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21/09/2022 | FRANCE | N°21PA06668

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 septembre 2022, 21PA06668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2015 ;

2°) à titre subsidiaire, d'une part, d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur la question de savoir si la Charte des droits fondamentaux de l'Union a vocation à s'appliquer non seulement en matière d

e taxe sur la valeur ajoutée mais plus largement dans le cadre de la procédure concernant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2015 ;

2°) à titre subsidiaire, d'une part, d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur la question de savoir si la Charte des droits fondamentaux de l'Union a vocation à s'appliquer non seulement en matière de taxe sur la valeur ajoutée mais plus largement dans le cadre de la procédure concernant les impôts directs et, d'autre part, de saisir, sur le fondement de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris d'une question préjudicielle afin d'apprécier la régularité de la plainte pour fraude fiscale déposée contre eux le 19 octobre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1902519/1-2 du 23 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 décembre 2021 et 13 janvier 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Eric Planchat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Ils soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif méconnait les dispositions de l'article L. 5 du livre des procédures fiscales dans la mesure où l'administration n'a pas produit les fichiers informatiques saisis le 20 janvier 2009 et que les premiers juges n'en ont pas demandé la communication ;

- aucun élément n'a été produit de nature à établir que M. C... serait le bénéficiaire réel des sommes créditées sur ces comptes bancaires, dont il était simplement mandataire ;

- le juge répressif a constaté qu'il n'a pas appréhendé les sommes inscrites au crédit des comptes bancaires en cause dès lors qu'il a été présenté comme mandataire des sociétés interposées titulaires de ces comptes ;

- la fiche individuelle code BUP 5090107497 mentionnant des faits se rapportant aux années 2005 et 2006, l'administration ne peut en tirer des conséquences fiscales sur les années 2007 à 2015 sans apporter la preuve que M. C... aurait détenu des droits sur ces comptes bancaires au cours de cette période ;

- l'article 151 du code général des impôts ne dispense pas l'administration d'apporter la preuve que le contribuable détient des avoirs à l'étranger au titre de l'année au titre de laquelle l'imposition est réclamée ;

- la fiche individuelle code BUP 5090107497, qui sert de fondement au redressement n'est pas opposable aux requérants en absence de transmission des fichiers informatiques ayant permis de l'établir ;

- le premier Président de la Cour d'appel de Paris a déjà jugé que les fiches de synthèse provenant des fichiers de la banque constituaient des données volées, et a été confirmé sur ce point par la chambre commerciale de la Cour de cassation ; ces fiches ne peuvent par suite servir de fondement à l'imposition ;

- l'information judiciaire à leur encontre ne pouvant être regardée comme ayant révélé des omissions d'imposition, le droit de reprise prévu par les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ne peut pas s'appliquer ;

- la plainte pour fraude fiscale déposée le 19 octobre 2012 à leur encontre ne visant que l'impôt sur le revenu des années 2008 à 2010, et l'année 2008 étant à cette date prescrite, les dispositions de l'article L. 188 B du livre des procédures fiscales ne peuvent s'appliquer aux contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2006 à 2013 ni aux impositions mises à leur charge au titre de l'année 2007 et des années 2011 à 2013 ;

- la doctrine administrative référencée BOI CF INF 40-10-10-30 § 145 prévoit que le délai de reprise concerne l'ensemble des impositions dues par le contribuable au titre de la période visée par la plainte pour présomption de fraude fiscale déposée par l'administration et dont la prescription n'est pas acquise à la date du dépôt de plainte auprès du procureur de la République ;

- les dispositions du 4ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne sont pas opposables en l'absence de preuve de mouvements de débits et de crédits permettant la mise en œuvre des dispositions prévues par l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article 344 A de l'annexe III à ce code ;

- les dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme sont applicables à la procédure d'établissement de l'imposition suivie à leur encontre ;

- le refus de verser aux débats les données informatiques saisies le 20 janvier 2009 qui ont permis d'établir la fiche de synthèse empêche d'en apprécier la valeur probante et porte atteinte au droit de la défense ;

