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21/10/2022 | FRANCE | N°21PA06617

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 octobre 2022, 21PA06617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen.

Par un jugement n° 2121328 du 17 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :


Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Kwemo, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen.

Par un jugement n° 2121328 du 17 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Kwemo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2121328 du 17 novembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration à défaut de comporter une mention lisible du prénom et de la qualité de son signataire ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux et particulier de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de fait en ce que le préfet de police a considéré à tort qu'il ne disposait pas d'un document de voyage ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations des articles 2 et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par une ordonnance du 21 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2022, à 12 heures.

Un mémoire en défense a été produit par le préfet de police le 12 septembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 septembre 2021, le préfet de police a obligé M. A..., ressortissant philippin né le 1er janvier 1978, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci [...] ". Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté comporte de manière lisible le prénom, le nom et la signature de son auteur, Mme C.... Si la mention de la qualité de la signataire de l'arrêté contesté est en partie masquée par la signature qu'elle a apposée, cette circonstance est sans incidence dès lors que son auteur et sa qualité pouvaient être en l'espèce identifiés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée [...] ".

4. L'arrêté contesté, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 611-1, relève que M. A... " ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français " et qu'il " est dépourvu de document de voyage (passeport) et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ". Il précise également que, " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ". Enfin, il indique " que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ". Ainsi, l'arrêté attaqué, qui mentionne les textes dont il fait application ainsi que la situation personnelle de M. A... sur laquelle il se fonde, est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté contesté, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité [...] ".

7. Le préfet de police, pour obliger M. A... à quitter le territoire français, a relevé qu'il " ne peut justifier d'un titre de séjour pour se maintenir sur le territoire français " et qu'il " est dépourvu de document de voyage (passeport) et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ". S'il est vrai que M. A... dispose en réalité d'un passeport philippin, délivré le 11 janvier 2018, et valable jusqu'au 10 janvier 2028, il ne justifie pas de la régularité de son entrée en France, où il s'est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, ces deux circonstances justifiant à elles seules l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, en application du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu le motif tiré de l'absence de document de voyage. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... se prévaut de son entrée en France en 2019 et de la présence en France de son épouse, qui exerce une activité professionnelle, ainsi que de leur fille, scolarisée en classe de seconde au titre de l'année 2021-2022. Toutefois, M. A..., entré récemment en France, en 2019, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 41 ans. Par ailleurs, il est constant que son épouse est également en situation irrégulière sur le territoire français. Enfin, si M. A... soutient qu'il travaille en qualité d'employé de maison et se prévaut d'un courrier de soutien signé par ses employeurs, louant son implication et son efficacité, il ressort des termes mêmes de ce courrier que cette activité est exercée à temps partiel, à raison de deux demi-journées par semaine seulement. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

10. Enfin, aux termes de l'article 2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " [...] 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille ". Aux termes de l'article 3-1 de la même convention : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

11. Si M. A... soutient que l'arrêté contesté porterait atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant en la privant, si elle retournait aux Philippines à ses côtés, de la présence sa mère, cette dernière se trouve, ainsi qu'il a été dit précédemment, également en situation irrégulière sur le territoire français. Ainsi, M. A... n'établit pas qu'une reconstitution de la cellule familiale ne serait pas envisageable en cas d'exécution de la mesure d'éloignement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'enfant de M. A..., née aux Philippines, est scolarisée depuis peu en France, de sorte qu'elle pourrait poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine. Ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. A... et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas davantage méconnu, en tout état de cause, les stipulations de l'article 2 de la même convention.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 21 octobre 2022.

Le rapporteur,

K. B...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA0661702

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06617
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : KWEMO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-21;21pa06617 ?
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