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20/09/2022 | FRANCE | N°22PA00641

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 septembre 2022, 22PA00641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 15 octobre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation proviso

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 15 octobre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2114298 du 5 janvier 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, M. B..., représenté par Me Luciano, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 5 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 15 octobre 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine ou tout autre préfet territorialement compétent de prendre toutes mesures propres à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'incompétence faute que son signataire justifie d'une délégation régulière de signature ;

- cette décision est insuffisamment motivée et a été prise sans examen réel et sérieux de sa situation dès lors qu'elle ne mentionne pas la requête formée à l'encontre du refus de titre qui lui avait été opposée le 7 juillet 2020, et qui était pendante devant le tribunal administratif de Montreuil ;

- le tribunal ne pouvait sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée s'abstenir de prendre en compte l'annulation du refus de titre et de l'obligation de quitter le territoire français qu'il avait lui-même prononcée par son jugement du 24 novembre 2021 ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors notamment qu'il réside en France depuis plus de douze ans, ainsi que l'a jugé le tribunal dans son précédent jugement, et qu'il a un frère en France.

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- le tribunal a entaché son jugement de défaut de réponse à moyens et d'insuffisance de motivation en ce qui concerne cette décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- la décision est entachée d'incompétence faute que son signataire justifie d'une délégation régulière de signature ;

- elle est insuffisamment motivée et a été prise sans examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle retient qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement sans mentionner la requête formée contre cette mesure ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa durée de séjour sur le territoire français impliquait qu'il puisse disposer d'un délai de départ.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

- la décision est entachée d'incompétence faute que son signataire justifie d'une délégation régulière de signature ;

- elle est insuffisamment motivée et a été prise sans examen réel et sérieux de sa situation dès lors que sa motivation ne se prononce pas au regard des quatre critères que l'administration doit prendre en compte en application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de cette requête et renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B..., ressortissant indien, né le 16 avril 1978 à Barara (Inde), est entré en France, selon ses déclarations, en 2003, et indique justifier d'une présence continue sur le territoire français depuis juillet 2008. Il a sollicité le 12 septembre 2018 son admission exceptionnelle au séjour, mais, par arrêté du 7 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a opposé un refus à cette demande, et a prononcé à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, avec interdiction de retour pendant une durée de deux ans. M. B... a dès lors saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une première demande, dirigée contre cet arrêté, dont le tribunal a prononcé l'annulation par un jugement du 24 novembre 2021, pour vice de procédure, au motif que l'intéressé justifiait de plus de dix années de présence habituelle en France, et que le préfet aurait dû dès lors saisir la commission du titre de séjour. Peu avant l'intervention de ce jugement, M. B... a fait l'objet d'un contrôle d'identité, le 15 octobre 2021 et, à la suite de celui-ci, le préfet des Hauts-de-Seine a pris à son encontre, le même jour, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui interdisant le retour sur le territoire national pour une durée de deux ans. M B... a dès lors saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une nouvelle demande, dirigée contre cet arrêté, mais le tribunal l'a rejetée par un jugement du 5 janvier 2022 dont il relève appel.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. L'arrêté est signé par Mme C... A..., cheffe du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, qui disposait d'une délégation de signature du préfet des Hauts-de-Seine, en application de l'arrêté n°2021-063 du 1er octobre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le jour même, qui lui donnait compétence pour signer tant une obligation de quitter le territoire français qu'un refus de délai de départ et une interdiction temporaire de retour. Dès lors le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision querellée manque en fait et doit, par suite, être écarté.

3. Par ailleurs, après avoir visé les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative a mentionné les éléments de l'état civil et de la situation tant personnelle qu'administrative de l'intéressé, et notamment le fait qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français et était dépourvu de tout document de voyage. De plus, la circonstance que le préfet n'ait pas expressément fait état de l'instance, alors pendante devant le tribunal administratif de Montreuil, par laquelle M. B... contestait le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire contenues dans l'arrêté du 7 juillet 2020, n'est pas constitutive d'une insuffisance de motivation et ne révèle pas davantage un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle du requérant. En outre, la légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, il ne peut être fait grief à l'obligation de quitter le territoire contestée, en date du 15 octobre 2021, de ne pas tenir compte du jugement du 24 novembre 2021 faisant droit à la première demande de M. B.... Ainsi, c'est à juste titre, et sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée, que les premiers juges ont rejeté les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation de M. B....

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. B... indique être entré en France en 2003 et y justifier d'une présence ininterrompue depuis juillet 2008, et si le tribunal administratif de Montreuil a effectivement jugé, dans son jugement n°2008171 du 24 novembre 2021, qu'il justifiait de plus de dix ans de présence en France à la date d'intervention du refus de titre de séjour du 7 juillet 2020, il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille, ainsi qu'il en est convenu lors de son audition par les forces de police. De plus, né le 16 avril 1978, il n'est ainsi entré en France pour la première fois qu'à l'âge de 25 ans, et n'allègue y résider de manière continue que depuis l'âge de 30 ans. Par ailleurs s'il fait état de la présence en France d'un de ses frères, avec lequel il ne justifie pas de relations particulières, il reconnait, dans son procès-verbal d'audition et dans ses écritures en justice, que sa mère et le reste de sa fratrie résident en Inde, où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge adulte. Enfin, la circonstance qu'il occupe un emploi en qualité de poseur de sol et produise des bulletins de salaire depuis 2018 ne suffit pas à établir l'existence d'une insertion professionnelle ou sociale particulière. Dès lors, M. B... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire contestée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, ni, par suite, qu'elle méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Par suite M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Il ressort du jugement attaqué que, comme le fait valoir le requérant, le tribunal, amené à connaitre de la légalité de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, a cité en son considérant 6 les textes applicables à une telle décision mais n'a pas ensuite répondu aux moyens soulevés à l'encontre de cette décision, se prononçant, dans son considérant 7, sur la légalité de la décision d'interdiction temporaire de retour sur le territoire français. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'un défaut de réponse à moyen et, dès lors, à en demander l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, qui constitue une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction temporaire de retour.