- l'exercice par l'administration fiscale de son droit de communication constitue un détournement de procédure dès lors que les documents ne pouvaient être obtenus par la procédure d'assistance administrative internationale et que la Cour contrôle la régularité de cette procédure ;

- le procureur de Nice était délégataire du procureur suisse et devait se cantonner à sa délégation en tant que partie requise pour l'exécution d'une mission au profit du Ministère public de la Confédération Suisse en application de la Convention européenne d'entraide judiciaire et ne pouvait en conséquence transmettre les fichiers informatiques à l'administration alors qu'il n'était pas le propriétaire des documents et qu'aucune autorisation n'avait été obtenue du Ministère public de la Confédération Suisse ;

- ces documents n'auraient pas pu être transmis par le biais de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale dès lors qu'ils se rapportaient à des infractions fiscales ; la réserve exprimée par la Suisse le 5 décembre 1996, dite aussi " condition de la spécialité ", prévoit que cet Etat n'accorde l'entraide judiciaire qu'à la condition expresse que les résultats des investigations faites en Suisse et les renseignements contenus dans les documents et dossiers transmis soient utilisés exclusivement pour instruire et juger les infractions à raison desquelles l'entraide est fournie ;

- l'absence d'application de majorations exclusives de bonne foi peut être assimilée à une décision d'acquittement rendue par une juridiction pénale ;

- sur le fondement des dispositions prévues l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, leur mise hors de cause par la direction nationale des vérifications de situations fiscales à la suite de l'examen de la situation fiscale personnelle au titre des années 2007 et 2008 fait obstacle à l'application de majorations au taux de 80 % ;

- l'application de majorations de 80 % mises à leur charge crée une différence de traitement non justifiée entre les contribuables qui n'auraient pas déclaré des comptes bancaires à l'étranger et les contribuables qui se sont adressés au SDTR et crée une discrimination contraire à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du protocole additionnel à cette convention ;

- les principaux taux de la dette publique sur vingt ans permettent de qualifier le taux d'intérêt de retard pour sa fraction comprise entre 0,2 % et 0,4 % pour les années antérieures à 2018 de sanction en estimant que son niveau est devenu manifestement excessif au regard du coût de refinancement de l'Etat sur les marchés financiers ;

- l'article 55 de la loi de finances rectificative pour 2017 a décidé de réduire de moitié le taux des intérêts de retard dus par le contribuable afin de mieux le mettre en adéquation avec les taux d'intérêt du marché et ils sont fondés à se prévaloir de la loi pénale la plus douce ;

- le taux mensuel entre 0,2 % et 0,4 % sort du domaine de la réparation pour constituer une sanction.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 juin 2022, M. et Mme C... demandent que la Cour sursoie à statuer dans l'attente de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme concernant les requêtes n° 27823/19 Monchablon c. France et requête et n° 22683/20 Smadja c. France.

Par une ordonnance du 30 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

14 juin 2022.

Des mémoires ont été présentés les 21 juillet, 9 août, 29 août et 31 août 2022 pour M. et Mme C..., après la clôture de l'instruction.

Un mémoire tendant à la transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité a été présenté le 2 septembre 2022 pour M. et Mme C..., après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, représentant M. et Mme C....

Une note en délibéré, enregistrée le 8 septembre 2022, a été présentée pour M. et

Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses, le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M. D..., ancien informaticien de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base client " de cet établissement. L'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, a communiqué les données saisies à l'administration fiscale, qui, après avoir analysé les fichiers recueillis et retranscrit les éléments d'informations qu'ils contenaient dans des synthèses individuelles, a estimé qu'il existait une présomption que M. et Mme C... soient détenteurs de comptes ouverts en Suisse dans les livres de la banque HSBC Private Bank de Genève, soit directement via des profils client associés à des comptes bancaires, soit indirectement via quatre sociétés installées dans les Iles vierges britanniques et au Panama et associées chacune à plusieurs comptes bancaires. Sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, l'administration a déposé plainte auprès du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris le 19 octobre 2012 contre M. et Mme C... pour soupçons de minoration des déclarations d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 à 2010 et défaut de dépôt des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2009 à 2011. A l'issue de l'enquête préliminaire, M. C... a été mis en examen le 31 août 2015 des chefs d'abus de biens sociaux, fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. L'administration a exercé son droit de communication auprès des autorités judiciaires, sur le fondement des articles L. 82 C et

