Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et lui a interdit le retour sur le sol français pour un an, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'État une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2103300 du 16 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 janvier 2022 et 2 mars 2022, et des pièces produites le 4 mai 2022, M. B... C..., représenté par Me Tihal, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 16 décembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le sol français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal a à tort rejeté le moyen tiré d'un vice de procédure comme irrecevable car relevant d'une cause juridique non invoquée dans le délai de recours alors que ce moyen ne pouvait être soulevé avant la production des écritures et des pièces de l'administration ; une telle solution méconnait le principe du contradictoire et celui des droits de la défense et est contraire aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de renouvellement de titre méconnait les stipulations de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il vit avec sa compagne de nationalité française et leurs deux enfants, nés en 2018 et 2019, dont il subvient à l'entretien ;
- cette décision méconnait aussi l'article 6-5 du même accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa vie commune avec sa compagne française, de surcroit atteinte d'une grave pathologie, ainsi qu'avec leurs deux enfants, et les trois autres enfants de sa compagne dont il s'occupe également ;
- l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de séjour sont contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale même en prenant en compte les troubles allégués à l'ordre public ;
- la procédure de consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires, prévue par l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, n'a pas été respectée ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait dès lors que le requérant n'a jamais utilisé un alias, sous l'identité duquel il aurait commis les multiples infractions imputées à cette personne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de rejeter cette requête.
Il soutient que :
-le moyen tiré du vice de procédure est irrecevable ainsi que l'a à juste titre jugé le tribunal ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me Tihal pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né le 26 juillet 1988, entré en France en 2009 selon ses déclarations, s'est vu délivrer, sur le fondement de l'article 6-4 de l'accord franco algérien, en qualité de parent d'enfants français, un certificat de résidence algérien valable du 6 décembre 2018 au 5 décembre 2019. Il en a sollicité le renouvellement le 22 juin 2020, mais, par un arrêté du 18 février 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le certificat demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... a dès lors saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, mais le tribunal l'a rejetée par un jugement du 16 décembre 2021 dont il relève appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. B... C... n'a présenté pour la première fois devant le tribunal administratif un moyen de légalité externe, tiré de l'irrégularité des conditions de consultation par l'administration du fichier des antécédents judiciaires, qu'à l'appui d'écritures complémentaires présentées les 2 juin et 9 juillet 2021, après l'expiration du délai de recours de trente jours, qui avait commencé à courir le 23 février 2021, du fait de la notification de l'arrêté en litige en date du 18 février précédent. Et s'il fait état de ce qu'il n'aurait pu présenter ce moyen avant l'expiration de ce délai de recours car le vice de procédure ainsi soulevé ne lui aurait été révélé que par les écritures et pièces en défense du préfet, enregistrées le 12 mai 2021, il était en mesure, l'arrêté attaqué faisant état de ce qu'il était connu du fichier du traitement des antécédents judiciaires, de former d'ores et déjà toutes réserves sur les conditions de consultation dudit fichier, ou d'ailleurs, en tout état de cause, de soulever tout autre moyen de légalité externe. Par suite, c'est à juste titre, et sans méconnaitre les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le principe du contradictoire et celui des droits de la défense, que le tribunal a jugé que ce moyen, qui relevait d'une cause juridique qui n'avait pas été invoquée dans le délai de recours, était, en tout état de cause, irrecevable.
Sur le bien-fondé du jugement :
En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; (...) ".
4. M. B... C... fait valoir qu'il est le père de deux enfants de nationalité française, nées le 28 mars 2018 et le 18 septembre 2019 de sa relation avec une ressortissante française, Mme A..., et invoque sa vie commune avec ces deux enfants et leur mère, ainsi qu'avec les trois autres enfants que sa compagne avait eus antérieurement. Toutefois, s'il justifie par les pièces produites avoir accompagné ses deux filles notamment à des rendez-vous médicaux ou dans les services de protection maternelle et infantile, il n'établit pas, pour autant, subvenir à leurs besoins, alors surtout que les quelques factures qu'il produit par ailleurs pour tenter d'établir sa vie commune avec sa compagne et ses enfants sont, certes, adressées à leurs deux noms mais font apparaitre Mme A... comme seule titulaire du compte servant au paiement desdites factures, et qu'il ne fait état d'aucune activité professionnelle ou d'aucun revenu. En outre, comme il sera dit au paragraphe 7 sa présence en France constitue une menace à l'ordre public. Par suite il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 6.4° de l'accord franco algérien.
