmières de ne pas accéder aux demandes que pourraient leur adresser Mme B... dans le cadre du litige l'opposant au CHN. Toutefois, ni le fait d'alerter la direction de l'établissement, à deux reprises et dans des termes mesurés, sur ce qu'ils considéraient être des carences dans la prise en charge des patients, ni le fait d'avoir manifesté un manque de confiance persistant à l'égard de Mme B... à l'issue d'une réunion de conciliation organisée par la direction, au-delà des dissensions persistantes qu'ils révèlent, ne sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement à l'égard de Mme B..., dont les conditions de travail n'ont pas été dégradées. Par ailleurs l'instruction écrite aux infirmières dont fait état Mme B... n'émane pas des deux praticiens dont elle invoque le harcèlement. Enfin, en ce qui concerne la dégradation de l'état de santé psychologique de Mme B... dont font état deux certificats médicaux établis en décembre 2018, ceux-ci ne permettent pas de tenir pour établi que cette dégradation aurait pour cause des faits constitutifs d'un harcèlement plutôt que la dégradation générale du climat de travail dans le service. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme B... n'était pas fondée à soutenir que la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie serait engagée à raison de ces agissements ou d'un manquement à son devoir de protection.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme que la Nouvelle-Calédonie demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2003, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.

La rapporteure,

P. A...Le président,

C. JARDINLa greffière

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00271
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-03;22pa00271 ?
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