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16/08/2022 | FRANCE | N°21PA01489

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 16 août 2022, 21PA01489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Ecleo a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche qu'elle a déclaré au titre des exercices 2013 et 2014.

Par deux jugements n° 1707130 et n° 1707133 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté les demandes de la SAS Ecleo.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 mars 2021, sous le n° 21PA01489, la SAS Ecleo, représentée par Me Morazin,

avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707130 du tribunal administratif de Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Ecleo a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche qu'elle a déclaré au titre des exercices 2013 et 2014.

Par deux jugements n° 1707130 et n° 1707133 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté les demandes de la SAS Ecleo.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 mars 2021, sous le n° 21PA01489, la SAS Ecleo, représentée par Me Morazin, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707130 du tribunal administratif de Melun en date du 21 janvier 2021 ;

2°) de prononcer la restitution du montant du crédit d'impôt recherche qu'elle a déclaré au titre de l'année 2013, ou, à défaut, d'ordonner, avant-dire-droit, une nouvelle expertise.

Elle soutient que :

- le rapport des experts du ministère de la recherche est empreint de partialité dès lors que les trois projets qui restent en litige avaient été agréés par le même ministère au profit d'une société sœur ;

- les dépenses engagées en 2013 sont éligibles, dès lors que la connaissance de l'état de l'art et l'identification des verrous techniques peuvent ne pas être préalables à l'engagement de la recherche ;

- l'interprétation administrative est contraire à la doctrine fiscale.

Par mémoire enregistré le 18 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021, sous le n° 21PA01491, la SAS Ecleo, représentée par Me Mozarin, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707133 du tribunal administratif de Melun en date du 21 janvier 2021 ;

2°) de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche déclaré par la société au titre de l'année 2014, ou, à défaut, d'ordonner une nouvelle expertise.

Elle soutient que :

- le bénéfice du crédit d'impôt recherche ne peut être conditionné à la réalisation préalable d'opérations tendant au dépassement d'un état de l'art ;

- les dépenses effectuées par le sous-traitant agréé sont éligibles au crédit d'impôt recherche ;

- le personnel affecté au projet REX dispose, du fait de son expérience dans la société, de la qualification nécessaire pour mener le projet.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 21PA01489 et n° 21PA01491, formées par la même société, présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. La société par actions simplifiée Ecleo, qui exerce une activité d'ingénierie et d'études techniques, intervient, avec d'autres sociétés appartenant au même groupe qu'elle, dans des travaux d'études à la demande de clients. La société a déclaré, en crédit d'impôt recherche, la somme de 320 842 euros au titre de l'année 2013, et la somme de 186 011 euros au titre de l'année 2014. Elle demande à la Cour d'annuler les jugements du 21 janvier 2021, par lesquels le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant au remboursement des crédits d'impôt recherche, ainsi que de prononcer le remboursement des sommes correspondantes.

Concernant l'année 2013 :

3. Aux termes de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier (...).

4. Il résulte de l'instruction qu'un collège de trois experts du ministère de la recherche et de l'innovation a rendu un avis défavorable à l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de trois projets présentés au titre de l'année 2013 par la société Ecleo, les projets Gripen, pile à combustible Hycarus, et conception de la structure d'un siège passager d'automobile. La société requérante remet en cause l'impartialité des experts du ministère de la recherche, au motif que ces projets avaient été estimés éligibles à la demande de Criatys, la société du même groupe que la société Ecléo. Toutefois, l'expertise des travaux décrits par société Criatys a été réalisée par un autre agent du ministère de la recherche et de l'innovation, M. A.... Aucun des trois experts mis en cause par la société Ecleo n'avait, préalablement à l'examen des travaux décrits par cette dernière, examiné ceux présentés par la société Criatys. De plus, si la société Ecleo a coopéré aux projets mentionnés

ci-dessus, les trois experts se sont déterminés " au vu des éléments présentés ", relatifs aux seuls travaux imputables à la société Ecleo, sans que cette dernière leur ait fourni les moyens d'identifier sa part propre dans les projets innovants, et son éventuelle contribution au dépassement d'un verrou technologique. Le moyen tenant à la partialité des experts du ministère manque donc en fait.

