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25/01/2023 | FRANCE | N°21PA01032

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 25 janvier 2023, 21PA01032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, ainsi que de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Par un jugement n° 1925339/2-2 du 30 décembre 2020, le Tri

bunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de stat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, ainsi que de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Par un jugement n° 1925339/2-2 du 30 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de ses arrêts de travail, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2021, Mme A..., représentée par Me Antoine Labonnelie, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'AP-HP a refusé d'aviser le procureur de la République du délit de harcèlement moral dont elle était victime, lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, a refusé de mettre fin aux agissements constitutifs de harcèlement moral, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail et de l'indemniser de son préjudice ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'AP-HP d'aviser le procureur de la République du délit commis à son encontre, de l'admettre au bénéfice de la protection fonctionnelle et de mettre fin au harcèlement moral dont elle est victime ;

4°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice résultant du harcèlement moral ;

5°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le harcèlement moral est caractérisé ;

- le refus d'aviser le procureur de la République en méconnaissance de l'article 40 du code de procédure pénale est illégal ;

- le refus de l'admettre au bénéfice de la protection fonctionnelle est illégal dès lors que le harcèlement moral est établi ;

- le refus de mettre fin aux agissements de harcèlement moral méconnaît les articles 6 quinquies et 11 de la loi du 11 juillet 1983 ;

- son préjudice moral résultant des fautes commises doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros.

L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a été mise en demeure de produire en défense sur le fondement de l'article R. 612-6 du code de justice administrative par un courrier du 23 juin 2022.

Par ordonnance du 23 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,

- les observations de Me Lerat, représentant Mme A....

Une note en délibéré, enregistrée le 13 janvier 2023, a été présentée pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., infirmière titulaire depuis le 6 février 1991 ayant exercé ses fonctions à l'hôpital Necker-Enfants malades puis à l'hôpital Saint-Antoine, a été détachée le 24 août 2004 dans le corps des psychologues au service central de la médecine du travail avant d'être intégrée dans ce corps le 23 août 2007. Elle est depuis affectée au service central de santé du travail du département qualité de vie et santé au travail de la direction des ressources humaines de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en qualité de psychologue clinicien de la consultation de psychologie clinique pour le personnel de l'AP-HP.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision refusant l'imputabilité au service de congés maladie :

2. Ainsi que l'on jugé les premiers juges, il n'est pas contesté que, par une décision du 14 janvier 2020, le directeur de l'AP-HP a reconnu l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A.... Les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande d'imputation au service de ces congés étaient par suite sans objet avant même la saisine de la Cour.

Sur les autres conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, applicable à l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de restructuration du service central de santé au travail impliquant la suppression dans ce service des postes des deux psychologues et la création d'une cellule d'écoute, en cours depuis au moins l'année 2013, dont il n'est pas soutenu qu'elle n'aurait pas été envisagée dans l'intérêt du service, ne peut être regardé comme un agissement constitutif de harcèlement moral.

6. En second lieu, Mme A... se plaint d'une dégradation de ses conditions de travail à compter de la prise de poste en novembre 2017 du nouveau médecin coordonnateur adjoint du service central de santé au travail. Toutefois, les propos tenus par ce dernier les 12 décembre 2017 et 24 janvier 2018 ne peuvent être regardés comme des agressions verbales. Il ressort certes des pièces du dossier que Mme A... n'a pas été conviée à participer, au cours de l'année 2018, à un certain nombre de réunions susceptibles de relever de son champ d'activités tel que décrit dans sa fiche de poste, et qu'à l'occasion de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité des conditions de travail (CHSCT) local du siège, réuni de manière extraordinaire le 15 février 2019 à la suite de la déclaration d'une situation de danger grave et imminent, par des membres de ce comité, le médecin coordinateur du service central de santé au travail a indiqué que le service avait fonctionné dix-huit mois sans médecin coordinateur, et le directeur des ressources humaines a reconnu un certain nombre de dysfonctionnements dans l'organisation du service central. Par ailleurs, au cours de la réunion extraordinaire du 27 mars 2019, le CHSCT a estimé nécessaire de formaliser les réunions de service, en systématisant l'envoi d'une convocation et d'un ordre du jour, et d'inviter les psychologues à toutes les réunions des groupes de travail. Toutefois, l'activité de Mme A... au sein du service proprement dit, comme celle de sa collègue psychologue, a été sensiblement équivalente en 2017 et 2018, ainsi que cela ressort des bilans d'activité, qu'il s'agisse de sa participation aux réunions de service ou à celles relatives aux risques psycho-sociaux, dont il n'est pas établi qu'elle n'y aurait pas été conviée en 2018 dans les conditions habituellement pratiquées par le service. La volonté d'éviction alléguée, en lien avec la prise de poste en novembre 2017 d'un nouveau médecin coordonnateur adjoint du service n'est ainsi pas établie. S'agissant des demandes du chef du département relatives à la présentation par Mme A... de son activité dans le cadre d'un CHSCT, ou des informations qu'il a portées à sa connaissance sur la réforme envisagée, à supposer qu'elles aient été empruntes d'un manque d'empathie, et de ce fait ressenties comme une forme de violence par Mme A..., elles n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, la requérante ne conteste pas que la diminution de la prime exceptionnelle qui lui a été versée en janvier 2019 résultait de l'application des taux réglementaires. Enfin, si le syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme A... a été reconnu comme imputable au service, il ressort des certificats médicaux que sa pathologie résulte en grande partie de l'incertitude liée à la réforme en projet et au sentiment de déclassement ressenti par l'intéressée en raison du rôle qui serait susceptible de lui être dévolu dans la future cellule d'écoute, faits qui ne sont pas constitutifs de harcèlement moral.

7. Ainsi, les faits invoqués par Mme A..., considérés isolément ou dans leur ensemble, ne peuvent être regardés comme laissant présumer des agissements répétés, constitutifs de harcèlement moral de la part de son employeur. Il en résulte que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de l'AP-HP a rejeté ses demandes tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle à raison du harcèlement moral allégué, à ce que le procureur de la République soit informé de la commission d'un délit de harcèlement et à ce qu'il soit mis fin aux agissements de harcèlement moral dont elle s'estimait victime.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. En l'absence de fautes, la demande de condamnation de l'AP-HP à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ne peut être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur sa demande relative à l'annulation de la décision implicite de rejet de l'imputation au service de ses congés maladie, a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, ensemble ses conclusions à fin d'injonction et d'indemnisation, ainsi que celle présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé

E. B...

Le président,

Signé

I. BROTONSLe greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01032
Date de la décision : 25/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : LABONNELIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-25;21pa01032 ?
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