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23/11/2022 | FRANCE | N°21PA06327

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 novembre 2022, 21PA06327


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Deveze Guillerm a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018.

Par un jugement n° 2003879/2-1 du 12 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2021, la SARL Deveze Guillerm, représentée par Me David

Janiaud, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 du Tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Deveze Guillerm a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018.

Par un jugement n° 2003879/2-1 du 12 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2021, la SARL Deveze Guillerm, représentée par Me David Janiaud, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le délai de vérification sur place a excédé le délai de trois mois requis par les dispositions combinées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales et de l'article 302 septies A du code général des impôts ;

- l'administration a reconnu, par une prise de position opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que la vérification de comptabilité avait commencé le 27 novembre 2017 ;

- elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;

- le service s'est abstenu de lui restituer les pièces comptables originales fournies dans le cadre du contrôle ;

- elle a déjà réglé les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de motivation d'appel ;

- les moyens soulevés par la SARL Deveze Guilhem ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mai 2022 à 12 heures.

Un mémoire a été présenté par la SARL Deveze Guilhem le 3 mai 2022 à 17 h 44 après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Deveze Guillerm, qui exerce une activité de vente de vêtements, jeux, mobiliers pour enfants et de vêtements de maternité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er mars 2014 au 28 février 2018 et à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Par la présente requête, la société Deveze Guillerm relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des seuls rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités mis à sa charge au titre de la période du 1er mars 2016 au 28 février 2018.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre :

2. La requête d'appel de la société requérante, qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement les moyens invoqués à l'appui de ses conclusions de première instance, comporte une critique du jugement attaqué. Elle répond aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être écartée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ".

4. Lorsque l'administration est en mesure d'établir, par d'autres moyens que les constatations qu'elle a effectuées au cours de la vérification de la comptabilité d'un contribuable, que celui-ci était en situation de taxation d'office pour défaut de déclaration, les irrégularités qui ont pu entacher la vérification de comptabilité demeurent sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, alors même que l'administration, pour déterminer les bases d'imposition, a utilisé des éléments recueillis au cours de cette vérification. En l'espèce, il ressort des termes de la proposition de rectification du 13 mars 2019, et n'est pas contesté par la société Deveze Guillerm, que cette dernière a déposé tardivement ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée pour les périodes du 1er mars 2016 au 28 février 2017 et du 1er mars 2017 au 28 février 2018. Par suite, la société Deveze Guillerm, qui a régulièrement été soumise à une procédure de taxation d'office, ne peut utilement invoquer, pour contester les impositions en litige, les moyens tirés de ce que le délai de vérification sur place aurait excédé le délai requis de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, de ce qu'elle aurait été privée du droit à un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité et de ce que le service n'aurait pas respecté les règles relatives à l'emport de documents comptables en s'abstenant de lui restituer les pièces comptables originales avant l'envoi de la procédure de rectification. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit ainsi être écarté comme inopérant. A supposer que la société ait entendu se prévaloir de la méconnaissance des droits de la défense résultant de l'absence de restitution, avant la mise en recouvrement des impositions, des pièces comptables originales, il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que l'administration fiscale a tenté à plusieurs reprises, par courriel ou par courrier, tant avant l'envoi de la proposition de rectification qu'après cet envoi, de prendre contact avec la société requérante pour organiser les modalités de restitution des pièces comptables qui étaient en la possession du service. Il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante ait donné suite à ces tentatives. La méconnaissance, de la part de l'administration fiscale, des droits de la défense ne peut en conséquence être valablement invoquée, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de ce que le transporteur chargé de lui restituer les documents n'aurait pas pris les précautions suffisantes pour effectuer la livraison à une date et à une heure auxquelles elle aurait été en mesure d'en prendre réception.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Si un redevable a la faculté de réparer une omission ou une insuffisance de déclaration de ses opérations imposables, et ce, même en cours de vérification de sa comptabilité, c'est, toutefois, à la condition que la déclaration apparaisse explicitement comme rectificative, précise la période à laquelle elle se rapporte rétroactivement et soit accompagnée du paiement des droits dus.

6. Il est constant que les droits rappelés par la proposition de rectification en date du 13 mars 2019 avaient fait l'objet de déclarations rectificatives tardives les 12 novembre 2018 et 8 janvier 2019, accompagnées du paiement des droits. Le ministre ne conteste pas le caractère rectificatif de ces déclarations et le fait qu'elles identifiaient précisément les périodes concernées, les montants déclarés ayant au demeurant été repris dans la proposition de rectification pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Les montants de taxe sur la valeur ajoutée ainsi déclarés et payés, pour un montant total de 38 065 euros, ne pouvaient dès lors faire l'objet d'un rappel, sans que le ministre puisse utilement se prévaloir de ce que les paiements accompagnant ces déclarations n'ont pas été pris en compte par le comptable chargé du recouvrement de l'impôt. Contrairement à ce qui est également soutenu par le ministre, l'invocation par le contribuable de ce que les droits rappelés avaient déjà été déclarés et payés a trait au bien-fondé de l'imposition mise en recouvrement et ne relève pas d'une contestation propre au recouvrement de l'impôt.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. / (...) / IV - 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement ". En vertu de ces dispositions les intérêts sont dus sur les droits litigieux, dès lors qu'ils n'ont pas été acquittés dans le délai légal, à compter de la date à laquelle la situation du contribuable envers le Trésor est devenue débitrice, jusqu'au paiement effectif. En revanche, ils ne sont pas dus à compter de la date à laquelle ont été acquitté les droits.

8. Aux termes de l'article 1728 du même code : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ". Les rappels en cause ayant été payés tardivement, la société requérante n'est pas fondée à demander, par voie de conséquence de la décharge de ces rappels, la décharge de la majoration de 10 % mis à sa charge.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Deveze Guillerm est seulement fondée à obtenir la réduction du rappel litigieux à hauteur des sommes figurant dans les déclarations rectificatives, soit 38 065 euros, ainsi que des intérêts de retard en tant qu'ils ont été calculés sur la période postérieure au paiement de l'impôt. Pour le surplus, la SARL Deveze Guillerm n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La SARL Deveze Guillerm est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période courant du 1er mars 2016 au 28 février 2018 à hauteur de 38 065 euros, ainsi que des intérêts de retard correspondants en tant qu'ils ont été calculés sur la période postérieure au paiement effectif de l'impôt.

Article 2 : Le jugement n° 2003879/2-1 du 12 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Deveze Guillerm et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.

Le rapporteur,

F. A... Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

A. MOHAMAN YEROLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA06327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06327
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : JANIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-23;21pa06327 ?
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