5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. (...) III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt. Lorsque ces subventions sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d'impôt de l'année au cours de laquelle elles sont remboursées à l'organisme qui les a versées. (...) " (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. (...) III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt. Lorsque ces subventions sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d'impôt de l'année au cours de laquelle elles sont remboursées à l'organisme qui les a versées. (...) " (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. (...) III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt. Lorsque ces subventions sont remboursables, elles sont ajoutées aux bases de calcul du crédit d'impôt de l'année au cours de laquelle elles sont remboursées à l'organisme qui les a versées. (...) " ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Il résulte de ces dispositions que des opérations consistant à perfectionner des matériels ou procédés existants ou à en développer des fonctionnalités particulières et qui se traduisent par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ne caractérisent pas des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté.

6. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet et au vu des éléments qui lui sont produits par chacune des parties, si les opérations réalisées par l'entreprise entrent dans le champ d'application du crédit impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations et si, par conséquent, celle-ci remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

7. Pour refuser l'éligibilité au crédit d'impôt recherche pour 2013 des trois projets mentionnés au paragraphe 4, l'administration a retenu l'absence d'évaluation préalable de l'état de l'art dans les domaines considérés. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés à ce même paragraphe, le moyen tiré de ce que du caractère infondé de l'exigence de cette évaluation préalable ne peut qu'être écarté.

8. Contrairement à ce que soutient la société Ecleo, lorsqu'une entreprise répond à la commande d'un donneur d'ordre, sa contribution ne peut être regardée comme éligible au crédit impôt recherche si elle n'a pas, avant d'engager ses travaux, identifié l'état de l'art existant, susceptible ou non d'apporter une solution à la demande du client ni identifier de verrous techniques à lever.

9. La société Ecleo se réfère au rapport du ministère de la recherche et de la technologie qui a reconnu éligible les projets Gripen, pile à combustible hycarus et siège passager d'automobile pour lesquels ont été apportées des solutions réellement innovantes consistant en un traitement de matériaux à 95 °, en un nouveau procédé d'inertage pour les piles à combustibles, ou encore en la réalisation de prototype de fauteuil passager. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport établi par le collège d'experts du ministère de l'industrie, que la participation de la société Ecléo à ces projets se bornait, pour le projet Grypen, à l'élaboration d'une équation permettant, compte tenu des résultats connus à certaines températures, d'extrapoler des résultats ne pouvant être expérimentés en réel, pour le projet de piles, à l'intervention sur le séchage de l'air ou la pose de clapets anti retour, sans apport d'aucune connaissance nouvelle et enfin, pour les fauteuils passagers, à des travaux de conception courante.

10. La société Ecleo ne peut utilement invoquer la doctrine fiscale, en l'absence de rehaussement de la base imposable par l'administration.

Concernant l'année 2014 :

11. L'administration a écarté les dépenses engagées par la société Ecleo du crédit impôt recherche au motif qu'elle intervenait en qualité de sous-traitant de ses clients qui restent propriétaires des productions réalisées. Il résulte des dispositions énoncées ci-dessus de l'article 244 quater B du code général des impôts que les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de recherche confiées à des prestataires agréés ouvrent droit, pour le donneur d'ordre, à un crédit d'impôt dans la limite du plafond fixé au d ter de cet article, les prestataires agréés devant déduire les sommes ainsi reçues de la base de calcul de leur propre crédit d'impôt recherche. Il est constant que la SAS Ecleo a perçu, de la part d'entreprises clientes donneuses d'ordre, des sommes en contrepartie d'opérations de recherche qu'elle aurait effectuées pour leur compte en vue de la rélisation du projet REX. Elle n'est dès lors, pas fondée à soutenir, sur le fondement de la loi fiscale, qu'elle pouvait prendre en compte ces sommes dans la base de calcul de son propre crédit d'impôt recherche, et ce, alors même que les entreprises clientes auraient renoncé à bénéficier du crédit d'impôt recherche à raison des sommes qu'elle leur a facturées.

12. La société Ecleo ne peut utilement invoquer la doctrine fiscale, en l'absence de rehaussement de la base imposable par l'administration.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SAS Ecleo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin de remboursement du crédit ou d'attribution des frais de l'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SAS Ecleo sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Ecleo et au ministre de l'économie, des finances et de l'indépendance industrielle et numérique

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, service du contentieux d'appel déconcentré (SDAD).

Délibéré après l'audience du 24 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 août 2022.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

J-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N °s 21PA01489, 21PA01491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01489
Date de la décision : 16/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : MBA - MOISAND BOUTIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-08-16;21pa01489 ?
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