8. Il appartient à la Cour, saisie par la voie de l'évocation, de se prononcer sur les conclusions de la demande de première instance de M. B... dirigées contre le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

9. Si le requérant invoque l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué pour signer une telle décision, le moyen ne peut qu'être écarté pour les motifs cités au point 2.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le préfet a visé les textes applicables et a mentionné les éléments de l'état civil et de la situation tant personnelle qu'administrative de l'intéressé. Par ailleurs, s'agissant plus précisément de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, il a rappelé les dispositions de l'article L. 612-3.5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour indiquer que le risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français peut être regardé comme établi. Et il a ensuite exposé que M. B... ne justifiait d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français et avait notamment explicitement déclaré lors de son audition ne pas envisager un retour dans son pays d'origine, témoignant ainsi ne pas entendre se conformer à la mesure d'éloignement. Par suite, cette décision comporte une motivation suffisante, et dont il ressort qu'elle a été prise au terme d'un examen personnel de la situation de l'intéressé.

11. En troisième lieu aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) ". Or, il est constant que le requérant est resté en France sans titre de séjour et il indique lui-même dans son procès-verbal d'audition, produit par le préfet devant le tribunal, qu'il n'a pas déposé de demande de titre de séjour avant le 12 septembre 2018, soit après plus de dix années de présence en France en situation irrégulière. Par ailleurs, dans son procès-verbal d'audition du 15 octobre 2021 il indiquait qu'il n'envisageait pas de retourner en Inde, non du fait de l'instance juridictionnelle en cours, mais car attendant un retour de la préfecture sur un renouvellement de carte de séjour, alors qu'il ne justifie pas en avoir jamais eu une. De même, alors qu'il lui était demandé s'il retournerait dans son pays si une obligation de quitter le territoire français était prise à son encontre, il a répondu par la négative, en indiquant qu'il ferait un recours auprès du préfet. Il résulte ainsi de ce document que, indépendamment de l'instance en cours devant le tribunal de Montreuil à l'encontre de l'arrêté du 7 juillet 2020, il entendait se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français susceptible d'être prononcée à son encontre. Par suite, le préfet a pu, sans méconnaitre les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sans erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

12. Enfin il fait valoir que ce refus méconnaitrait son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que, compte tenu de ses treize années de résidence en France, il nécessitait un délai " pour organiser son retour dans son pays d'origine " mais n'assortit pas cette allégation de précisions de nature à établir la réalité d'un tel besoin. Ainsi il n'est pas fondé à soutenir que le refus de délai de départ volontaire qui lui a été opposé méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

13. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué pour signer une telle décision ne peut qu'être écarté pour les motifs cités au point 2.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

15. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Or, il ressort de l'arrêté attaqué que, pour prononcer l'interdiction litigieuse de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans, le préfet a retenu que M. B... ne justifiait pas de circonstances humanitaires particulières, telles que visées à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa situation familiale ne faisait pas apparaitre de fortes attaches sur le territoire français, et qu'il avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 7 juillet 2020, pour en déduire que cette interdiction de retour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs la durée alléguée du séjour de l'intéressé en France avait également été rappelée précédemment dans l'arrêté attaqué. Dès lors, et alors même qu'il ne faisait pas mention du critère tiré d'une éventuelle menace que représenterait l'intéressé pour l'ordre public, le préfet, qui n'a pas prononcé cette interdiction pour ce motif mais en raison principalement de l'absence d'attaches familiales fortes de l'intéressé en France et de l'existence d'une précédente obligation de quitter le territoire français, a suffisamment motivé sa décision et l'a bien prise au terme d'un examen particulier de la situation du requérant à la date à laquelle il s'est prononcé.

16. Enfin si le requérant soutient que cette décision méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen ne peut qu'être écarté pour les motifs cités au point 5.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre et de l'interdiction de retour pendant une durée de deux ans. S'il est en revanche fondé à demander l'annulation pour irrégularité du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fins d'annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, lesdites conclusions, examinées par la voie de l'évocation, ne peuvent néanmoins qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

18. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. /La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. /La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". Le présent arrêt n'impliquant pas que l'autorité administrative prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé ni ne se prononce à nouveau après une nouvelle instruction, les conclusions à fins d'injonction de la requête ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2114298 du 5 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant les premiers juges, tendant à l'annulation de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

M-I. D...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22PA00641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00641
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LUCIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-09-20;22pa00641 ?
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