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17/11/2022 | FRANCE | N°21PA05666

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 21PA05666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 4 septembre 2021 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois.

Par un jugement nos 2108174, 2108294 du 24 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 4 septembre 2021 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois.

Par un jugement nos 2108174, 2108294 du 24 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement nos 2108174, 2108294 du 24 septembre 2021 du tribunal administratif de Melun ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 4 septembre 2021 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, et fixant le pays de destination et la décision du même jour prononçant une interdiction de retour ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- sa demande d'asile aurait dû être enregistrée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine, en raison de son état de santé, du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant du refus de délai de départ volontaire :

- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2022, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Berdugo, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en décembre 1989, est entrée en France, selon ses déclarations, en avril 2021. Par un arrêté du 4 septembre 2021, à la suite de son interpellation le jour même, alors qu'elle était dépourvue de passeport et ne pouvait justifier d'une entrée régulière en France, le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, et a fixé le pays de destination. Par un autre arrêté du 4 septembre 2021, il a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois. Mme A... fait appel du jugement du 24 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. (...) ".

3. Mme A..., déjà représentée par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris et n'a pas joint à son appel une telle demande. La situation d'urgence, au sens de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, n'étant pas en l'espèce caractérisée, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité de l'arrêté contesté portant obligation de quitter sans délai le territoire français, et fixant le pays de destination :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

5. La décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et énonce que Mme A... ne peut justifier être entrée régulièrement sur le territoire français. Cette décision décrit en outre le parcours individuel et administratif de la requérante, notamment la circonstance qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que des éléments d'ordre personnel, mentionnant que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle déclare vivre en concubinage sans enfant. Enfin, elle indique que Mme A... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, si elle a déclaré avoir des problèmes avec sa famille en Côte d'Ivoire, Mme A... aurait fait état de craintes de ce fait en cas de retour dans son pays. La décision, alors même qu'elle a été rédigée à l'aide d'un formulaire, mentionne ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est dès lors suffisamment motivée, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de Mme A....

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable (...) ". Aux termes de l'article R. 521-4 du même code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, il est orienté vers l'autorité compétente. (...) / Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile et dispensent pour cela la formation adéquate à leurs personnels. ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes du procès-verbal d'audition par les services de police du 4 septembre 2021, qu'en se bornant à faire état de problèmes avec sa famille en Côte d'Ivoire, Mme A... aurait manifesté le souhait de présenter une demande d'asile en France. Par suite, le moyen tiré de ce que sa demande d'asile aurait dû être enregistrée par les services de police lors de son interpellation, doit être écarté. En tout état de cause, il ressort de la notification de ses droits en rétention, qui lui a été faite le 4 septembre 2021, que la faculté de déposer une demande d'asile lors de son arrivée au centre de rétention lui a été indiquée, et qu'elle a déposé une telle demande le 10 septembre 2021.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ", et aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".

9. Si Mme A... soutient que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) aurait dû être saisi pour avis sur son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition du 4 septembre 2021 que celle-ci ait informé les services de police de quelconques problèmes de santé. Si elle soutient qu'elle a vécu des violences familiales dans son pays d'origine comme elle l'a déclaré à une psychologue clinicienne qui l'a reçue, selon certificat en date du 16 juillet 2021 produit au dossier, rien ne démontre au dossier qu'elle ait invoqué cette circonstance devant les services de police, et en tout état de cause, il ne ressort pas de ce certificat que son état de santé psychique ait été de nature à faire obstacle à une mesure d'éloignement. Enfin, s'il ressort des pièces que Mme A... a versées au dossier, que son état de grossesse a été connu dès le 5 septembre suivant son interpellation, cette dernière ayant été alors adressée au service de gynécologie-obstétrique du grand hôpital de l'Est francilien, il ne ressort pas de la prescription émise par ce service, ni du signalement de son état par la CIMADE, que sa grossesse, au demeurant prise en compte par les services de police et la préfecture, présentait des risques particuliers nécessitant de saisir l'autorité médicale pour avis. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent, que Mme A... n'était pas susceptible d'entrer dans la catégorie des étrangers protégés contre une mesure d'éloignement au sens des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le préfet de police n'a donc pas méconnu celles-ci.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Mme A... fait valoir qu'elle a établi sa vie privée et familiale en France où réside son compagnon, de même nationalité, dont elle est enceinte et qu'elle a participé à des actions de bénévolat au sein du centre d'hébergement d'urgence qui l'accueille. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante était présente en France depuis moins de six mois à la date de la décision contestée et qu'elle ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française, vivant au contraire, ainsi que son compagnon, également en situation irrégulière, dans des conditions particulièrement précaires. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches en Côte d'Ivoire où elle a vécu la quasi-totalité de sa vie. Dans ces conditions, et alors que rien au dossier ne démontre que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Côte d'Ivoire, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

13. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

14. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique, en ce qu'il refuse à Mme A... un délai pour quitter volontairement la France, que celle-ci ne justifie pas être entrée régulièrement sur le territoire français, ni n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et qu'elle ne présente pas de garanties de représentation suffisante, dans la mesure où elle ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, où elle a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, et où elle ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Enfin, cet arrêté mentionne qu'aucune circonstance de nature à remettre en cause la réalité du risque de fuite ne ressort des allégations de l'intéressée. La décision refusant un délai de départ volontaire comporte ainsi les motifs de droit et de fait qui la fondent et il n'en ressort pas que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de Mme A....

15. En second lieu, compte tenu de l'ensemble des motifs exposés au point précédent, et notamment, comme en attestent les pièces au dossier, de la circonstance que Mme A... vit dans la rue ou en centre d'hébergement d'urgence, et alors même qu'elle ne trouble pas l'ordre public et ne s'est pas soustraite à une précédente mesure d'éloignement, le préfet de police a pu légalement considérer qu'il existait un risque qu'elle se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, en se bornant à faire valoir son état de grossesse, la requérante n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

16. Il résulte des termes du jugement attaqué, ainsi que le soutient Mme A..., que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette omission à statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant a entaché d'irrégularité, dans cette mesure, le jugement du tribunal administratif de Melun.

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Melun en ce qui concerne cette décision.

S'agissant de la légalité de cette décision :

18. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ", et aux termes de ces dernières stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

19. Mme A... soutient que sa première fille a été exposée à des mutilations génitales en Côte d'Ivoire et qu'elle-même et son enfant à naître seraient persécutés en cas de retour dans ce pays. Toutefois, la requérante, qui se borne à faire référence à des études et des articles généraux sur la pratique de l'excision en Côte d'Ivoire, n'établit pas qu'elle serait personnellement et directement exposée à des traitements inhumains en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 4 septembre 2021 du préfet de police fixant le pays de renvoi.

Sur la légalité de l'arrêté contesté portant interdiction de retour sur le territoire français :

21. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

22. Il ressort de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

23. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise notamment les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris en compte, au vu de la situation de Mme A..., les critères prévus par les dispositions précitées, pour fixer la durée de l'interdiction de retour en relevant que l'intéressée alléguait être entrée en France en avril 2021, et ne pouvait se prévaloir de liens suffisamment anciens et caractérisés avec la France alors qu'elle déclarait être en concubinage et sans enfant. Il mentionne encore que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, et a ainsi entendu implicitement écarter l'existence de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à une interdiction de retour. Ainsi, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, est suffisamment motivée et il n'en ressort pas que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de Mme A....

24. En deuxième lieu, le préfet de police a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de Mme A... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prononcée à son encontre. Contrairement à ce que soutient Mme A..., elle ne justifie pas de circonstances humanitaires de nature à y faire obstacle. Le préfet de police a pu sans commettre d'erreur d'appréciation décider de prononcer une interdiction de retour d'une durée d'un an eu égard à son entrée récente en France et à l'absence de liens suffisamment forts et caractérisés, compte tenu de ce qu'à la date de cette décision, elle était sans enfant à charge en France.

25. En dernier lieu, compte tenu des motifs exposés au point 12 ci-dessus, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'interdiction de retour sur la situation personnelle de Mme A..., ne pourront qu'être écartés.

26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions contestées. En conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 2108174, 2108294 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il statue sur la légalité de la décision fixant le pays de destination.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination est rejetée.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05666 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05666
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-17;21pa05666 ?
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