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09/11/2022 | FRANCE | N°22PA02811

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 09 novembre 2022, 22PA02811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités espagnoles et d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile.

Par un jugement n° 2210484/8 du 31 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a, après avoir admis Mme C... au titre de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté conte

sté, a enjoint au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités espagnoles et d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile.

Par un jugement n° 2210484/8 du 31 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a, après avoir admis Mme C... au titre de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé l'arrêté contesté, a enjoint au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à l'avocat de Mme C... en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2210484/8 du 31 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- contrairement à ce qui a été jugé, l'arrêté attaqué ne méconnait pas l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Pafundi demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-il n'y plus lieu de statuer sur la requête dès lors le préfet de police lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale et que sa demande d'asile est pendante devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

- les moyens de la requête du préfet de police ne sont pas fondés ;

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 8 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne, née le 1er juillet 1989, est entrée irrégulièrement en France le 2 janvier 2022, et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressée avait présenté une demande d'asile auprès des autorités espagnoles, le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de Mme C... en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités espagnoles ont acceptée le 31 janvier 2022. Le préfet de police a décidé du transfert de Mme C... aux autorités espagnoles par un premier arrêté du 24 février 2022, lequel a été annulé par un jugement du 13 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris. En exécution de l'injonction prononcée par ce jugement, un second arrêté a été adopté par le préfet de police le 26 avril 2022 décidant du transfert de Mme C... aux autorités espagnoles. Cet arrêté a également annulé par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 mai 2022. Le préfet de police relève appel de ce second jugement.

Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Mme C... ayant été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 8 août 2022, les conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont dépourvues d'objet.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :

3. S'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a délivré à Mme C... une attestation de demande d'asile en procédure normale le 7 juin 2022 et que sa demande de protection internationale a été enregistrée par les services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ces mesures sont intervenues en exécution du jugement du 31 mai 2022 et n'excèdent pas ce qui était nécessaire à cette exécution. Dans ces conditions, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par Mme C... doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

4. Aux termes aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Dans son arrêt C-578/16 PPU du 16 février 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a interprété le paragraphe 1 de cet article à la lumière de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " dans le sens que, lorsque le transfert d'un demandeur d'asile présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens de cet article. La Cour en a déduit que les autorités de l'Etat membre concerné, y compris ses juridictions, doivent vérifier auprès de l'Etat membre responsable que les soins indispensables seront disponibles à l'arrivée et que le transfert n'entraînera pas, par lui-même, de risque réel d'une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, précisant que, le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'Etat membre requérant pourrait choisir d'examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

5. Pour annuler l'arrêté contesté, le Tribunal administratif de Paris a estimé que le préfet de police, pour prendre l'arrêté attaqué, avait méconnu les dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est porteuse du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et souffre de stress post-traumatique à la suite des violences subies durant son parcours migratoire et dans son pays d'origine. Toutefois les documents médicaux produits, et notamment le certificat médical du 1er avril 2022, attestent que son affectation au VIH a été diagnostiquée début 2020 au Maroc et qu'un traitement antirétroviral a été mis en place dès le début de l'année 2020, qu'elle ne soutient pas avoir interrompu lors de son passage en Espagne. Ainsi, les éléments produits qui établissent que la requérante a été diagnostiquée une nouvelle fois en France et qu'elle souffre de douleur, ne suffisent pas à établir que le transfert en Espagne de Mme C... est susceptible d'entraîner pour l'intéressée un risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de transfert aux autorités espagnoles, Mme C... ne bénéficierait pas des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qu'elle encourrait, notamment en raison de son état de santé, un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Par suite, les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'ont pas été méconnues. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 mars 2022.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens soulevés par Mme C... :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-00263 du 18 mars 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet de police a donné à M. D... attaché de l'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

