Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 2011728/1-2 du 22 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 juillet 2021, 9 novembre 2021 et 14 janvier 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Bertrand Lacombe, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2011728/1-2 du 22 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils renoncent aux moyens tirés de l'irrégularité des avis d'imposition supplémentaires ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'un désinvestissement de la société KF BAT ;
- l'administration n'établit pas l'appréhension des revenus qu'elle estime distribués ;
- les prélèvements sociaux, les intérêts de retard et les pénalités doivent être dégrevés par voie de conséquence.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 octobre 2021 et 7 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société KF BAT, qui exerçait dans le domaine du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au terme de laquelle une proposition de rectification du 28 mai 2018 relative à l'exercice 2015 lui a été notifiée, suivant la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Tirant les conséquences de ce contrôle, l'administration a notifié au foyer fiscal de M. C..., gérant de droit de la société jusqu'au 2 mai 2015 et regardé comme maître de l'affaire sur l'ensemble de l'année 2015, une proposition de rectification du 1er juin 2018. A l'issue de la procédure, M. et
Mme C... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2015, assorties des intérêts de retard et de majorations. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 de ce code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II au même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire. Il est en conséquence présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
3. Il résulte de l'instruction que, la société KF BAT n'ayant produit aucun document comptable en s'opposant à la vérification de comptabilité, ni déposé ses déclarations de résultats malgré une mise en demeure, l'administration a exercé son droit de communication auprès de la banque dans laquelle cette société disposait d'un compte bancaire, et a évalué son chiffre d'affaires en retenant les encaissements constatés sur ce compte, pour un montant de 290 965 euros hors taxes. Malgré l'absence de justificatifs de charges, l'administration, pour tenir compte de la réalité économique, a retenu un montant de charges correspondant à 70 % des recettes omises, soit 203 675 euros. Elle a ainsi évalué le bénéfice de l'exercice 2015 à un montant de 87 290 euros, qu'elle a regardé comme un revenu distribué à M. C..., sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
4. En premier lieu, M. et Mme C..., qui n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations selon lesquelles la comptabilité de la société KF BAT, qui n'a pas été présentée, n'était pas totalement dépourvue de valeur probante, ne contestent pas que le montant des encaissements constatés sur le compte bancaire de la société constituait des recettes. En revanche, ils font valoir que l'administration n'a pas retenu les charges d'exploitation dont les montants figuraient au débit du compte mais a substitué un pourcentage forfaitaire de 70 % sans se référer à des éléments de comparaison tirés d'autres entreprises du même secteur d'activité et alors que, selon des études statistiques de l'INSEE et d'un syndicat professionnel, le taux de marge nette commerciale moyen pondéré réalisé par les entreprises de maçonnerie générale et de gros œuvre se situe à 0,5 %. Toutefois, outre que l'administration, en l'absence de charges justifiées, pouvait régulièrement retenir un pourcentage forfaitaire, M. et Mme C..., en se bornant à se référer à des moyennes statistiques qui ne reflètent pas l'activité propre de la société KF BAT, n'apportent aucun élément pertinent à l'appui de leurs allégations selon lesquelles le pourcentage de charges retenu par l'administration serait, en l'espèce, insuffisant, et aboutirait à un bénéfice reconstitué irréaliste, le taux statistique de marge nette commerciale sur les achats revendus, pas plus que le taux de marge global statistique, ne permettant pas d'apprécier le rapport effectif entre les recettes et les charges de la société KF BAT. Dans ces conditions, l'administration justifie du bien-fondé du montant du bénéfice de la société KF BAT et de l'existence d'un désinvestissement, dès lors qu'il est constant que le bénéfice reconstitué n'a pas été mis en réserve ou incorporé au capital. Par suite, elle apporte la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués en litige.
5. A cet égard, M. et Mme C... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative figurant au BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 18 octobre 2013, relative aux conditions générales de déduction des frais et charges, qui ne donne pas d'interprétation différente de la loi fiscale. Par ailleurs, dès lors que le montant du bénéfice a été régulièrement déterminé, ils ne sont pas plus fondés à invoquer un " principe d'équité ".
6. En deuxième lieu, il est constant que M. C... a cédé les parts qu'il détenait dans la société KF BAT pour moitié avec un autre associé, qui a également cédé ses parts, le 2 mai 2015 et qu'un nouveau gérant de droit, qui a acquis l'intégralité des parts, a été désigné à compter de cette date. Si le requérant n'était ainsi plus associé ni gérant à la clôture de l'exercice 2015, il est toutefois tout aussi constant que M. C..., qui n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles son associé jusqu'au 2 mai 2015 aurait participé au contrôle de la société, disposait seul de la signature sociale de la société KF BAT et d'une procuration sur le compte bancaire de cette société au cours de l'ensemble de l'année 2015, le carton de signature obtenu par l'administration dans l'exercice de son droit de communication ne mentionnant au demeurant que M. C..., qui ne conteste d'ailleurs pas avoir procédé à la clôture du compte le 14 décembre 2015 et ne peut dès lors sérieusement soutenir qu'il n'aurait pas fait usage de la procuration dont il disposait. En outre, les requérants n'apportent aucun élément permettant de présumer que le nouveau gérant et associé unique, qui ne disposait pas de la signature bancaire associée au compte de la société, a fait l'objet d'un placement sous curatelle en 2016, et a déposé des plaintes pour usurpation d'identité, aurait assuré la gestion effective de la société ou aurait contrôlé ses fonds sociaux, ce qui ne résulte pas de l'instruction. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que M. C... était le seul maître de l'affaire sur l'ensemble de l'année 2015 et, par suite, établit l'appréhension, par l'intéressé, des revenus réputés distribués, la circonstance alléguée selon laquelle il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence.
7. En troisième lieu, compte tenu de ce qui précède, M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander la décharge, par voie de conséquence, des prélèvements sociaux, des intérêts de retard et de la majoration de 10 % mise à leur charge.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président-assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.
Le président-rapporteur,
I. B...L'assesseur le plus ancien,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04209 2