En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant ne justifie pas subvenir aux besoins de ses enfants, quand bien même il les accompagne à des rendez-vous médicaux ou de suivis divers. Par ailleurs, les factures établies conjointement à son nom et à celui de sa compagne et destinées à établir leur communauté de vie, outre qu'elles ne sont pas corroborées par d'autres pièces, à l'exception d'un témoignage d'une amie, portent en tout état de cause, pour les plus anciennes d'entre elles, sur les mois précédant l'intervention de l'arrêté attaqué, en date du 18 février 2021, et sont par suite insuffisantes à établir l'existence d'une communauté de vie consolidée, que ce soit avec sa compagne, leurs deux enfants, ou les trois enfants nés de précédentes relations de Mme A.... De plus s'il fait valoir que sa présence auprès des enfants et de leur mère est d'autant plus nécessaire que celle-ci souffrirait d'une grave pathologie, la réalité de celle-ci ne saurait être établie par la seule indication de Mme A... elle-même dans son attestation, et par un résultat d'analyses médicales faisant état d'une suspicion et préconisant la réalisation d'autres examens dont le résultat n'a pas été produit, pas plus qu'il n'a été justifié d'un diagnostic définitif ou d'un quelconque traitement. Par suite, et alors de surcroit qu'il ne justifie pas de quelque élément d'insertion que ce soit, M. C... n'établit pas que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et méconnaitrait de ce fait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 6.5° de l'accord franco-algérien, ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Pour les mêmes motifs, il n'est pas fondé non plus à invoquer la méconnaissance des stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. Par ailleurs, l'atteinte susceptible d'être portée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale doit être appréciée au regard des buts en vue desquels la décision litigieuse a été prise. Or, il ressort de l'arrêté attaqué que, comme l'a rappelé le tribunal, le refus de renouvellement de titre litigieux a été pris également au regard du trouble à l'ordre public que constitue la présence en France de M C.... En effet, il ne conteste pas sérieusement que, comme le fait apparaitre la consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires, dont, pour les motifs énoncés au point 2, il n'est pas recevable à contester la régularité de la consultation, il a, entre le 10 mars 2019 et le 29 juin 2020, soit dans une période proche de l'intervention de l'arrêté attaqué, régulièrement procédé dans des lieux publics à des ventes à la sauvette, offre ou exposition en vue de la vente, de biens sans autorisation ou déclaration régulière, et a fait preuve de rébellion ou a outragé des personnes dépositaires de l'autorité publique lorsqu'elles ont constaté cet état de fait. Il présente ainsi, outre une absence d'intégration dans la société française, un comportement de nature à troubler l'ordre public, lequel n'implique pas nécessairement que des condamnations judiciaires aient été prononcées. Par ailleurs, ce risque de trouble à l'ordre public apparait suffisant, au vu des seuls faits qui viennent d'être relatés, et qui sont ceux figurant dans l'arrêté attaqué, pour justifier le refus de renouvellement de son titre de séjour, même sans tenir compte des infractions commises par un certain Ali Assal, à supposer que, en dépit des conclusions des analyses dactyloscopiques réalisées, et corroborées par la note blanche produite, celui-ci ne soit pas un alias du requérant. De même, si celui-ci fait valoir que la fiche pénale produite par le préfet en défense et mentionnant qu'il aurait été en détention notamment du 1er octobre 2020 au 14 décembre 2020 serait nécessairement entachée d'erreur dès lors qu'il s'était présenté à la préfecture de Bobigny le 10 décembre 2020 pour le renouvellement de son récépissé, il ressort en tout état de cause de ce document qu'il s'agit d'une fiche pénale établi au nom de " Ali Assal " et concernant des faits de vol, qui ne font pas partie des fait pris en compte par le préfet dans l'arrêté attaqué, dont la matérialité peut être tenue pour établie, et qui, ainsi qu'il vient d'être dit, suffisent à justifier le refus de renouvellement de titre contesté, conformément d'ailleurs à l'avis de la commission du titre de séjour émis à l'issue de sa séance du 14 janvier 2021, ainsi que l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction temporaire de retour contenues dans le même arrêté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2022.
La rapporteure,
M-I. D...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22PA00239