Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 8 mars 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.
Par un jugement n° 2102799 du 24 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté contesté du 8 mars 2021 de la préfète du Val-de-Marne en tant qu'il fixait le pays de destination vers lequel M. B... serait renvoyé et a condamné l'Etat à verser au conseil de M. B... la somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 30 décembre 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 1er février 2022, la préfète du Val-de-Marne, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2021 en tant que par ses articles 2 et 3, il a d'une part, annulé son arrêté du 8 mars 2021 en ce qu'il fixait le pays de destination vers lequel M. B... serait renvoyé, et, d'autre part, condamné l'Etat à verser au conseil de ce dernier la somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... en ce qui concerne ses conclusions en annulation dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, M. B... qui n'a pas justifié qu'il serait personnellement exposé à la violence aveugle prévalant en Somalie, ne pouvait être regardé comme encourant des risques contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays ; au surplus la décision fixant le pays de destination prévoit une reconduite dans le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ; en tout état de cause l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande de réexamen en janvier 2021 ;
- la légalité de l'obligation de quitter le territoire ayant été confirmée par le tribunal administratif de Melun, M. B... ne pouvait soulever d'exception d'illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par une décision du 9 août 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant somalien, né en 1986, entré en France le 13 janvier 2019 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par une décision du 1er octobre 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a rejeté sa demande et par une décision du 30 novembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté son recours à l'encontre de cette décision. M. B... a demandé le réexamen de sa demande d'asile le 5 janvier 2021, cette demande ayant été rejetée comme irrecevable le 19 janvier 2021 par l'Ofpra. En conséquence du rejet de sa demande d'asile, par arrêté du 8 mars 2021, la préfète du Val-de-Marne a refusé l'admission au séjour au titre de l'asile à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. M. B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Melun. Par jugement du 24 novembre 2021, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé l'arrêté du 8 mars 2021, en tant seulement qu'il fixait le pays de renvoi et a condamné l'Etat à verser au conseil de M. B... la somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. La préfète du Val-de-Marne fait appel de ce jugement, en tant que par ses articles 2 et 3, il annule son arrêté du 8 mars 2021 en ce qu'il fixe le pays de destination et qu'il condamne l'Etat au titre des frais de l'instance.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
3. Il est constant que l'arrêté en litige dispose que M. B... pourrait être reconduit d'office dans son pays d'origine ou dans un pays dans lequel il prouverait être légalement admissible. Pour annuler l'arrêté en litige comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le premier juge a considéré que, s'agissant de la région de Mogadiscio, dont il n'était pas contesté que M. B... était originaire, en raison des attaques répétées contre des civils et de la crise politique à la suite des élections présidentielles du 7 février 2021, la CNDA avait conclu, dans des dossiers similaires à celui de l'intéressé, que la situation se caractérisait par une situation de violence aveugle d'intensité exceptionnelle, qui pouvait lui faire craindre d'être exposé à des persécutions contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est prévalu avant tout de ce qu'il était né à Afgoye dans la région du Bas-Shabelle, ainsi, que de ce qu'il devait traverser la région de Mogadiscio. En outre, il n'a pas précisé quelle était la région dans laquelle il avait fixé le centre de ses intérêts et où il retournerait vivre en cas de retour en Somalie. Les arrêts de la CNDA, sur lesquels le premier juge s'est appuyé, sont rendus, pour accorder la protection subsidiaire au demandeur, sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, qui dispose que : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : (...) / c) S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. ". Il ressort des pièces du dossier qu'au vu de rapports intéressants la situation dans ce pays entre 2020 et 2021, soit la situation actualisée à la date de l'arrêté en cause du 8 mars 2021, la CNDA a, au contraire, jugé, que s'agissant de la région du Bas-Shabelle, si la situation sécuritaire prévalant comptait parmi les plus préoccupantes de Somalie, et devait toujours être regardée comme une situation de violence aveugle résultant d'un conflit armé interne au sens des dispositions du 3° de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne s'était pas dégradée de façon significative au cours de l'année 2021, son intensité n'atteignant pas un niveau tel que toute personne serait exposée, du seul fait de sa présence sur le territoire concerné, à une atteinte grave au sens de cet article, et que par conséquent il appartenait au demandeur de démontrer qu'il était affecté spécifiquement par ces risques de violence en raison d'éléments relatifs à sa situation personnelle. De même, s'agissant de la région de Mogadiscio, la CNDA a jugé, que si la situation sécuritaire prévalant devait toujours être qualifiée de situation de violence aveugle, son intensité n'était toutefois pas telle qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui serait amené à y séjourner ou y transiter courrait, du seul fait de sa présence dans cette région, un risque réel de menace grave contre sa vie ou sa personne, au sens des dispositions du 3° de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... s'étant borné en première instance à soutenir qu'il encourrait des risques pour sa vie ou de traitements inhumains ou dégradants, en raison de l'état de violence généralisée en Somalie, sans faire état de risques personnels, alors que sa demande d'asile a été rejetée par la CNDA, et dans les conditions ainsi analysées par la CNDA, ces seules allégations ne suffisent pas à établir qu'il encourrait des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. La préfète du Val-de-Marne est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a jugé que l'arrêté du 8 mars 2021 contesté, en ce qu'il fixait le pays de renvoi, méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Melun. M. B... n'ayant pas soulevé d'autres moyens propres à la décision du 8 mars 2021 en ce qu'elle fixe le pays de renvoi, ses conclusions tendant à son annulation doivent être rejetées. La préfète du Val-de-Marne est donc également fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a condamné l'État à verser à Me Pigot, conseil de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 24 novembre 2021 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 8 mars 2021 de la préfète du Val-de-Marne pris à l'encontre de M. B..., en ce qu'il fixait le pays de renvoi, et en tant qu'il a condamné l'Etat à verser au conseil de ce dernier, Me Céline Pigot, la somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... B..., et à Me Céline Pigot.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06701