L. 101 du livre des procédures fiscales, le 12 mai 2016. Le service a adressé aux requérants, le 14 octobre 2016, une demande d'éclaircissements ou de justifications portant sur les avoirs et revenus d'avoirs détenus auprès de HSBC Private Bank au titre des années 2006 à 2015 puis une mise en demeure le 10 février 2017 et, en l'absence de réponses suffisantes, a reconstitué le montant des revenus issus d'avoirs étrangers non déclarés au titre des années 2007 à 2015 selon les modalités fixées par l'article 151 du code général des impôts et a taxé ces revenus d'office, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Les rectifications ont été notifiées aux requérants par une proposition de rectification du 13 avril 2017. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'ensemble des impositions auxquelles ils ont été ainsi assujettis en conséquence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " l'instruction des affaires est contradictoire ". Le caractère contradictoire de la procédure contentieuse implique la communication aux parties des documents sur lesquels les juges se fondent pour prendre leur décision. La circonstance que l'administration n'a pas produit les fichiers informatiques saisis le 20 janvier 2009 et que, compte tenu des motifs retenus pour écarter les moyens, les premiers juges aient estimé inutile de faire droit à la demande de communication de ces pièces qui leur avait été présentée, n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité, notamment au regard des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. M. et Mme C... soutiennent en premier lieu que les éléments retenus par l'administration pour établir l'existence et le montant des avoirs étrangers détenus par eux et, par suite, leurs nouvelles bases d'imposition, résultent du décryptage des fichiers informatiques saisis au domicile de M. D..., retranscrits dans une fiche individuelle de synthèse dont s'est servi l'administration pour fonder les suppléments d'impôts en litige, et que ces fichiers informatiques ne leur ont pas été communiqués, en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, protégés notamment par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il résulte toutefois de l'examen de la proposition de rectification en date du 13 avril 2017 que les redressements ne sont pas fondés sur les fiches de synthèse individuelles mais sur les pièces de la procédure judiciaire visant M. C... obtenues par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès du juge d'instruction en charge de l'enquête pénale. Ces pièces sont détaillées dans ladite proposition de rectification du 13 avril 2017, et notamment les procès-verbaux d'audition de M. C... et les documents obtenus de la banque HSBC Private Bank, lesquels énoncent précisément les éléments figurant sur les fiches de synthèse individuelles concernant M. C.... Enfin, il est constant qu'une copie des éléments recueillis auprès du juge d'instruction en charge de l'enquête pénale a été jointe en annexe de la demande d'éclaircissements ou de justifications qui a été adressée aux requérants le 14 octobre 2016. Ainsi, l'administration ayant permis aux intéressés d'accéder aux pièces ayant fondé les redressements, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.

4. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit-ci-dessus, il résulte de l'instruction que c'est à la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses que le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M. D..., ancien informaticien de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base client " de cet établissement et que l'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, a communiqué les données saisies à l'administration fiscale. La circonstance que de tels documents n'auraient pu être demandés à la Suisse par la France dans le cadre de la procédure d'assistance administrative prévue par les stipulations de la convention fiscale franco-suisse ne révèle aucune irrégularité dans la procédure effectivement utilisée et ne permet de constater aucun détournement de procédure. Le moyen tiré de ce que la juridiction administrative contrôle les conditions de mise en œuvre de la procédure d'assistance administrative est dans ces conditions dépourvu de toute portée.

