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21/10/2022 | FRANCE | N°21PA03004

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 octobre 2022, 21PA03004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, pour un montant total de 181 891 euros.

Par un jugement n° 1904099/1-2 du 6 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 juin 2021 et 7 février 2

022, M. C..., représenté par Mes Frédéric Bertacchi et Emilie Dufour, demande à la Cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, pour un montant total de 181 891 euros.

Par un jugement n° 1904099/1-2 du 6 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 juin 2021 et 7 février 2022, M. C..., représenté par Mes Frédéric Bertacchi et Emilie Dufour, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal ;

3°) de saisir, conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suivantes :

- un Etat membre fait-il une correcte application des dispositions de l'article 132, 1, c) de la directive 2006/112/CE et des principes communautaires, en subordonnant strictement l'exonération des prestations de soins à leur remboursement par la sécurité sociale '

- lorsque les actes ne font pas l'objet d'un remboursement par la sécurité sociale, comment les juridictions nationales doivent-elles analyser l'existence d'une finalité thérapeutique '

- les actes de chirurgie esthétique réalisés par les personnes morales de droit public et en concurrence avec le secteur privé peuvent-ils bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée '

- un acte soumis à la taxe sur la valeur ajoutée dans un Etat membre peut-il bénéficier d'une exonération de cette taxe dans un autre Etat membre '

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation de la portée du litige en rejetant sa demande alors qu'il reconnaît la finalité thérapeutique des actes litigieux, seule remise en cause par l'administration fiscale ;

- l'interprétation des dispositions de la directive 2006/112/CE, transposées au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, faite par le tribunal, conduit à exclure de l'exonération les interventions chirurgicales réalisées au profit de patients souffrant de troubles psychologiques liées à l'appréhension de leur corps, privant ainsi de portée la directive et la modification apportée à la doctrine (BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10-20200617, paragraphe 43) et conduisant à une distorsion de concurrence entre les établissements publics et privés en France, ainsi qu'entre les Etats membres ;

- le tribunal a renversé la charge de la preuve en exigeant qu'il justifie de l'intérêt thérapeutique de chaque acte et produise des éléments complémentaires, alors que la nature des actes n'était pas contestée ;

- la charge de la preuve incombe à l'administration en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- l'arrêt C-91/12 (Skatteverket c. PFC Clinic AB) du 21 mars 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui exerce, à titre libéral, l'activité de chirurgie réparatrice et esthétique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale l'a assujetti, selon la procédure de taxation d'office, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant total, en droits et pénalités, de 181 891 euros, au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014. M. C... relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

2. D'une part, le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, pris pour la transposition des dispositions du c) du 1° du A de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés du 17 mai 1977, repris au c) du paragraphe 1 de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, prévoit que sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée " les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées [...] ".

3. Il résulte des dispositions des directives mentionnées au point 2, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt Skatteverket c. PFC Clinic AB du 21 mars 2013, que seuls les actes de médecine et de chirurgie esthétique dispensés dans le but " de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir " des personnes qui, par suite d'une maladie, d'une blessure ou d'un handicap physique congénital, nécessitent une telle intervention, poursuivent une finalité thérapeutique et doivent, dès lors, être regardés comme des " soins dispensés aux personnes " exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Il en va, en revanche, différemment lorsque ces actes n'obéissent en aucun cas à une telle finalité. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice, les simples conceptions subjectives que la personne qui se soumet à une intervention à vocation esthétique se fait de celle-ci ne sont pas, par elles-mêmes, déterminantes aux fins de l'appréciation du point de savoir si cette intervention a un but thérapeutique.

4. D'autre part, en vertu des dispositions combinées des articles L. 6322-1 et R. 6322-1 du code de la santé publique, les actes de chirurgie esthétique qui n'entrent pas dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie sont des actes qui tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. Les actes de chirurgie esthétique à finalité thérapeutique relèvent des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles la prise en charge par l'assurance maladie est subordonnée à l'inscription sur la liste qu'elles mentionnent. Cette inscription permet le remboursement des actes de médecine ou de chirurgie esthétique répondant, pour le patient, à une indication thérapeutique, évaluée le cas échéant sur entente préalable de l'assurance maladie.

5. Il résulte de ce qui précède que les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doivent être regardées comme subordonnant l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des actes de médecine et de chirurgie esthétique, non à la condition que ces actes fassent l'objet d'un remboursement effectif par la sécurité sociale, mais à celle qu'ils entrent dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie ou que l'intérêt diagnostique ou thérapeutique de ces actes soit objectivement reconnu par l'autorité sanitaire compétente. Si la prise en charge d'un acte par l'assurance maladie suppose son inscription sur la liste prévue par l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, établie selon des critères objectifs et rationnels, cette seule inscription ne saurait suffire à le faire entrer dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie, certains actes pouvant avoir, selon les circonstances, une visée thérapeutique ou une visée non thérapeutique, l'assurance maladie subordonnant, d'ailleurs, le remboursement de certains de ces actes inscrits à un accord préalable délivré au cas par cas.

6. Comme l'ont estimé les premiers juges, il appartient au requérant, qui est seul en mesure de le faire, d'établir que les actes de liposuccion et de lipoaspiration qu'il a pratiqués, et qui ont fait l'objet des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, constituaient des soins dispensés aux personnes au sens des dispositions précitées, à savoir des actes entrant dans le champ des prestations couvertes par l'assurance maladie ou des actes non remboursables mais dont l'intérêt diagnostique ou thérapeutique est objectivement reconnu par l'autorité sanitaire compétente.

7. M. C..., qui se borne à se prévaloir de l'inscription des actes pratiqués à la classification commune des actes médicaux et à invoquer les troubles psychologiques liés à l'appréhension de leur corps par les patients, n'apporte devant la Cour, pas plus qu'en première instance, aucun élément susceptible d'établir une telle visée thérapeutique. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les actes chirurgicaux en cause ne pouvaient bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.

Le président-rapporteur,

I. B...La présidente,

P. FOMBEUR

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 21PA03004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03004
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-21;21pa03004 ?
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