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10/11/2022 | FRANCE | N°21PA01466

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 10 novembre 2022, 21PA01466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception du 22 juin 2018 mettant à sa charge la somme de 19 713,85 euros, ainsi que la décision du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en date du 12 février 2019, ramenant ladite somme à 8 500 euros, ainsi que la décharge de l'obligation de payer correspondante.

Par jugement n° 1907188 du 11 février 2021 le tribunal administratif de Paris a annulé le titre de perception du 22 juin 2018 et la décision ramena

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception du 22 juin 2018 mettant à sa charge la somme de 19 713,85 euros, ainsi que la décision du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en date du 12 février 2019, ramenant ladite somme à 8 500 euros, ainsi que la décharge de l'obligation de payer correspondante.

Par jugement n° 1907188 du 11 février 2021 le tribunal administratif de Paris a annulé le titre de perception du 22 juin 2018 et la décision ramenant la dette à 8 500 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2021, Mme C..., représentée par la SELAFA cabinet Cassel, avocats, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1907188 du tribunal administratif de Paris en date du 11 février 2021 en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge de l'obligation de payer la créance litigieuse ;

2°) d'annuler le titre de perception du 22 juin 2018 mettant à sa charge la somme de 19 713,85 euros et la décision du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ramenant le montant de la dette à la somme de 8 500 euros, ainsi que la décision implicite née du silence gardé contre son recours formé le 10 août 2018, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer correspondante ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- le titre de perception du 22 juin 2018 est entaché d'erreur de droit et, à tout le moins d'erreur de fait ;

- l'Etat a commis des fautes dans le service de sa rémunération au titre de ses fonctions à l'Alliance française en Chine.

Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2021, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris fait valoir qu'il n'est pas compétent pour représenter l'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 13 janvier 2022, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt de la requérante, le jugement ayant annulé le titre de perception en litige, et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger ;

- le décret n° 82-665 du 22 juillet 1982 relatif à la protection sociale des agents

non-titulaires de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif ou à caractère culturel et scientifique, de nationalité française, en service à l'étranger ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été détachée du 1er septembre 2012 au 31 août 2016 sur l'emploi de l'Alliance française à Dalian en Chine, sur le fondement d'un contrat conclu avec le ministère des affaires étrangères. A la suite de son placement en congés maladie ordinaire puis en congés de grave maladie jusqu'à la fin de son contrat, à raison d'une maladie survenue durant son séjour en Chine, elle a fait l'objet d'un rappel de rémunération en mars 2017 pour la somme nette de 34 046,54 euros. Elle fait l'objet le 22 juin 2018 d'un titre de perception à raison d'un trop-versé de 19 713,85 euros, correspondant à la différence entre le trop-versé mentionné et des sommes dues par l'administration. Elle a formé un recours contre ce titre le 10 août 2018. Elle a saisi le tribunal administratif de Paris, par requête enregistrée le 11 avril 2019, d'une demande tendant à l'annulation de ce titre et à la décharge de la somme correspondante, ramenée à la somme de 8 500 euros par remise gracieuse du 12 février 2019 en réponse au recours mentionné. Elle doit être regardée comme demandant à la Cour de réformer le jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le titre exécutoire et la décision du 12 février 2019 mentionnés pour des motifs de légalité externe et a rejeté les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.

3. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.

4. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Mme C... est recevable à demander l'annulation du jugement du 11 février 2021, en tant que celui-ci, en son article 3, a, eu égard aux motifs retenus au point 6 du jugement, nécessairement rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Il ressort des énonciations du point 3 du présent arrêt que les premiers juges, qui ont retenu, pour l'annuler, le moyen tiré du vice de forme ayant entaché le titre de perception en litige, n'étaient pas tenus, compte tenu du principe de l'économie de moyen, de statuer expressément sur le moyen tiré du défaut de bien-fondé de l'obligation de payer. Mme C... n'est ainsi pas fondée à se plaindre qu'en indiquant que les moyens tendant à la décharge ne sont pas fondés, les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur décision.

6. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des décisions attaquées. Mme C... ne peut donc utilement soutenir que le Tribunal a entaché sa décision d'erreur de fait ou, d'erreur de droit et n'a pas reconnu la responsabilité de l'Etat.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. D'une part, il ressort des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 7 du décret du 22 juillet 1982 visé ci-dessus que l'indemnité de résidence à laquelle pouvait prétendre Mme C... à raison de sa période de congé de grave maladie était celle à laquelle pouvait prétendre un agent affecté en service en France. En outre, à raison de sa situation d'agent non titulaire, elle ne pouvait bénéficier de l'indemnité dégressive instituée par le décret du 20 mai 2014 visé ci-dessus.

8. D'autre part, le titre de perception du 22 juin 2018, d'un montant de 19 713,85 euros, a été déterminé à partir de la différence entre les sommes versées au titre du mois de mars 2017, incluant l'indemnité de résidence à l'étranger, ainsi que la prime dégressive dues au titre du premier semestre de l'année 2016, et les sommes auxquelles la requérante pouvait légalement prétendre. Il résulte de l'instruction et notamment du bulletin de paye de mars 2017 que si ce titre a retenu une rémunération nette de 34 046,54 euros incluant le versement de l'indemnité de résidence au taux pratiqué en Chine, ainsi qu'un reliquat de prime dégressive, cette rémunération a été calculée après déduction des charges patronales ayant grevé la rémunération. Ainsi, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ne peut soutenir que le trop-versé en litige inclurait des charges sociales pouvant faire l'objet d'une reprise entre les mains de l'agent. Or, il est constant que la somme effectivement perçue par Mme C... au titre du mois de mars 2017 s'établit à 25 046,25 euros, soit seulement 9 000,29 euros de moins que le trop-perçu, devant conduire à réduire d'autant la somme due par la requérante en définitive, ainsi que cette dernière est fondée à le soutenir. Par suite, l'administration ne justifiant pas du bien-fondé de la créance dont elle se prévaut, Mme C... est fondée à demander à la Cour de prononcer la décharge de la somme objet du titre de perception en litige.

9. En dernier lieu, aucune carence fautive à raison d'un recouvrement tardif de la créance de l'Etat n'étant établie, ce recouvrement étant intervenu dans le délai de deux ans, prévu à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 visée ci-dessus, de la naissance de la créance, intervenue à l'occasion du paiement du salaire du mois de mars 2017, le moyen soulevé par Mme C..., tiré des divers préjudices résultant de cette faute, ne peut qu'être écarté. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à demander la réformation du jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer qui résulte du titre exécutoire du 22 juin 2018.

D E C I D E :

Article 1er : Mme C... est déchargée de l'obligation de payer qui résulte de l'état exécutoire du 22 juin 2018 du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 février 2021 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01466
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-10;21pa01466 ?
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