5. En troisième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que le procureur de la République de Nice a agi à la demande du procureur suisse en application de la Convention européenne d'entraide judiciaire ne faisait pas obstacle à ce qu'il prenne connaissance des documents saisis et les transmette à l'administration fiscale dans le cadre prévu par les dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales. Les moyens tirés de ce que le procureur de la République de Nice n'était pas le propriétaire des documents et de ce qu'aucune autorisation n'avait été obtenue du Ministère public de la Confédération Suisse pour transmettre les documents à un tiers sont par suite inopérants. M. et Mme C... ne sauraient en tout état de cause utilement se prévaloir à l'appui de leur argumentation tirée de l'irrégularité de la procédure, de ce que la partie suisse, compte tenu des stipulations de l'article 2 de la Convention européenne d'entraide judiciaire et des réserves qu'elle y a formulées à cet égard, aurait été en droit de s'opposer à la transmission à des fins fiscales des informations en cause dans l'hypothèse où elle aurait été requise par la France, dès lors qu'en l'espèce, la France est la partie requise et qu'elle n'était, en tout état de cause, pas tenue de s'opposer à la réquisition qui lui était adressée.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'existence et le montant des avoirs détenus à l'étranger :

6. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. (...) " et aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article 151 du code général des impôts : " Pour l'application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur les revenus des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées ". En outre, aux termes de l'article L. 193 dudit livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

7. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale disposait d'éléments suffisants permettant de présumer que M. C... disposait d'avoirs et de revenus d'avoirs à l'étranger. Ce point n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par les requérants qui ne remettent pas en cause, dans leurs écritures, le fait que M. C... était mandataire de divers profils et sociétés disposant de tels avoirs. L'administration était par suite fondée à adresser aux requérants une demande d'éclaircissements et de justifications en application des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. Il résulte également de l'instruction que M. et Mme C..., qui ont pour l'essentiel contesté la régularité de la procédure qui leur était appliquée, et qui n'ont fourni aucune précision sur la nature et les montants de ces avoirs, n'ont pas répondu de manière satisfaisante à la demande d'éclaircissements et de justifications et à la mise en demeure qui leur ont été adressées. La procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales a par suite été régulièrement mise en œuvre. Dès lors la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à leur charge incombe aux requérants en application des dispositions précitées de l'article L. 193 du même livre.

8. Il résulte en premier lieu de l'instruction que M. C..., en sa qualité de mandataire des profils et sociétés en cause, a pu disposer des avoirs détenus par ces derniers. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause le caractère probant des informations recueillies lors de la perquisition mentionnée au point 1., dont sont issus les éléments opposés à M. C..., repris dans les procès-verbaux d'instruction de la plainte pénale déposée à son encontre et mentionnés tant dans la demande d'éclaircissements et de justifications que dans la proposition de rectification adressées aux contribuables. De même, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'administration fiscale serait intervenue dans la confection des instruments de preuve. En outre, et malgré l'importance des sommes en jeu, M. C... ne s'est pas rapproché de la banque HSBC pour établir le caractère erroné desdits éléments. Il suit de là que les requérants n'apportent pas la preuve qui leur incombe en se bornant à faire valoir qu'aucun élément n'a été produit de nature à établir que M. C... serait le bénéficiaire réel des sommes créditées sur ces comptes bancaires et à critiquer le caractère opposable des fiches individuelles établies par l'administration fiscale en l'absence de communication des fichiers informatiques ayant permis de les établir.

9. En deuxième lieu, et contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que les éléments opposés à M. C... n'établissent formellement la disposition d'avoirs à l'étranger par l'intéressé qu'au titre des années 2006 et 2007, et non 2005 et 2006 comme l'indiquent les requérants, ne fait pas obstacle, en l'absence de tout élément permettant de considérer que ces avoirs auraient disparu ou que M. C... n'en aurait plus disposé, à ce que l'administration fiscale interroge M. et Mme C... au titre des années postérieures à l'année 2007, à ce qu'en l'absence de réponse satisfaisante de la part des contribuables, elle leur applique la procédure de taxation d'office au titre desdites années et à ce qu'elle calcule leur base d'imposition en faisant usage des dispositions de l'article 151 du code général des impôts et en évaluant les revenus imposables générés par ces avoirs au cours des années d'imposition en litige.