9. L'arrêté attaqué par lequel le préfet de police a décidé le transfert de Mme C... aux autorités espagnoles, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il indique qu' " il ressort de la comparaison des empreintes digitales de Mme C... B... au moyen du système Eurodac, effectuée conformément au règlement n° 603/2013 (...), que l'intéressé a franchi irrégulièrement les frontières espagnoles le 29 novembre 2021 et a sollicité l'asile auprès des autorités belges le 29 décembre 2021", que les autorités belges avaient refusé de la reprendre en charge au motif que les autorités espagnoles étaient responsables du traitement de sa demande d'asile, puis que " en application de l'article 13 du règlement n° 604/2013, les autorités espagnoles doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de Mme C... B... " et qu'enfin, ces autorités, après avoir été saisies, " ont fait connaître leur accord le 21 janvier 2022 en application de l'article 13-1 du règlement ". Par ailleurs, le préfet de police a précisé que " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de Mme C... B... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ". Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement [...]. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 [...] ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est vue remettre, contre signature, la brochure dite " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ") et la brochure dite " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' "). Il n'est pas établi que ces documents, rédigés en langue française, et remis à Mme C... le 19 avril 2022, ne comportaient pas l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors qu'il est indiqué, au-dessus de la signature apposée par la requérante sur chacun des documents, le nombre de pages qu'ils comportaient. Si Mme C... fait valoir que les brochures devaient être remises dans une langue qu'elle comprend, les documents remis étaient rédigés en français et ont été traduits à l'oral en malinké, langue que l'intéressée a déclaré comprendre. En outre, Mme C... a signé le résumé de l'entretien individuel, et a déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

13. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de cet entretien versé au dossier de première instance par le préfet de police, que Mme C... a bénéficié d'un entretien individuel le 19 avril 2022 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue maninké, langue que l'intéressée a déclaré comprendre et qu'elle a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. L'intéressée ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Si le résumé de l'entretien individuel, dont l'intéressée a eu connaissance comme l'atteste l'apposition de sa signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de Mme C... a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par ailleurs, il ne résulte ni des dispositions du règlement (UE) du 26 juin 2013, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que l'agent chargé de mener l'entretien individuel en vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, devrait bénéficier d'une délégation de signature du préfet de police. En outre, aucune disposition n'impose de mentionner dans ce résumé la durée de l'entretien, la possibilité de procéder à une relecture dudit résumé ou la possibilité pour le conseil de l'intéressée d'en solliciter la communication. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

14. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit au point 13 du présent arrêt, qu'un entretien individuel a été accordé à Mme C..., à l'occasion duquel l'intéressée a pu faire part de sa situation personnelle et de ses conditions d'entrée. Mme C..., qui a signé le procès-verbal de son audition sur lequel a été apposée la mention " Observations : l'administrée n'a pas d'autre déclaration ", n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'elle aurait été empêchée de présenter des observations écrites ou aurait été privée d'une procédure contradictoire ou du droit d'être entendu. En outre, Mme C... a adressé un courrier à la préfecture le 22 février 2022 par lequel elle a présenté des observations et a demandé l'application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance des dispositions citées par Mme C..., qui d'ailleurs figurent à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et non à l'article L. 211-5 de ce code ainsi qu'elle le soutient, doit dès lors en tout état de cause être écarté.

15. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient Mme C..., la preuve de la demande de reprise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités espagnoles ainsi que celle de la réponse de ces autorités est rapportée par le préfet de police, qui a produit en première instance la copie d'un courrier électronique daté du 21 janvier 2022 accusant réception d'une demande formulée au moyen de l'application " Dublinet ", ainsi que la réponse explicite des autorités espagnoles à cette demande, datée du 31 janvier 2022. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

16. En septième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant dès lors qu'il ne concerne pas la légalité de l'arrêté en litige, les seules conditions de notification de l'arrêté préfectoral portant remise aux autorités allemandes étant sans influence sur sa régularité.

17. En huitième lieu, compte tenu de ce qui a été exposé au point 5, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. En neuvième lieu, les dispositions de l'article 32 du règlement (UE) n° 604/2013 portent sur l'échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert. De telles dispositions, qui concernent l'exécution de la mesure, sont sans incidence sur la légalité de la décision de transfert. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que le préfet de police n'aurait pas communiqué aux autorités espagnoles les informations relatives à son état de santé. Si toutefois l'état de santé de Mme C... devait nécessiter des soins urgents au sens des articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 604/2013, il appartiendrait au préfet, s'il venait à être destinataire d'informations pertinentes sur l'évolution de son état de santé d'en informer, le cas échéant, les autorités espagnoles au moment de l'exécution de la décision de transfert, voire d'en tirer les conséquences sur le moment et les modalités d'exécution du transfert.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 avril 2022 et lui a enjoint de délivrer à Mme C... une attestation de demande d'asile en procédure normale. Les conclusions de la demande présentée par cette dernière devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles cette juridiction a fait droit et les conclusions de Mme C... présentées devant la Cour doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : Les articles 2 à 4 du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 2210484/8 du 31 mai 2022 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme C... devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles il a été fait droit en première instance et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2022.

La rapporteure,

E. A...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02811 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02811
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : ANGLADE et PAFUNDI A.A.R.P.I

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-09;22pa02811 ?
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