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30/09/2022 | FRANCE | N°22PA03186

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 septembre 2022, 22PA03186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le ministre de l'intérieur a prolongé pour une durée de trois mois, à compter du 1er juillet 2022, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prononcée par arrêté du 30 décembre 2022.

Par un jugement n° 2210245 du 29 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le ministre de l'intérieur a prolongé pour une durée de trois mois, à compter du 1er juillet 2022, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance prononcée par arrêté du 30 décembre 2022.

Par un jugement n° 2210245 du 29 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022 sous le n° 22PA3186, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- l'arrêté du 24 juin 2022 était fondé sur les éléments complémentaires rapportés par des notes des services de renseignement versées au contradictoire, tirés de l'exploitation des supports saisis à l'occasion de la visite domiciliaire diligentée le 31 décembre 2021 qui témoignent d'un ancrage profond et structurel dans l'idéologie islamiste djihadiste, caractérisant en cela la menace actuelle qu'il représente pour la sécurité et l'ordre publics, ces éléments, communiqués au parquet par les services de police dans le cadre de la procédure judiciaire, ne pouvaient être connus ni utilisés par l'autorité administrative en charge de l'instruction et de la prise de décision concernant les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ;

- les autres moyens soulevés par M. D... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II) Par une requête enregistrée le 12 juillet 2022 sous le n° 22PA03191, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2210245 du 29 juin 2022.

Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites.

La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B, rapporteure,

- et les conclusions de Mme C, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 décembre 2021, le ministre de l'intérieur a prononcé, pour une durée de trois mois, à l'encontre de M. D..., sur le fondement des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance lui interdisant de se déplacer en dehors du territoire de la commune du Blanc-Mesnil sans avoir obtenu préalablement une autorisation écrite, l'obligeant à se présenter une fois par jour, à 8 heures, au commissariat de police du Blanc-Mesnil tous les jours de la semaine, y compris les dimanches, les jours fériés ou chômés, ainsi qu'à justifier de son lieu d'habitation et de tout changement d'adresse. Par un arrêté du 23 mars 2022, le ministre de l'intérieur a renouvelé une première fois cette mesure administrative de contrôle et de surveillance pour une durée de trois mois à compter du 31 mars 2022. Par un arrêté du 24 juin 2022, prenant effet le 1er juillet 2022, le ministre de l'intérieur a de nouveau renouvelé, pour une durée de trois mois, la mesure initiale. Par un jugement du 22 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a annulé, à la demande de M. D..., ce dernier arrêté.

2. Par deux requêtes n° 22PA03186 et n° 22PA03191 qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

Sur la requête n°22PA03186 :

3. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". L'article L. 228-2 du même code dispose : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. / (...) Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites (...) ". Enfin, l'article L. 229-1 du même code prévoit que : " Sur saisine motivée du représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, du préfet de police, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris peut, par une ordonnance écrite et motivée et après avis du procureur de la République antiterroriste, autoriser la visite d'un lieu ainsi que la saisie des documents et données qui s'y trouvent, aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. (...) II.- Dès la fin de la visite, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris d'autoriser l'exploitation des documents et données saisis. Au vu des éléments révélés par la visite, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l'autorité administrative. Sont exclus de l'autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la finalité de prévention de la commission d'actes de terrorisme ayant justifié la visite".

4. Les dispositions précitées du sixième alinéa de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure subordonnent tout renouvellement d'une mesure individuelle de contrôle et de surveillance, au-delà d'une durée cumulée de six mois, à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires attestant que les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Ainsi, il appartient au juge administratif de s'assurer que l'administration fait état d'éléments nouveaux ou complémentaires, qui résultent de faits qui sont survenus ou qui ont été révélés postérieurement à la décision initiale ou aux précédents renouvellements. De tels faits peuvent résulter d'agissements de la personne concernée, de procédures judiciaires et même, si elles sont fondées sur des éléments nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui ont justifié la première mesure, de décisions administratives. Par ailleurs, la circonstance qu'une procédure pénale ait été ouverte sur le fondement de documents, données ou supports provenant d'une saisie effectuée à l'occasion de la visite d'un lieu demandée par le préfet et autorisée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, après avis du procureur de la République antiterroriste, sur le fondement de l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, à des fins de prévention d'actes de terrorisme, ne fait pas obstacle à leur exploitation par le préfet après autorisation du juge des libertés et de la détention.

5. Le ministre soutient que le renouvellement du 24 juin 2022 résulte de la prise en compte d'éléments révélés postérieurement aux précédentes décisions, en faisant valoir que si ces éléments ont été recueillis lors de la visite domiciliaire du 31 décembre 2021 et si le juge des libertés et de la détention a autorisé leur exploitation le même jour, ils étaient toutefois couverts par le secret de l'instruction à compter de l'ouverture de la procédure judiciaire ayant fait suite à la transmission au service de police judiciaire du procès-verbal relatif à cette visite et il n'en a eu connaissance que le 23 juin 2022 après le prononcé, le 16 juin, du jugement relaxant M. D.... Toutefois, s'agissant d'éléments recueillis dans le cadre de la procédure définie par le code de la sécurité intérieure aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, le secret de l'instruction ne saurait être opposé à l'administration. Ainsi, les éléments recueillis lors de cette visite domiciliaire ne peuvent être regardés comme postérieurs à l'arrêté du 1er mars 2022 et par suite nouveaux ou complémentaires au sens des dispositions de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure. Dès lors, le ministre n'établit pas que les conditions exigées pour la mise en œuvre des mesures prévues par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure étaient remplies et n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté contesté.

Sur la requête n° 22PA03191 :

6. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2210245 du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 22PA03191 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22PA03191.

Article 2 : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. E... D....

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme A, présidente de chambre,

- Mme B, présidente assesseure,

- M. D, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2022.

La rapporteure,

Mme B...

La présidente,

Mme A...

La greffière,

Mme C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03186,22PA03191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03186
Date de la décision : 30/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme A...
Rapporteur ?: Mme B...
Rapporteur public ?: Mme C...

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-30;22pa03186 ?
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