10. En troisième lieu, si la 2ème chambre du pôle 7 de la Cour d'appel de Paris a jugé le 2 février 2021 qu'aucun des documents obtenus auprès des autorités des Iles Vierges britanniques ne permettait de considérer que M. A... C... avait été bénéficiaire économique de Bluebird Asset Management, de Honeysand Overseas et que le bénéficiaire d'Anniston Trading Ressources Inc était uniquement Julia C..., l'arrêt invoqué ne tranche pas le fond de l'affaire puisqu'il statue sur la question de l'octroi du statut de témoin assisté à l'intéressé et aucune décision de relaxe n'a été prononcée. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui serait attachée à cet arrêt.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 10-0 AA du livre des procédures fiscales : " Dans le cadre des procédures prévues au présent titre, à l'exception de celles mentionnées aux articles L. 16 B et L. 38, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que l'administration utilise et qui sont régulièrement portés à sa connaissance (...) en application des droits de communication qui lui sont dévolus par d'autres textes ". Par une décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, permettre aux services fiscaux et douaniers de se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.

12. Si M. et Mme C... font valoir que le premier Président de la Cour d'appel de Paris a déjà jugé que les fiches de synthèse provenant des fichiers de la banque constituaient des données volées, et a été confirmé sur ce point par la chambre commerciale de la Cour de cassation, il ne résulte pas de l'instruction que les modalités d'obtention décrites au point 1. des pièces transmises par l'autorité judiciaire à l'administration fiscale ayant exercé son droit de communication aient été déclarées illégales par le juge compétent. Au contraire, la chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans sa décision du 31 janvier 2012 n° 11-13.097, refusé de constater l'illicéité de la perquisition à laquelle a procédé le procureur de la République de Nice le 20 janvier 2009. La chambre criminelle de la Cour de cassation a également, dans sa décision du 27 novembre 2013, confirmé la validité de la perquisition et de la transmission des documents obtenus à l'administration fiscale. Les informations ainsi obtenues, et qui sont opposées au contribuable dans le présent litige, ne peuvent donc être regardées comme ayant été obtenues par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge. La circonstance que les informations obtenues de manière licite, tant par les autorités judiciaires que par les autorités administratives, proviennent de documents volés par la personne qui a fait l'objet de la perquisition ne saurait affecter leur caractère probant.

En ce qui concerne le délai de reprise :

13. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

14. Pour l'application de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales aux omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites, qui inclut la phase de l'instruction conduite par le juge d'instruction, doit être regardé comme ouvrant l'instance. L'ouverture d'une enquête préliminaire, en revanche, n'a pas un tel effet. Lorsque des insuffisances ou omissions d'impositions sont révélées à l'administration fiscale postérieurement à l'ouverture d'une instance, au sens de ces dispositions, le délai spécial de reprise qu'elles prévoient est applicable, alors même que les insuffisances ou omissions d'impositions sont mises en évidence par des pièces de la procédure établies au stade d'une enquête préliminaire.

15. M. et Mme C... soutiennent que l'administration fiscale ne pouvait se prévaloir du délai de dix ans prévu par les dispositions précitées de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dès lors que les informations utilisées, qui ont permis de constater les insuffisances et omissions déclaratives, étaient auparavant détenues par l'administration fiscale, la fiche individuelle code BUP 5090107497 figurant dans le dossier fiscal ayant été présentée à leur conseil dans le cadre de leur examen de leur situation fiscale personnelle selon avis du 26 février 2010.

16. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification notifiée à M. et Mme C..., que le service a pu établir, en recoupant les éléments d'information contenus dans les pièces de la procédure judiciaire diligentée à l'encontre de

M. C..., obtenues dans le cadre de l'exercice du droit de communication le 12 mai 2016, que les époux C... avaient la disposition de vingt-cinq comptes ouverts en Suisse à la banque HSBC Private Bank, directement via trois profils client associés à trois comptes bancaires chacun, et indirectement via les sociétés Bluebird Asset Amenagement Corp, Honeysand Overseas Ltd et Garve Investments Alliance Ltd, installées à Tortola, dans les Iles Vierges britanniques, et la société Anniston Trading Ressources Inc installée au Panama. Dans ces conditions, les insuffisances ou omissions d'impositions résultant de l'absence de déclaration par M. et Mme C... des avoirs et revenus d'avoirs qu'ils possédaient en Suisse et dont le service n'a eu une connaissance certaine qu'après l'exercice de son droit de communication auprès des autorités judiciaires, doivent être regardées comme ayant été révélées par une instance au sens des dispositions précitées de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, alors même que des éléments d'information auraient été communiqués à l'administration fiscale avant l'ouverture de cette instance par la transmission des fichiers informatiques saisis lors de la perquisition menée par le procureur de la République de Nice le 20 janvier 2009. Les années d'imposition ne pouvant être regardées comme prescrites de par l'application des dispositions précitées de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, les moyens tirés de ce que l'administration ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 188 B ou du 4ème alinéa de l'article L. 169 du même livre sont sans influence sur l'issue du litige.

Sur les majorations pour manœuvres frauduleuses :

17. En premier lieu, M. et Mme C... se prévalent du fait qu'ils n'ont fait l'objet d'aucun redressement après l'examen de leur situation fiscale personnelle engagé le 26 février 2010 au titre des années 2007 et 2008 et soutiennent que l'absence de redressement constitue une décision d'acquittement qui doit s'imposer à l'administration et qui faisait obstacle à ce que des pénalités leur soient notifiées pour les mêmes années. Toutefois, un avis d'absence de redressement en matière fiscale ne peut être regardé comme constituant une décision d'acquittement rendue par une juridiction statuant en matière pénale, et cela alors même que l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'appliquerait à la procédure d'établissement des pénalités. Ainsi, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que cette mise hors de cause faisait obstacle à l'application des majorations litigieuses en application des paragraphes 1 et 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que les pénalités mises à leur charge méconnaitraient la présomption d'innocence garantie par ces stipulations.

18. M. et Mme C... soutiennent que l'application à leur encontre des majorations pour manœuvres frauduleuses prévue par le c) de l'article 1729 précité méconnaît le principe de non-discrimination garanti par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention dès lors qu'elle crée une différence de traitement non justifiée par rapport aux contribuables détenteurs d'avoirs à l'étranger ayant spontanément régularisé leur situation fiscale passée dans les conditions prévues par la circulaire ministérielle du 21 juin 2013 relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs non déclarés à l'étranger et qui se sont vus appliquer la majoration de 40 % prévue par le a) de l'article 1729. Toutefois, alors qu'ils n'ont pas eux-mêmes entendu régulariser leur situation fiscale, les requérants ne sauraient faire grief à l'administration de les avoir traités différemment des contribuables ayant spontanément procédé à cette régularisation.

Sur les intérêts de retard :

19. L'article 1727 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition, dispose : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) III- Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. (...) ". Le II de l'article 55 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificatives pour 2017 a ramené à 0,20 % par mois le taux de l'intérêt de retard. Le III du même article prévoit que cette réduction s'applique aux intérêts courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020.

20. L'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des travaux préparatoires ayant précédé l'adoption des dispositions de la loi du 28 décembre 2017, l'évolution des taux du marché a conduit, dans les années précédant sa réduction, à une hausse relative de cet intérêt par rapport à ces derniers, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, avec lequel le taux de l'intérêt de retard doit être comparé dès lors que cet intérêt ne compense pas exclusivement le coût d'emprunt pour l'Etat, au taux du marché, des sommes que les contribuables versent en retard et doit garder un caractère incitatif pour les contribuables. Le taux de l'intérêt de retard ne revêtant pas le caractère d'une sanction en tant qu'il dépasse un taux annuel de 2,4 % contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur lorsqu'elles n'ont pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, n'est pas applicable aux intérêts de retard prévus par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 21PA06668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06668
Date de la décision : 21/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-21;21pa06668 ?
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