Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Arpad Omnium a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre des années 2013 et 2014 à hauteur, respectivement, de 63 504 euros et 64 800 euros.
Par un jugement n° 1707037 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société Arpad Omnium.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2021 et le 30 juin 2021, la société Arpad Omnium, représentée par la SELARL Colisée Avocats, agissant par Me Codet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1707037 du 4 février 2021 du tribunal administratif de Melun, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prononce la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre des années 2013 et 2014, à hauteur, respectivement, de 46 197 euros et 36 790 euros ;
2°) de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre des années 2013 et 2014, à hauteur, respectivement, de 46 197 euros et 36 790 euros ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il convient de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Melun portant sur les conclusions en décharge présentées par la société Aaron Protection Sécurité ;
- les prestations facturées par elle ne sont pas fictives, ainsi que l'a admis l'administration fiscale ;
- elle a sollicité, par deux réclamations du 22 décembre 2016, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par elle ;
- la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures en cause a été refusée à la société Aaron Protection Sécurité, de sorte que l'administration ne saurait, sans méconnaître le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, lui refuser la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle demande.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- aucun des moyens soulevés n'est fondé ;
- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens sont irrecevables car dépourvues d'objet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Tillenayagane, substituant Me Codet, avocat de la société Arpad Omnium.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aaron Protection Sécurité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge, notamment, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014, à raison de la remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures émises par la société Arpad Omnium. Par deux réclamations datées du 22 décembre 2016, la société Arpad Omnium a demandé à l'administration fiscale la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par elle au titre de ces factures. Par une décision du 30 juin 2017, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a rejeté ces réclamations. La société Arpad Omnium relève appel du jugement du tribunal administratif de Melun en date du 4 février 2021, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prononce la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre des années 2013 et 2014, à hauteur, respectivement, de 46 197 euros et 36 790 euros.
Sur les conclusions à fin de restitution :
2. Aux termes du 4. de l'article 283 du code général des impôts : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ". Le 2 de l'article 272 du même code précise que : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ".
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Aaron Protection Sécurité a déduit, au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014, la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures émises par la société Arpad Omnium sur la base d'une convention d'assistance conclue entre les deux sociétés le 4 janvier 2011. L'administration fiscale, qui a estimé que ces prestations étaient fictives, a remis en cause la déductibilité, par la société Aaron Protection Sécurité, de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces prestations, et a, en conséquence, mis à la charge de cette société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014. A cet égard, l'administration fiscale a relevé que la convention signée entre la société Aaron Protection Sécurité et la société Arpad Omnium, sur la base de laquelle les prestations en cause ont été facturées, stipule que la société Arpad Omnium met à la disposition de la société Aaron Protection Sécurité ses connaissances et des moyens humains et matériels, afin d'assurer totalement ou conjointement l'encadrement des services de la société Aaron Protection Sécurité, ou de réaliser directement les tâches pour lesquelles la société Aaron Protection Sécurité ne disposerait pas des infrastructures adaptées, ou d'apporter à cette société conseil et assistance dans la gestion financière et administrative, la gestion comptable et informatique, la gestion commerciale et la gestion du personnel. Or, l'administration fiscale fait valoir, d'une part, que les factures émises par la société Arpad Omnium, qui mentionnent seulement une " refacturation du personnel administratif selon la convention signée le 4 janvier 2010 ", ne comportent aucune précision quant à des prestations effectivement réalisées, d'autre part, qu'aucun justificatif n'a été apporté quant à la nature exacte de telles prestations. Elle précise également que la convention signée entre les deux sociétés consiste notamment à mettre à disposition de la société Aaron Protection Sécurité M. B..., associé, président et salarié de la société Arpad Omnium, alors que ce dernier est également associé et gérant de la société Aaron Protection Sécurité. Si la société Arpad Omnium soutient que M. B..., titulaire d'une certification professionnelle, possède des compétences juridiques et techniques spécifiques qui étaient nécessaires à l'activité de la société Aaron Protection Sécurité, et dont la mise en œuvre, dans le cadre de sa mise à disposition au sein de la société Aaron Protection Sécurité, irait au-delà des attributions de gérant qui lui sont dévolues au sein de cette société, elle n'apporte aucun élément qui tendrait à remettre en cause le caractère fictif des factures en cause qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne comportent aucune précision quant à la nature de missions qu'elle aurait effectivement réalisées. Par ailleurs, si la société requérante soutient que l'administration fiscale aurait finalement admis, au bénéfice de la société Aaron Protection Sécurité, le caractère réel des prestations en cause, il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures en litige ont été maintenus à la charge de cette société par la décision du 29 janvier 2021 adressée à cette société à la suite de sa réclamation. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé les prestations en litige comme fictives, et a estimé, en application des dispositions du 4. de l'article 283 du code général des impôts, que la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises à raison de ces prestations était due par la société Arpad Omnium.
4. En second lieu, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-342/87 du 13 décembre 1989, C-454/98 du 19 septembre 2000 et C-566/07 du 18 juin 2009, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi ou qu'il a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales. Dans un tel cas, la régularisation ne doit pas dépendre du pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. Les Etats membres ont toutefois la faculté d'adopter des mesures afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude sans que ces mesures ne puissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Les dispositions de l'article 283 du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec ces exigences, dès lors qu'elles n'excluent pas la possibilité de régulariser une facture mentionnant une taxe y figurant à tort. Si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt C-138/12 du 11 avril 2013, que le fournisseur d'une prestation exonérée doit pouvoir régulariser la taxe sur la valeur ajoutée sans condition de délai lorsque l'administration a définitivement refusé le droit de déduction au client, il n'en résulte pas que l'émetteur d'une facture fictive doit pouvoir obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur cette facture au seul motif que l'administration fiscale a remis en cause la déduction par le destinataire de cette dernière de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture. Il lui appartient en effet, conformément à ce qu'a jugé la Cour dans son arrêt C-459/98, de régulariser la facture litigieuse en temps utile pour éliminer tout risque de perte de recettes fiscales.
5. En l'espèce, la seule circonstance que la société Arpad Omnium a présenté deux réclamations, datées du 22 décembre 2016, tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée à raison des prestations en litige, ne saurait la faire regarder comme ayant, ce faisant, procédé à la régularisation de ces factures. Par ailleurs, la société requérante n'établit pas avoir agi de bonne foi, alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration fiscale a regardé à bon droit les prestations facturées par elle comme fictives. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée pour demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a collectée auprès de la société Aaron Protection Sécurité et reversée au Trésor public à raison des factures en litige. Enfin, ce principe ne s'oppose pas, par lui-même, à ce que l'administration fiscale lui refuse la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures en cause, alors même que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces factures a été refusé à la société Aaron Protection Sécurité, dès lors que, ainsi qu'il a dit précédemment, la société Arpad Omnium n'a pas procédé à la régularisation de ces factures. Par suite, le moyen doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Arpad Omnium n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, ses conclusions à fin de restitution doivent être rejetées.
Sur les dépens :
7. La présente instance n'ayant occasionné aucun des frais prévus par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par la société Arpad Omnium tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat les dépens de l'instance doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Sur les frais liés à l'instance :
8. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la société Arpad Omnium présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Arpad Omnium est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Arpad Omnium et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2022.
Le rapporteur,
K. A...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01560