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09/11/2022 | FRANCE | N°21PA06388

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 09 novembre 2022, 21PA06388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 août 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2111915 du 18 novembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

enregistrée le 17 décembre 2021, M. D..., représenté par Me Taj, demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 août 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2111915 du 18 novembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2021, M. D..., représenté par Me Taj, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2111915 du 18 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 août 2021 de la préfète du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val de Marne de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut, de réexaminer sa situation, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'auteur de l'arrêté attaqué est incompétent ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée et entachée de défaut d'examen de sa situation individuelle ;

- elle méconnaît les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- l'interdiction de retour est entachée d'erreur de droit, d'erreur d'appréciation et est disproportionnée et elle méconnaît les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme JURIN a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tunisien, né le 11 février 1996 est entré irrégulièrement en France en 2017, selon ses déclarations. Il a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 août 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai à destination de la Tunisie et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Il relève appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Par un arrêté n° 2021/661 du 1er mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du même jour, la préfète du Val-de-Marne a donné à Mme C... B..., sous-préfète, délégation à effet de signer, dans le cadre de ses permanences, tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Alors que l'arrêté a été signé le dimanche 29 août 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à cette date, Mme B... n'était pas chargée par la préfète du Val-de-Marne d'assurer la permanence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 10 juillet 2021 doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment les dispositions et stipulations applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée. Cette motivation révèle, par ailleurs, qu'il a été procédé à un examen de la situation personnelle de M. D....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

5. M. D... fait valoir qu'il est en France depuis 2017, qu'il est marié avec une ressortissante française depuis le 5 décembre 2020 et qu'il a un contrat de travail à durée indéterminée. Toutefois les éléments produits par le requérant ne permettent pas d'établir sa présence en France avant le début de l'année 2020. En outre s'il soutient ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine il n'apporte aucun élément pour établir la réalité de ses allégations. Ainsi eu égard au caractère récent de son mariage et de son séjour sur le territoire, la préfète du Val-de-Marne n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a pris l'arrêté attaqué. Par conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons la préfète n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. L'obligation de quitter le territoire n'étant pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, entachée d'excès de pouvoir, le moyen par lequel il est excipé de son illégalité, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

8. Au titre du refus d'accorder un délai de départ volontaire à M. D..., la décision attaquée de la préfète du Val-de-Marne, après avoir mentionné les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se fonde sur les circonstances, que M. D... a soutenu lors de l'audition faisant suite à son interpellation qu'il se maintiendrait en France s'il fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Dès lors le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ou d'examen de sa situation personnelle, doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour d'une durée de deux ans :

9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

10. Ainsi qu'il a été jugé ci-dessous, M. D... est marié depuis le 5 décembre 2020 avec une ressortissante française. Dans ces conditions, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, qui a pour effet de séparer M. D... et son épouse pendant cette période, le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 août 2021 en tant qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. L'annulation prononcée par le présent arrêt de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'implique pas le réexamen de la situation de M. D....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2111915 du 18 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Val-de-Marne du 29 août 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Article 2 : L'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 29 août 2021 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministère de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06388 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06388
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-11-09;21pa06388 ?
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