Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, ensemble l'arrêté du même jour par lequel le préfet a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et de procéder à la suppression de son signalement dans le système d'information Schengen, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2125731 du 10 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, M. A..., représenté par Me Vi Van, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et de procéder à la suppression de son signalement dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions des articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant un délai de départ volontaire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que
- s'agissant du moyen tiré par M. A... de l'erreur de fait entachant la décision lui refusant un délai de départ volontaire, il y a lieu de procéder à une neutralisation du motif de cette décision, tiré de l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, ou à une substitution de motifs, le comportement de l'intéressé constituant une menace pour l'ordre public ;
- l'erreur de fait entachant la décision portant interdiction de retour est sans incidence sur la légalité de cette décision ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 novembre 2022 à 12 heures.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 8 mars 2022, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant burkinabè, né le 2 mai 1996 et est entré en France, selon ses déclarations, le 1er mai 2016, a été interpellé le 29 novembre 2021, lors d'un contrôle d'identité, et placé en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... fait appel du jugement du 10 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Par suite, il entrait dans le cas où, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 précité, le préfet de police pouvait prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français.
4. En deuxième lieu, la décision attaquée vise, notamment, le 1° de l'article L. 611-1 précité et indique, en particulier, que l'intéressé, qui ne démontre pas être entré régulièrement sur le territoire français, " ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français ". Ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent, et est, par suite, suffisamment motivée.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., avant de prononcer à son encontre la mesure d'éloignement attaquée. En particulier, M. A... n'a pas fait valoir, lors de son audition par les services de police le 29 novembre 2021, son état de santé et sa gravité éventuelle ou qu'il entendait solliciter un titre de séjour pour raison de santé, mais s'est borné à indiquer qu'il était entré en France en 2016 pour " se soigner ". Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 611-2 de ce code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
7. D'une part, il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elles prévoient des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). En l'espèce, M. A... n'établit pas, ni même n'allègue sérieusement, avoir, notamment par la production d'éléments suffisamment circonstanciés lors de son audition par les services de police le 29 novembre 2021, informé le préfet de police de la nature et de la gravité de ses pathologies et qui, selon lui, auraient dû conduire cette autorité à solliciter l'avis du collège de médecins de l'OFII. En outre, aucune des pièces versées au dossier ne permet de considérer que le préfet disposait, à la date de la décision attaquée, d'éléments d'information suffisamment précis devant le conduire à saisir pour avis ce collège. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'absence d'un tel avis, la mesure d'éloignement litigieuse aurait été édictée au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.
8. D'autre part, M. A... fait valoir que, souffrant d'un " trouble de la personnalité compliqué d'une comorbidité toxicomaniaque ", il a été hospitalisé à deux reprises en psychiatrie et bénéficie actuellement d'un traitement comportant des neuroleptiques et des anxiolytiques et que l'arrêt de ce traitement pourrait l'exposer à une rechute. Toutefois, les documents d'ordre médical que le requérant produit, notamment un certificat médical, non daté, d'un médecin, directeur général de l'association de santé mentale du 13ème arrondissement de Paris, qui se borne à indiquer que M. A... " nécessite des soins réguliers au centre médico-psychologique Philippe Paumelle dans le cadre d'une affection de longue durée pour une pathologie chronique à risque de décompression en l'absence de soins ", un certificat médical établi le 5 mai 2021 par un médecin en addictologie, qui mentionne que l'intéressé fait l'objet d'un suivi régulier en addictologie, et deux certificats médicaux établis le 31 mai 2021 et le 2 décembre 2021 par un psychiatre du CMP Philippe Paumelle, faisant état d'un suivi régulier de M. A... depuis le mois de septembre 2000 pour " trouble de la personnalité compliqué d'une comorbidité toxicomaniaque ", de deux hospitalisations de l'intéressé, l'une " dans le cadre d'un sevrage alcoolique ", l'autre " dans le cadre d'un état délirant aigu favorisé par la prise de toxiques ", d'un traitement médicamenteux ainsi que d'un suivi ophtalmologique " dans le cadre d'une malformation congénitale de la cornée " nécessitant le port de lentilles adaptées, ne permettent pas de démontrer, compte tenu des termes dans lesquels ils sont rédigés et en l'absence d'éléments circonstanciés et objectifs sur la nature, l'étiologie, la gravité et l'évolution de la ou des pathologies de M. A..., confronté à une addiction à l'alcool et aux produits stupéfiants, qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, en tout état de cause, qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un suivi ou d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il en est de même du certificat médical établi le 9 juin 2021 par un médecin du service d'ophtalmologie de l'hôpital Cochin, qui mentionne un suivi " pour adaptation contactologique dans le cadre [d'un] kératocône bilatéral " et qui se borne à indiquer que l'intéressé " est à ce jour en cours d'adaptation et nécessite pour l'instant des contrôles réguliers pour aboutir à une adaptation satisfaisante ", du certificat médical établi le 2 décembre 2021 par un psychiatre du centre de soins, d'accompagnement, de prévention en addictologie (CSAPA)-La Terrasse à Paris, qui se limite à faire état d'un suivi et de soins réguliers " qui ne peuvent être interrompus ", et de l'attestation de suivi psychologique en date du 17 novembre 2022, mentionnant que l'intéressé " fait état d'une certaine souffrance psychique ". Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police aurait commis une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 611-3 (9°) précité.
9. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. A... se prévaut de son état de santé et fait valoir qu'il a quitté son pays d'origine en 2009 après le décès de son père, alors qu'il était très jeune, l'abandon dont il a fait l'objet par sa mère et les violences qu'il a subies de la part de son oncle qui l'avait pris en charge, qu'il réside en France depuis le mois de mai 2016, qu'il bénéficie d'un suivi médical en psychiatrie et en addictologie depuis le mois de septembre 2020 et a noué une relation de confiance avec le personnel soignant en charge de ce suivi et qu'il a développé des attaches amicales sur le territoire français, indispensables à son état psychique. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. A... n'établit pas que le défaut de la prise en charge médicale dont il bénéficie en France pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, en tout état de cause, qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un suivi ou d'un traitement approprié dans son pays d'origine. De plus, l'intéressé ne peut se prévaloir que d'un séjour en France, à la date de l'arrêté attaqué, d'une durée de cinq ans et demi. De surcroît, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a fait l'objet, le 14 novembre 2016, d'une décision de transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et qui a été ensuite déclaré en fuite en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, n'a jamais sollicité par la suite son admission au séjour. En outre, il ressort également des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que M. A... est connu défavorablement des services de police pour avoir été signalé, le 17 janvier 2018, pour des faits de rébellion, le 9 août 2018, pour des faits de violence aggravée par trois circonstances, suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours, de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique, suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours, et d'apologie directe et publique d'un acte de terrorisme, le 13 juillet 2019, pour des faits de violence aggravée par deux circonstances, suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours, et, le 12 janvier 2021, pour des faits d'offre ou cession non autorisée de stupéfiants. Par ailleurs, le requérant, célibataire et sans charge de famille et qui n'apporte aucun élément précis sur les liens de toute nature qu'il aurait noués en France, ni sur ses conditions d'existence sur le territoire, ne justifie pas davantage d'une insertion sociale et professionnelle stable et ancienne. Enfin, l'intéressé, qui ne fournit aucune précision, ni aucun élément de justification sur les risques qu'il encourrait dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, ne démontre pas qu'il serait dépourvu de toute attache privée et familiale dans ce pays d'origine, alors qu'au demeurant, il a produit en première instance des documents d'état civil établis au Burkina Faso les 28 et 29 avril 2021, ou qu'il serait dans l'impossibilité de s'y réinsérer. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de M. A..., la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquelles cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. A... un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
13. D'une part, la décision attaquée, qui mentionne les articles L. 612-2 et L. 612-3 précités, indique que M. A..., qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qui s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 10 août 2018 et qui ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut fournir de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, présente un risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et est, par suite, suffisamment motivée.
14. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., avant de lui refuser un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté.
15. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En outre, il ne justifie pas davantage être en possession d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité. Sur ce dernier point, si le requérant soutient qu'il justifie de " garanties solides " de représentation, il se borne à faire valoir qu'il a communiqué, lors de la retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français dont il a fait l'objet, les éléments permettant d'établir son identité et qu'il a une " adresse stable ", il ressort des pièces du dossier qu'il est actuellement pris en charge par un centre d'hébergement d'urgence à Paris et ne peut ainsi, eu égard au caractère provisoire et précaire d'un tel hébergement, être regardé comme justifiant d'une résidence stable et permanente au sens des dispositions du 8° de l'article L. 612-3 précité. Par ailleurs, si la décision attaquée indique à tort que M. A... s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 10 août 2018, le préfet de police n'étant pas en mesure, ainsi qu'il le reconnaît en défense, de justifier de la notification de cette mesure à l'intéressé, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls motifs tirés de l'irrégularité de son entrée et de son séjour en France et de l'absence de garanties de représentation suffisantes. Dans ces conditions, en estimant qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à cette mesure et, au vu de l'ensemble de ces éléments, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet de police n'a pas commis d'erreur dans son appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions du 1° et du 8° de l'article L. 612-3 précité.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. A... doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté.
17. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
18. D'une part, la décision prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, qui vise, notamment, l'article L. 612-6 précité, indique, notamment, que l'intéressé a allégué être entré en France le 1er mai 2016, qu'il ne peut se prévaloir de " liens suffisamment anciens, forts et caractérisés " avec ce pays, l'intéressé ayant déclaré être célibataire et sans enfant à charge, et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 10 août 2018 à laquelle il s'est soustraite. Ainsi, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et est, par suite, suffisamment motivée.
19. D'autre part, cette motivation révèle que la situation de M. A... a fait l'objet d'un examen particulier par le préfet de police, notamment au regard des critères énumérés à l'article L. 612-10 précité.
20. Enfin, si la décision attaquée indique à tort que M. A... s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 10 août 2018, le préfet de police n'étant pas en mesure, ainsi qu'il le reconnaît en défense, de justifier de la notification de cette mesure à l'intéressé, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de cette décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant seulement sur les autres motifs qu'il a retenus, en particulier le fait que M. A... est entré et a séjourné irrégulièrement sur le territoire français et n'établit pas l'ancienneté, l'intensité et la stabilité de liens personnels et familiaux en France. En outre, le requérant ne démontre, ni n'allègue d'ailleurs, aucune circonstance humanitaire de nature à faire obstacle au prononcé d'une interdiction de retour qui doit assortir en principe, en application des dispositions de l'article L. 612-6 précité, l'obligation faite à un ressortissant étranger de quitter le territoire français sans délai. A cet égard, alors qu'il n'établit pas que son état de santé justifierait son admission au séjour, le requérant se borne à faire état de la durée de son séjour en France et à faire valoir qu'il y a nécessairement développé des attaches personnelles et amicales et a " tissé une relation de confiance avec son psychiatre et son addictologue ", sans apporter cependant aucun élément précis et probant sur les liens de toute nature qu'il aurait noués en France. Par suite, en se fondant sur les conditions irrégulières de son entrée et de son séjour en France et sur l'absence de tout lien privé ou familial dans ce pays, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour pour une durée de douze mois.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- M. d'Haëm, président assesseur,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.
Le rapporteur,
R. d'HAËMLa présidente,
M. B...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01832 2