Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans et l'a informé d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2108284 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 10 juin 2021 et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une part, de procéder au réexamen de la situation de M. D... dans un délai de deux mois en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, de prendre sans délai toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. D... dans le système d'information Schengen.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête, enregistrée le 21 août 2021 sous le n° 21PA04758, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de confirmer la légalité de l'arrêté du 10 juin 2021 précité ;
3°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- c'est à tort que la première juge a considéré que M. D... établissait contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci et entrait ainsi dans le champ d'application du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'arrêté du 10 juin 2021 n'est entaché d'aucune erreur de droit à cet égard ;
- l'auteur de l'acte est compétent ;
- l'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée et n'est entachée d'aucun défaut d'examen de la situation de M. D... ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, notamment concernant le fait que le comportement de M. D... constitue une menace pour l'ordre public ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les décisions portant refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de destination sont suffisamment motivées ;
- les moyens de M. D... invoqués contre la décision fixant le pays de destination, identiques à ceux dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français, sont inopérants ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est proportionnée dans son principe comme dans sa durée.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II - Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021 sous le n° 21PA05051, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 2108284 du 22 juillet 2021.
Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites.
La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... D..., ressortissant tunisien né le 19 avril 1985, entré en France en 2006 selon ses déclarations, a fait l'objet, le 10 juin 2021, d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, assorti d'une décision fixant le pays de destination et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, et l'informant de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Saisi par M. D..., le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 22 juillet 2021, annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
2. Par deux requêtes nos 21PA04758 et 21PA05051 qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, le préfet du Val-de-Marne relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.
Sur la requête n°21PA04758 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ". Et aux termes de l'article 371-2 du code civil, dans sa rédaction applicable : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est le père de l'enfant Yasin, Jilani D..., de nationalité française, né le 19 novembre 2019 à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Aux fins d'établir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement, M. D... a invoqué les dispositions qui précèdent. Il a produit, en premier lieu, une facture d'achat de mobilier d'enfant, en date du 25 novembre 2019, mentionnant l'adresse du 118, rue Henri Barbusse à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), qui est son adresse à la date de l'arrêté attaqué. Il ressort toutefois de l'examen de l'acte de naissance de l'enfant, daté du 23 novembre 2019, soit deux jours avant la date de la facture précitée, qu'il y est indiqué que M. D... résidait alors à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et la mère de l'enfant à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis). Dans ces conditions, et alors que M. D... ne soutient ni même n'allègue avoir changé de résidence entre le 23 novembre 2019 et le 25 novembre 2019, cette facture ne saurait avoir qu'une faible valeur probante. En second lieu, si M. D... produit une attestation " faite à la demande des parents " de la puéricultrice directrice de la PMI (protection maternelle et infantile), mentionnant que l'enfant " est venu en consultation à la PMI le 20 janvier 2020 ", cette attestation, au demeurant rédigée le 5 mai 2021, ne saurait établir la présence de M. D... à cette consultation. Si ce dernier produit en outre diverses attestations, factures d'achat de mobilier et de vêtements pour enfant ainsi que des tickets de caisse de courses alimentaires pour enfant, l'ensemble de ces dernières pièces sont postérieures au 4 mai 2021. Dans ces conditions, M. D... ne peut être regardé comme établissant contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis sa naissance. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'obligation de quitter le territoire français du 10 juin 2021, au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. D... :
Sur les moyens communs aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-1191 du 18 mai 2021, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à M. H... I..., attaché d'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait.
7. En second lieu, les décisions faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit mentionnent avec suffisamment de précisions les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elles sont fondées. Par suite, le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des décisions litigieuses que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation de l'intéressé.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, M. D... invoque la " violation combinée de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". S'agissant du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, codifié à la date de la décision attaquée au 5° de l'article L. 611-3 du même code, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. D... n'est pas fondé à se prévaloir de cette disposition.
10. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 611-3 du même code, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
11. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ".
12. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 423-23 du même code, dans sa rédaction applicable : "L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
13. M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis quatorze ans, qu'il est en couple avec Mme A..., mère de son enfant, depuis neuf ans, qu'il était présent lors de l'accouchement de cette dernière et recevait régulièrement ses visites pendant son incarcération. En invoquant à cet égard les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 423-23 du même code, M. D... doit être regardé comme soutenant qu'il est en situation de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Toutefois, en premier lieu, M. D... n'établit pas sa résidence continue en France antérieurement à 2019. En second lieu et ainsi qu'il a été dit au point 4, à la date de l'établissement de l'acte de naissance de leur enfant, le 23 novembre 2019, M. D... et Mme A... résidaient séparément. Par suite, l'ancienneté alléguée de la relation de couple entre M. D... et Mme A... n'est pas davantage établie. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. D... a notamment été condamné à deux reprises, par jugements du tribunal correctionnel de Pontoise du 3 juillet 2020 et du tribunal correctionnel de Paris du 13 août 2020, à des peines d'emprisonnement respectives de douze mois et de quinze mois, notamment pour des faits commis entre 2016 et 2019 de vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, ainsi que des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance. En outre, le préfet soutient sans être contredit que M. D... a également fait l'objet de plusieurs signalisations au fichier de traitement des antécédents judiciaires sous une identité d'emprunt, à savoir M. F... E..., de nationalité irakienne, pour diverses infractions telles que des faits de vol par effraction, recel et bien provenant d'un vol et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, signalisés le 29 octobre 2013, ainsi que des faits d'apologie directe et publique d'un acte de terrorisme, signalés le 17 janvier 2015. Par suite, eu égard à la gravité et au caractère répété des faits commis sur une période récente, c'est à bon droit que le préfet a estimé que le comportement de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet n'ayant pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale et l'intéressé ne pouvant prétendre, compte tenu de ce qui précède, à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 423-23 du même code, il a pu légalement obliger l'intéressé, qui n'a pu justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
15. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. D... n'établit pas, à la date de la décision attaquée, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 13, le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
16. Pour les mêmes motifs exposés au point 13, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la décision de refus d'un délai de départ volontaire :
17. M. D... n'invoque aucun moyen propre à l'encontre de cette décision, en dehors de ceux analysés aux points 6 à 8 du présent arrêt.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.
19. En second lieu, M. D... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
20. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, le moyen tiré des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
21. Le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été notamment codifié, à la date de la décision attaquée, aux articles L. 612-6, L. 612-10 et L. 613-2 du même code. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour.
Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Et aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
22. Il ressort de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
23. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté.
24. En second lieu, la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. D... vise notamment les articles L. 612-6, L. 612-10 et L. 613-1 à L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet a pris en compte, au vu de la situation de M. D..., l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées pour fixer la durée de l'interdiction de retour en relevant, d'une part, que l'intéressé, qui a déclaré être entré en France à la fin de l'année 2007, a été écroué durant quatre ans et n'a initié une première démarche dématérialisée qu'en mars 2021 en vue d'obtenir un rendez-vous pour régulariser sa situation au regard du droit au séjour. D'autre part, la décision mentionne que la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale, en ce que l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait pas reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine ou tout autre pays de son choix, et que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Ainsi, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, est suffisamment motivée.
25. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas, en lui-même, utilement invocable à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
26. En quatrième lieu et ainsi qu'il a été dit au point 13, le comportement de M. D... représente une menace pour l'ordre public. En outre, M. D... n'établit ni même n'allègue des circonstances humanitaires qui s'opposeraient à ce qu'une interdiction de retour soit prononcée à son encontre.
27. Il résulte des motifs exposés aux points 23 à 26 qu'en prenant à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français de 3 ans, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le signalement dans le système d'information Schengen :
28. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. La décision portant interdiction à M. D... de revenir sur le territoire français pendant un délai de trois ans n'étant pas illégale, pour les motifs énoncés ci-dessus, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à demander l'effacement de ce signalement.
28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 10 juin 2021. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal.
Sur la requête n°21PA05051 :
29. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2108284 du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 21PA05051 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
DECIDE :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA05051 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2108284 du 22 juillet 2021 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur des outre-mer et à M. G... D....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.
Le rapporteur,
P. C...
La présidente,
M. B...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04758, 21PA05051 2