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17/11/2022 | FRANCE | N°21PA05539

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 21PA05539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2014300 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2014300 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Milich, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2014300 du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 12 novembre 2020 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de dix jours à compter de cette notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

- ils sont entachés d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée au regard des quatre critères du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est donc entachée d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais, né en juillet 1965, est entré en France en février 2009 selon ses déclarations. Le 19 décembre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 12 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement du 16 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. (...) ".

3. M. A..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris et n'a pas joint à son appel une telle demande. La situation d'urgence, au sens de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, n'étant pas en l'espèce caractérisée, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A..., au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ".

5. La décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour que comporte l'arrêté contesté, vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle expose les raisons pour lesquelles il est considéré que M. A... ne remplit pas les conditions pour prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment qu'il ne peut pas se prévaloir d'une longue présence habituelle et continue sur le territoire national, qu'il ne justifie pas d'une forte insertion dans la société française, ni de conditions d'existence pérennes et ne justifie pas d'une insertion professionnelle. Elle expose également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. En application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de cet article L. 511-1, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de titre de séjour. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de M. A....

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. A... fait valoir qu'il était présent de manière ininterrompue sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée et qu'il y a développé de nombreux liens personnels. Toutefois, le requérant ne produit aucune pièce au dossier établissant l'ancienneté de son séjour en France ou les liens dont il se prévaut. Il n'est pas contesté, au contraire, que l'intéressé possède de fortes attaches dans son pays d'origine où résident ses parents ainsi que ses deux enfants et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. Enfin, il ne justifie d'aucune intégration sociale et professionnelle en France en se bornant à produire une promesse d'embauche de décembre 2019 pour un emploi de vendeur. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes des dispositions alors applicables du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. En premier lieu, M. A..., bénéficie d'un délai de départ volontaire de trente jours et pouvait donc faire l'objet, en vertu des dispositions précitées, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. La décision contestée vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait mention des faits qui la justifient, notamment la circonstance que M. A... s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement en 2010 et 2018. Elle indique également que l'examen d'ensemble de la situation de l'intéressé a été effectué, s'agissant de la durée de l'interdiction de retour, au regard du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et il ressort de ses deuxième et troisième considérants qu'elle s'est prononcée sur la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, ainsi que sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, en retenant que la durée de séjour ne pouvait être regardée comme longue et que les liens personnels en France de M. A... n'étaient pas établis. Enfin la décision mentionne que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la durée de l'interdiction de deux ans ne porte pas une atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision en litige au regard des quatre critères déterminés par les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté, de même que celui tiré de l'erreur de droit.

10. En second lieu, eu égard aux éléments exposés au point précédent ainsi qu'au point 7, et bien qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur d'appréciation en assortissant sa mesure d'éloignement d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans sur le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diemert, président assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05539 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05539
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : MILICH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-17;21pa05539 ?
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